Face à la Chine, l’Australie et les États-Unis parlent de renforcer leur coopération militaire

La semaine passée, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, s’en est violemment pris à la Chine, et en particulier au Parti communiste chinois en appelant le « monde libre » à « triompher » de la « nouvelle tyrannie » incarné, selon lui, par ce dernier.

« La Chine d’aujourd’hui est de plus en plus autoritaire à l’intérieur du pays, et plus agressive dans son hostilité face à la liberté partout ailleurs », a encore asséné M. Pompeo, au lendemain de l’annonce de la fermeture du consulat chinois à Houston, qu’il a décrit comme étant une « plaque tournante de l’espionnage ».

Lors d’une rencontre au format 2+2 [défense et diplomatie], à Washington, le 28 juillet, la ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne, n’a pas voulu utiliser la même rhétorique que son homologue américain au sujet de la Chine… même si, à Canberra, on fait beaucoup de reproches à son endroit.

En effet, ces dernières semaines, l’Australie a demandé une enquête internationale sur l’apparition, à Wuhan, de l’épidémie de covid-19 [ce qui a fortement déplu à Pékin], banni l’équipementier Huawei pour ses réseaux 5G et dénoncé son rôle [sans la nommer officiellement] dans des attaques informatiques de grande ampleur ainsi que ses tentatives d’ingérence dans la vie politique australienne. En outre, Canberra s’inquiète aussi des « mauvais comportements » de la Chine dans la région Indo-Pacifique, où elle pratique la politique du fait accompli pour assoir des revendications territoriales.

Estimant que son pays allait faire face à des « défis régionaux d’une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale », avec une concurrence stratégique de plus en plus affirmée entre les Washington et Pékin dans le Pacifique, le Premier ministre australien, Scott Morrison, a récemment une hausse de 40% des dépenses militaires au cours de la prochaine décennie. Une nécessité qui fait a priori consensus en Australie, où l’on craint que la puissance militaire américaine soit supplantée, du moins dans la région, par celle de la Chine.

Pour autant, même si les apparences peuvent laisser peenser le contraire, cela ne veut pas dire que Canberra doit s’aligner automatiquement sur les positions de Washington. C’est ce qu’a donc affirmé Mme Payne. Alors qu’elle était interrogé sur les propos récemment tenus par M. Pompeo, elle a répondu qu’il n’avait fait qu’exprimer sa position.

« Nous fonctionnons sur la base de valeurs communes. Mais surtout, de notre point de vue, nous prenons nos propres décisions dans l’intérêt national australien ainsi que dans le respect de notre sécurité, de notre prosperité et de nos valeurs », a dit Mme Payne. « La relation que nous entretenons avec la Chine est importante. Et nous n’avons pas l’intention de lui nuire. Mais nous n’avons pas non plus l’intention de faire des choses qui sont contraires à nos intérêts », a-t-elle ajouté.

Avec les États-Unis, « nous ne sommes cependant pas d’accord sur tout. Et cela fait partie d’une relation respectueuse, qui dure depuis plus de 100 ans », a insisté la cheffe de la diplomatie australienne, sans pour autant préciser les « désaccords » avec Washington.

Car, en revanche, Australiens et Américains sont sur la même longueur d’onde quand il s’agit de qualifier « d’illégales » les reventications maritimes de Pékin en mer de Chine méridionale et d’évoquer la répression des Ouïghours dans la province du Xinjiang ainsi que le sort fait à l’autonomie de Hong Kong. Sur ces sujets, les deux pays ont exprimé « leurs profondes préoccupations. »

Quant à la coopération entre les deux pays, déjà importante, elle va encore se renforcer. Et cela, dans au moins deux domaines : l’innovation technologique et le soutien logistique.

Ainsi, le chef du Pentagone, Mark Esper, et la ministre australienne de la Défense, Linda Reynolds, se sont mis d’accord sur l’organisation d’exercices conjoints plus fréquents, en particulier en mer de Chine méridionale, afin de contrer sa « militarisation croissante » par Pékin, ainsi que dans l’océan Indien. Et ils ont également annoncé la création, à Darwin, d’une réserve stratégique de carburant, qui sera financée par les États-Unis.

« Nous discutons des opportunités qui intéressent États-Unis et l’Australie et de notre volonté de les développer, qu’il s’agisse de l’hypersonique ou de toute autre capacité », a en outre indiqué M. Esper, au chapitre de la coopération en matière de technologie.

À l’occasion de la révision de son livre blanc sur la défense, Canberra a justement fait part de son intérêt pour développer des armes hypersoniques. Une enveloppe conséquente [environ 5 milliards d’euros] est prévue à cette fin. Les forces australiennes ont maintenant besoin de capacités de dissuasion plus fortes. De telles capacités peuvent maintenir à distance des forces et les infrastructures critiques d’adversaires potentiels, dissuadant ainsi une attaque contre l’Australie tout en contribuant à prévenir une guerre « , avait expliqué M. Morisson, début juillet.

Cette coopération devrait aussi concerner la défense aérienne et antimissile, la guerre électronique, l’espace, la cybersécurité, la lutte sous-marine et l’approvisionnement en minéraux critiques.

« Cela permettra à l’alliance [australo-américaine] de maintenir son avantage en termes de capacités dans un environnement qui se modernise rapidement », a justifié Mme Reynolds. « Une réduction supplémentaire des obstacles à une intégration industrielle renforcera également notre interopérabilité et notre résilience commune », a-t-elle ajouté.

Pour avoir une idée de ce que l’on pense à Pékin de ce rapprochement, il suffit de consulter le quotidien Global Times, qui suit la ligne du Parti communiste chinois. Et il s’est montré très clair, en qualifiant l’Australie de « sherif adjoint » des États-Unis.

« Étre lié au char américain contre la Chine ne sera pas une bonne chose pour l’Australie. Er des provocation pourraient sérieusement mettre en danger ses intérêts », a ainsi prévenu Wei Dongxu, un expert militaire.

Photo : Le HMAS Canberra encadré par l’USS McCampbell et l’USS Ronald Reagan, durant l’exercice Taliman Sabre, en 2019 (c) US NAVY / MC2 Markus Castaneda

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