La marine grecque a été mise en alerte après des mouvements de navires turcs en mer Égée

Les protestations de l’Union européenne ainsi que les menaces de renforcer les sanctions à son égard n’y font rien : la Turquie continue ses forages gaziers dans la zone économique exclusive de la République de Chypre tout en entravant ceux conduits grâce à des autorisations délivrées par Nicosie. Et cela conformément, a priori, au concept de « Patrie bleue », c’est à dire un programme politico-militaire consistant à défendre avec agressivité les frontières maritimes turques, que ce soit en mer Noire, en mer Egée et en Méditerranée orientale.

La question de l’exploitation gazière au large de Chypre est liée avec la Libye. En novembre 2019, avec le gouvernement d’entente nationale de Tripoli [GNA], Ankara a en effet signé un protocole d’accord lui permettant d’étendre son plateau continental et, donc, d’appuyer des revendications territoriales en Méditerranée orientale, aux dépens de Nicosie, d’Athènes et du Caire.

« L’enjeu central pour la Turquie est de revendiquer une vaste zone économique exclusive en Méditerranée orientale » explique Ryan Gingeras, spécialiste de la Turquie et professeur au sein du département des affaires de sécurité nationale à la Naval Postgraduate School, dans les colonnes du quotidien libanais L’Orient-Le jour. « Ankara vise à tester les limites de l’acceptation par la région de ses intérêts territoriaux en Méditerranée. Pour le moment, il n’a eu affaire qu’à une opposition limitée », constate-t-il.

De passage à Athènes, le 21 juillet, Heiko Maas, le chef de la diplomatie allemande, dont le pays assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE, a estimé qu’il était important de « mener un dialogue » avec la Turquie, qui reste « stratégiquement important au sein de l’Otan et sur la question migratoire ». Pour autant, a-t-il continué, les relations entre l’UE et Ankara ne pourront s’améliorer que si la partie turque « abandonne ses provocations en Méditerranée orientale. »

« Concernant les forages de la Turquie en Méditerranée orientale, nous avons une position claire, le droit international doit être respecté », a dit M. Maas, lors d’une conférence de presse donnée au côté de Nikos Dendias, son homologue grec. Et d’ajouter que Berlin attend que les forages turcs d’exploration gazière cessent et qu' »aucun autre ne soit entrepris ».

Seulement, la Turquie n’en a cure. Quelques heures après la déclaration du ministre allemand, Athènes a indiqué voir effectué une « démarche de protestation » auprès d’Ankara, qui venait d’annoncer des « explorations dans une partie du plateau continental grec », en particulier dans le sud-est de la mer Egée, avec l’envoi notamment du navire Oruç Reis. Ce qui, pour les responsables grec, constitue une « escalade de la tension dans la région. »

« Nous appelons la Turquie à arrêter ses activités illégales qui violent nos droits souverains et sapent la paix et la sécurité dans la région », a fait valoir un communiqué du ministère grec des Affaires étrangères.

Ce 22 juillet, la tension est montée d’un cran. Selon un officier grec cité par l’AFP, la marine grecque a été mise en alerte ainsi qu’en « préparatifs renforcés ». Et des « unités ont été déployées depuis hier [21/07] dans le sud et le sud-est de la mer Egée. […] Elles sont prêtes à répondre à toute activité » turque.

En outre, la marine grecque a appelé ses navires à ignorer les restrictions de navigation décrétées par la Turquie dans le secteur concerné. Selon Ankara, ce dernier se trouve « entièrement sur le plateau continental turc tel que déclaré aux Nations unies ». Et de constester que l’ile grecque de Kastellorizo, « large de 10 km2, à 2 km seulement d’Anatolie [en Turquie] et à 580 km du continent grec, puisse générer un plateau continental de 40.000 km2. »

Par ailleurs, ces dernier développements surviennent alors que l’Otan participe aux manoeuvres navales Sea Breeze 2020 en mer Noire, via le Standing NATO Maritime Group 2 [SNMG2]. Initialement, la France devait y participer, avec le Bâtiment de commandement et de ravitaillement [BCR] Var, avec les pays riverains [dont la Turquie] et les États-Unis… Mais finalement, ce n’est pas le cas, même si le navire français est sur zone depuis le 18 juillet. Et cela en raison de la décision de Paris de désengager les moyens de la Marine nationale de l’opération Sea Guardian [de l’Otan], après l’incident ayant opposé la frégate Courbet à la marine turque [le TCG Oruç Reis, en l’occurrence].

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