Un programme de drone spatial pour l’armée de l’Air et de l’Espace sera-t-il retenu par le plan de relance?

Ce 24 juillet, la ministre des Armées, Florence Parly, doit assister à la prise de commandement de l’École de l’Air par Mme le général Dominique Arbiol [qui tient à l’usage du masculin pour son grade, avance Le Figaro. À cette occasion, elle va officialiser la nouvelle appellation « armée de l’Air et de l’Espace », comme cela avait été annoncé l’an passé, au moment de la publication de la stratégie militaire spatiale française.

Dans un entretien donné au quotidien La Provence, Mme Parly a ainsi expliqué que l’espace est désormais devenu un « milieu de confrontation éventuelle », avec des puissances qui s’y disputent « la suprématie mondiale ». Et un nouvel exemple vient d’en être donné avec les accusations portées contre la Russie par le général John Raymond, le commandant de l’US Space Force.

Ainsi, ce dernier a confié à l’hebdomadaire Time que la Russie avait « conduit un test non-destructeur d’une arme anti-satellite depuis l’espace » le 15 juillet. D’après lui, l’engin Kosmos-2543, libéré par le satellite Kosmos-2542 dix jours après son lancement depuis le cosmodrome de Plessetsk, en novembre 2019, aurait « tiré un projectile », désigné « Objet 45915 », alors qu’il manoeuvrait autour du satellite Kosmos-2535.

En février dernier, les États-Unis avait accusé déjà les engins Kosmos-2542 et Kosmos-2543 de s’intéresser d’un peu trop près au satellite USA-245, exploité depuis 2013 par le National Reconnaissance Office [NRO].

« Le test de la semaine dernière est un nouvel exemple que les menaces contre les installations spatiales des États-Unis et de ses alliés sont réelles, sérieuses et croissantes » a fait valoir l’US Space Command, via un communiqué.

En 2018, la France a également dénoncé l’activité de l’engin russe LUCH-OLYMP autour du satellite franco-italien de communications militaires Athena-Fidus. Un incident qui a servi de fil rouge à l’élaboration de la stratégie spatiale militaire dévoilée l’an dernier. Cela étant d’autres pays développent – ou ont déjà développé – des capacités anti-satellites, comme les États-Unis, la Chine et, plus récemment, l’Inde.

« Le constat était que des satellites pouvaient désormais s’approcher des nôtres pour les brouiller ou les endommager, voire les détruire. Ceci a évidemment une importance très grande pour nos activités civiles et militaires car nos armées utilisent de plus en plus l’espace pour leurs propres opérations », a rappelé Mme Parly dans les colonnes de La Provence. Et d’ajouter : « Nous ne sommes en aucun cas engagés dans une course aux armements » mais « il est également de ma responsabilité d’être certaine d’avoir parfaitement identifié les menaces auxquelles notre pays est potentiellement confronté. »

La stratégie spatiale française repose sur la création d’un Commandement de l’Espace, basé à Toulouse, ainsi que sur l’amélioration des capacités d’observation de la situation en orbite. Il est aussi question d’équiper les satellites de petites caméras afin d’identifier les engins suspects qui s’approcheraient trop près d’eux et de développer de nano-satellites patrouilleurs pour caractériser et atribuer les manoeuvres inamicales. En outre, et comme la France n’exclut pas de répondre à un acte hostile dans le cadre de la légitime défense, Paris songe aussi à doter ses engins spatiaux de « moyens » d’auto-défense, comme des lasers de puissance.

Initialement, la Loi de programmation militaire [LPM] 20129-25 avait prévu une enveloppe de 3,6 milliards d’euros pour le domaine spatial. Et 700 millions d’euros ont depuis été ajoutés à ce montant. De quoi financer, notamment, les programmes OMEGA [Opération de Modernisation des Equipements GNSS des Armées], IRIS et CELESTE, ainsi que le lancement des constellations CSO et CERES.

