Grèce/Turquie : Berlin « prend acte » du renforcement de la présence militaire française en Méditerranée

La reprise des activités turques de prospection d’hydrocarbures dans les domaines maritimes de la Grèce et la République de Chypre, avec les navires Oruç Reis et Barbaros Hayredin et sous escorte militaire, a relancé les tensions en Méditerranée orientale.

Tensions qui ont d’ailleurs donné lieu à un premier incident, avec la collision – sans gravité – de la frégate grecque Limnos avec la frégate turque Kemal Reis, laquelle accompage l’Oruç Reis. Selon Athènes, qui a confirmé les faits, il s’agirait d’un « accident », la proue du navire grec ayant touché la poupe de son homologue turc.

Mais le président turc Recep Tayyip Erdogan, a donné une autre interprétation de cet incident. En effet, le 13 août, prévenant que tout attaque contre un navire de prospection se « paierait au prix fort », il a laissé entendre qu’un vaisseau grec venait d’en faire les frais. « Nous leur avons dit ‘Ne pensez même pas à attaquer l’Oruç Reis, vous payerez le prix fort si vous attaquez notre Oruç Reis’. Et ils ont eu la première réponse aujourd’hui », a-t-il en effet affirmé.

Ce 14 août, M. Erdogan a donné plus de précision, en déclarant, devant des journalistes, que la frégate Kemal Reis avait « donné la réponse nécessaire » à une « attaque de navires grecs ». Et d’insister : « Si cela continue, ils recevront leur réponse en nature ».

Quoi qu’il en soit, cela n’a nullement empêché la navire grec concerné de prendre part à un exercice « d’opportunité » avec le porte-hélicoptères amphibie [PHA] Tonnerre, alors en route vers Beyrouth, et la frégate légère furtive [FLF] La Fayette, après que le président Macron a annoncé une « renforcement temporaire » de la présence militaire française en Méditerranée orientale.

Pour le moment, ce « renforcement temporaire » s’est limité à cet exercice avec la marine grecque et l’envoi, d’abord à Chypre, puis ensuite en Crète, de deux Rafale B de la 4e Escadre de chasse. Ce qui paraît peu par rapport au déploiement dans la région du groupe aéronaval formé autour du porte-avions Charles de Gaulle, en février dernier.

Pour autant, un porte-parole du Pentagone, Jonathan Hoffman, a fait savoir, le 13 août, que les États-Unis sont « bien évidemment préoccupés par les incidents qui se produisent en Méditerrnée orientale ». Et d’ajouter : La France et la Turquie sont « tous deux des alliés extrêmement importants de l’Otan et nous voudrions voir les tensions diminuer. […] Nous voudrions donc qu’ils continuent de coopérer et qu’ils trouvent des solutions qui n’impliquent pas la nécessité d’avoir des navires de guerre ou des avions déployés dans un environnement moins que coopératif. »

Dans cette affaire, l’Allemagne entend tenir le rôle de médiateur. En juillet, et alors que la marine grecque venait d’être mise en alerte après des mouvements de navires turcs escortant l’Oruç Reis en mer Égée, la chancelière allemande, Angela Merkel, avait contribué à apaiser les tensions entre Athènes et Ankara. Mais, selon un responsable européen cité par l’AFP, elle avait aussi prévenu M. Erdogan qu’il lui serait compliqué d’éviter des sanctions économiques de la part de l’Union européenne [UE] si la Turquie continuait ses forages « illégaux » dans les eaux chypriotes et grecques.

En tout cas, ce 14 août, Berlin a exprimé une position proche de celle affichée par Washington. En effet, le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Siebert, a indiqué que l’Allemagne « prend acte » du renforcement de la présence militaire français en Méditerranée orientale, avant d’estimer que « le plus important reste la désescalade ». Et d’insister : « Tout doit être entrepris pour éviter une nouvelle escalade. »

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a dû apprécier, lui qui, depuis la Suisse, a appelé, ce jour, la France à « éviter de prendre des mesures qui aggravent les tensions dans l’est de la Méditerranée », comme si elle en était à l’origine…

En outre, lors d’un entretien avec Charles Michel, le président du Conseil européen, M. Erdogan a assuré qu’il est « favorable à une solution en Méditerranée orientale qui protégera les droits de tous les pays et profitera à tous »… tout en réaffirmant son « engagement à défendre les droits de la Turquie contre les tentatives de les ignorer. »

Selon l’AFP, M. Michel lui aurait conseillé « d’éviter les provocations » et confirmé la « totale solidarité » au sein de l’UE avec la Grèce. D’ailleurs, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, prépare actuellement des « mesures adéquates afin de répondre aux défis posés par la Turquie », qui seront présentées aux ministres des Affaires étrangères des 27 pays membres les 27 et 28 août prochains.

Photo : Ministère turc de la Défense

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