L’administration Trump assouplit encore les restrictions relatives à l’exportation de drones armés

En 1987, les pays alors membres du G7 [Allemagne de l’Ouest, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni] fondèrent le « Régime de contrôle de la technologie des missiles » [RCTM] afin de limiter la prolifération de tels engins et des technologies associées, en s’imposant des règles en matière d’exportation. Depuis, 28 autres pays ont rejoint cette initiative, dont la Russie [en 1995] et la Turquie [en 1997].

Ce RCTM édite des règles, non contraignantes sur le plan juridique, que les adhérents s’engagent à respecter. Elles concernent deux catégories d’équipements. La première inclut notamment « les systèmes de fusées complets ainsi que les véhicules aériens non pilotés [comprendre : sans équipage à bord] pouvant transporter une charge d’au moins 500 kg sur une distance d’au moins 300 km. Les drones de reconnaissance, même s’ils sont pilotés, en font partie.

Quant à la seconde, elle concerne les « éléments à double usage liés aux missiles ainsi que les autres systèmes de missiles complets dotés d’une portée d’au moins 300 km, indépendamment de leur charge utile. »

En outre, les pays qui ont rejoint le RTCM ont également signé l’Arrangement de Wassenaar qui, depuis 1995, vise à améliorer le contrôle des exportations d’armes conventionnelles et de technologies à double usage [militaire et civil].

N’adhérant ni au RTCM et ni à l’Arrangement de Wassenaar, la Chine a donc les mains libres pour exporter ses drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance], lesquels présentent beaucoup de similitudes avec les Predator et Reaper américains, tout en étant nettement moins chers.

Résultat : selon une étude publié en 2019 par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm [Sipri], les ventes de drones chinois ont bondi de 1.430% entre 2014 et 2018, ce qui fait de la Chine le premier pays exportateur de ce type d’appareils, avec notamment des clients au Moyen-Orient [Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Jordanie, Irak], en Asie [Pakistan, Birmanie] et en Afrique [Nigéria, Algérie].

« La Chine fait la promotion de ses appareils dans de nombreux salons aéronautiques internationaux. Les drones MALE les plus connus et les plus exportés sont ceux de la gamme Rainbow de
CASC ainsi que les Wing Loong assemblés par AVIC. En termes de capacités opérationnelles, il semblerait que la performance de ces appareils reste en deçà de celle de leur concurrent américain ; pour autant, les industriels chinois affichent des prix de vente par système très inférieurs. Par exemple, le drone MALE CH-5, appareil le plus récent chez CASC, coûterait le quart du prix d’un MQ-9 Reaper américain », expliquent Océane Zubeldia et Malcom Léon-Zytnicki, dans une récente note de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire [IRSEM].

Et d’ajouter : « Il semble toutefois que ces systèmes ne remplissent pas tout à fait les nécessités opérationnelles de certains pays utilisateurs – la Jordanie a mis en vente ses 6 CH-4B acquis trois ans plus tôt » mais « grâce à des prix à l’exportation relativement faible, la Chine espère dominer ce marché dual estimé à près de 100 milliards de dollars d’ici 2020. »

Évidemment, dans une contexte marqué par une concurrence de plus en plus exacerbée, Washington n’a pas l’intention de laisser la voie libre à Pékin dans le domaine des drones. En avril 2018, l’administration Trump décida de lever certaines restrictions, en particulier concernant les pays alliés et partenaires des États-Unis, en permettant aux industriels américains à commercialiser leurs drones directement auprès de ces derniers, sans nécessairement passer par le dispositif des Foreign Military Sales [FMS].

« La politique d’exportation des drones de l’administration uniformisera les règles du jeu en permettant aux entreprises américaines d’augmenter leurs ventes directes aux alliés et partenaires autorisés », avait expliqué, à l’époque, Peter Navarro, alors conseiller économique du président Trump.

Mais ce n’était pas encore suffisant. Le 24 juillet, l’administration Trump a ainsi confirmé un nouvel assouplissement des restrictions sur les exportations de drones, en changeant leur interprétation du régime de contrôle de la technologie des missiles, faute de pouvoir les amender, un pays membre du MTCR s’opposant à « tout ce que les États-Unis proposent », a expliqué Chris Ford, secrétaire adjoint à la sécurité internationale et à la non-prolifération, devant l’Institut Hudson, en évoquant la Russie.

« Les règles du MTCR ont plus de trente ans. Non seulement, elles sont obsolètes mais elles donnent un avantage injuste aux pays qui n’en font pas partie et nuisent à l’industrie américaine », a justifié , Kayleigh McEnany, le porte-parole de la Maison Blanche.

« Cette décision, qui est conforme aux directives du MTCR, augmentera la sécurité nationale des États-Unis en améliorant les capacités de ses partenaires et en augmentant la sécurité économique, tout en ouvrant le marché en expansion des drones à l’industrie américaine », a-t-il aussi fait valoir.

Auparavant, les demandes d’achat de drones capables d’emporter une charge utile de 500 kg sur plus de 300 km faisaient l’objet d’une « forte présomption de refus ». Désormais, ce sera au cas par cas.

Secrétaire d’État adjoint aux affaires politico-militaires, R. Clarke Cooper a expliqué à CNN qu’il incomberait aux États-Unis de « veiller à ce que les systèmes vendus soient utilisés de manière responsable » et qu’ils « ne menaceront pas les intérêts » des États-Unis ainsi que ce ceux de leurs alliés.

Cela étant, au regard de l’usage que font certais pays des drones chinois qu’ils ont acquis, il n’est pas certain que d’éventuelles restrictions d’emploi soient à leur goût. Par exemple, les Émirats arabes unis ont les coudées franches pour envoyer leurs Wing Loong en Libye… Ce qui n’aurant sans doute pas le cas s’ils avaient acheté des appareils américains.

Quoi qu’il en soit, General Atomics et Northrop Grumman, qui commercialisent respectivement les MQ-9 Reaper et les RQ-4 Global Hawk, ont salué cette décision de l’administration Trump.

« Il est essentiel pour notre sécurité nationale que nos politiques d’exportation continuent de suivre le rythme de l’évolution rapide de la technologie et soutiennent la collaboration avec nos alliés », a ainsi commenté Tim Paynter, le porte-parole de Northrop Grumman.

En revanche, la fin de cette « présomption de refus » relative aux drones ne fait pas l’unanimité sur le plan politique, les élus démocrates ayant fait part de leur opposition, comme le sénateur Robert Menendez pour qu’il s’agit d’une « décision imprudente ». Pour rappel, ce dernier avait tenu un rôle important dans la tentative du Congrès de bloquer les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite.

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