Après Hong Kong, Taïwan craint d’être le prochain objectif de Pékin

Le 21 juillet, le Parlement taïwanais a adopté une résolution visant à supprimer toute référence à la Chine dans le nom de la compagnie aérienne nationale – China Airlines [CAL]. En effet, depuis la fuite du Kuomintang [KMT] sur l’île après sa défaite face aux troupes communistes, Taïwan est officiellement désignée par la mention « République de Chine » [RoC]. Ce qui peut prêter à confusion avec la « République populaire de Chine » [RPC].

L’idée de changer le nom de la China Airlines a repris de la vigueur depuis l’apparition de la covid-19. La raison invoquée est que la compagnie aérienne taïwanaise est régulièrement confondue avec Air China, son homologue continentale. Cela avait été le cas en avril, au moment de la livraison en Europe de masques fabriqués à Taïwan.

Selon l’exposé des motifs de la résolution, il s’agirait de rendre CAL plus facilement identifiable au niveau international afin de « mieux protéger les intérêts nationaux » à l’étranger. Un autre texte adopté demande par ailleurs à ce que les références à Taïwan soient plus facilement identifiables – tant en anglais qu’en mandarin – sur les passeports délivrés aux ressortissants taïwanais.

Ces deux résolutions sont autant de coups de canif dans le concept de « Chine unique » que défend Pékin. C’est d’ailleurs ce qu’ont souligné leurs détracteurs, ces derniers y voyant une « provocation » à, l’égard de la République populaire de Chine.

Cela étant, à en croire le ministre taïwanais des Affaires étrangères, Joseph Wu, Pékin n’a pas attendu ces résolutions pour accroître ses pressions militaires sur Taïwan.

Ainsi, faute d’une réaction internationale forte après la mise au pas de Hong Kong, dont le statut était pourtant garanti après sa rétrocession par le Royaume-Uni, en 1997, M. Wu estime en effet que Taïwan pourrait être le prochain objectif de Pékin. D’autant plus que de récentes déclarations faites par des responsables du Parti communiste chinois [PCC] ou de l’Armée populaire de libération vont dans ce sens.

« Si la possibilité d’une réunification pacifique échoue, l’Armée populaire de libération prendra, avec l’ensemble du pays – y compris le peuple de Taïwan – toutes les mesures nécessaires pour briser résolument tout complot ou action séparatiste », a ainsi récemment mis en garde le général Li Zuocheng, chef du département d’état-major interarmées et membre de la commission militaire centrale.

En tout cas, devant la presse, ce 22 juillet, Joseph Wu a fait état d’une intensification des activités militaires « menaçantes » de la Chine continentale près de Taïwan au cours de ces dernières semaines.

« Si l’on regarde la tendance à long terme, la Chine semble intensifier progressivement sa préparation militaire, en particulier dans les airs ou sur les eaux proches de Taiwan », a affirmé M. Wu. « Ce que la Chine fait actuellement, c’est continuer à se préparer pour résoudre le ‘problème’ de Taiwan », a-t-il ajouté.

En juin, le ministère taïwanais de la Défense a évoqué 8 intrusions d’avions militaires chinois dans sa zone d’identification de défense aérienne. Mais d’après M. Wu, de tels incidents seraient en réalité « beaucoup plus fréquents » que ce qui est publiquement admis par Taipei. Qui plus est, a-t-il continué, la Chine aurait aussi « lancé plusieurs attaques militaires simulées » contre Taïwan. « Ces comportements nous inquiètent », a-t-il dit.

Et cela d’autant plus que, estime M. Wu; une attaque de Taïwan pourrait être « un bouc émissaire très pratique » pour Pékin afin de détourner la « pression intérieure » alimentée par le ralentissement de l’économie, la pandémie de covid-19 et les inondations qui touchent actuellement la Chine.

Une estimation partagée lors d’un forum sur la sécurité, organisé à Taipei, le 21 juillet, par Tsai De-sheng, un ancien responsable de la sécurité nationale de Taïwan. « Le sentiment nationaliste est élevé en Chine en raison des développements politiques à Hong Kong, de la pression résultant de la pandémie de COVID-19 et de l’inquiétude que Taiwan puisse évoluer vers indépendance », a-t-il dit.

Cependant, pour d’autres experts militaires taïwanais, une invasion de l’île serait « peu probable » pour le moment. En revanche, ils n’écartent pas l’hypothèse d’un conflit de faible intensité, comme l’a fait le général Chang Yen-ting, un ancien commandant en second de la force aérienne taïwanaise.

« Les points chauds pour un conflit armé potentiel de faible intensité comprennent les îles Dongsha et Taiping dans la mer de Chine méridionale, et l’île Wuqiu près de Kinmen, qui sont toutes sous la juridiction de Taiwan », a relevé l’ancien officier. « Une caractéristique commune de ces îles est qu’elles sont faciles à attaquer mais difficiles à défendre », a-t-il souligné.

Photo : Ministère taïwanais de la Défense

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