Mais il se pourrait que cet effort soit de nouveau revu à la hausse à l’occasion d’un éventuel plan de relance en faveur de la Base industrielle et technologique de défense [BITD], laquelle risque de connaître une rentrée difficile, à cause de la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19. C’est en effet le constat dressé par les députés Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot dans un rapport qu’ils viennent de remettre à l’issue d’une « mission flash » portant sur l’industrie de l’armement.

Pour éviter un « effet de falaise » à la BITD française, les deux parlementaires plaident en faveur d’une mobilisation de la commande publique dans le cadre du plan de relance qui sera précisé d’ici septembre prochain. Et dans la liste des équipements qu’ils préconisent de financer à ce titre, l’armée de l’Air [et de l’Espace] en obtiendrait une part non négligeable. .

Outre une commande d’une vingtaine Rafale supplémentaires [pour environ 2 milliards d’euros], MM. Griveaux et Thiériot évoquent l’acquisition de 12 hélicoptères Caracal neufs [en plus des 8 figurant dans le plan de soutien à la filière aéronautique], de 25 boules optroniques FLIR, de moyens de lutte anti-drones ou encore des équipements nécessaires pour l’entrée en vigueur du « ciel unique européen » en 2024.

Mais les rapporteurs se sont fait l’écho de priorités du Commandement de l’Espace [qui relève de l’armée de l’Air]. Ainsi, un éventuel plan de relance pour la BITD pourrait permettre d’accélérer la mise en place des segments sol du système de télécommunications Syracuse IV [dont « les livraisons ont été rééchelonnées à des fins d’économies », précisent-ils]… mais aussi le développement d’une constellation de nano [ou de mini] satellites en orbite basse, en lien avec les « acteurs émergents du secteur spatial ».

Sur ce point expliquent les deux députés expliquent que l’intérêt d’une telle architecture tient à la fréquence des passages au-dessus d’un même point de la Terre [|le ‘taux de revisite’], à des coûts beaucoup plus limités et à des risques mieux répartis que lorsque l’on mise tout sur un seul objet orbital. »

Mais le programme le plus ambitieux de cette liste est sans doute celui consistant à doter l’armée de l’Air et de l’Espace de « navettes spatiales du type X-37B américain ». Pour rappel, ce dernier est un drone spatial conçu par Boeing pouvant rester en orbite pendant plusieurs mois, voire années [son record est de 780 jours] tout en étant capable de manoeuvrer et d’emporter une charge utile dont la nature est en partie confidentielle.

En octobre dernier, lors d’une audition parlementaire, le chef d’état-major de l’armée de l’Air [CEMAA], le général Philippe Lavigne, avait affirmé que « la question d’un drone spatial tel que le X-37B sera certainement abordée un jour. » Sans doute ne pensait-il pas que cela viendrait aussi vite… du moins, à condition qu’un tel engin fasse partie du plan de relance.

Des projets sont d’ailleurs déjà sur la table. En effet, Airbus travaille sur un « Space Tug », qui permettrait de repositionner sur orbite correcte les satellites ayant épuisé leurs réserves de carburant, voire de les ravitailler. De son côté, Thales Alenia Space planche sur le Space Rider [Space Reusable Integrated Demonstrator for Europe Return], une mini-navette spatiale de 2,4 tonnes dont un premier vol est annoncé en 2022 si l’Agence spatiale européenne maintient les financements pour son développement. Enfin, Dassault a dans ses cartons un « Hypersonique Réutilisable Aéroporté » [VEHRA], c’est à dire une navette sub-orbitale.

Quoi qu’il en soit, un tel programme de drone spatial suppose de relever plusieurs défis technologiques, notamment en matière d’intelligence artificielle [il faudra des algorithmes pour manoeuvrer près d’un satellite], de robotique [bras articulé, capteurs tactiles de force] ou encore d’optronique et de matériaux [bouclier thermique pour la rentrée dans l’atmosphère].

Photo : Dassault Aviation

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]