L’Union européenne divise par deux ses ambitions en matière de défense et d’autonomie stratégique

Il aura fallu quatre jours de marchandage aux dirigeants des 27 pays membres de l’Union européenne pour trouver un accord sur un plan de relance de 750 milliards d’euros [appelé « Next Generation EU »] ainsi que sur le Cadre financier pluriannuel [CFP] pour la période 2021-27, dont il est question depuis plus de six mois.

Au moins quatre pays, dit « frugaux », ont freiné des quatre fers sur les dépenses envisagées dans le cadre de ces dispositifs, afin de ne pas avoir à payer pour les autres, d’autant plus que, l’argent n’étant pas magique, il faudra avoir recours à l’emprunt. Mais ils sont donc fini par plier, en échange de concessions.

Dans le détail, le plan de relance se compose de 390 milliards d’euros de subventions, lesquelles seront allouées – sous conditions de respecter des objectifs en matière de transition écologique – aux États membres les plus durement affectés par la pandémie de Covid-19 [la France pourra disposer de 40 milliards, ndlr]. La dette qui en résultera sera à rembourser par les 27, ce qui sera inédit, en échange d’un certain droit de regard sur le sort des sommes perçues par les bénéficiaires. En outre, 360 milliards d’euros seront disponibles pour des prêts, qui devront être remboursés par le pays emprunteur.

Initialement, il était question de 500 millions de suventions et de 250 milliards de prêts remboursables. Ce qui veut dire que les États frugaux ont obtenu une rééquilibrage du plan de relance. Ce qui a donc permis de lever leurs réticentes.

Quant au CFP, il sera doté d’une enveloppe globale de 1.074 milliards d’euros pour les six prochaines années, alors que la Commission européenne tablait sur un montant de 1.134 milliards, avec une contribution de 1,11% du revenu national brut [RNB] des États membres. Les quatre « frugaux » ont obtenu de baisser leur participation au budget européen, ce qui fait que des coupes franches ont dû être faites…

Résultat : les ambitions de l’UE en matière de défense ont été drastiquement revues à la baisse. Au départ, l’objectif était de mettre sur pied un Fonds européen de défense [FEDef] doté d’un peu plus de 13 milliards d’euros, afin de favoriser les coopérations industrielles européennes en matière d’armement, notamment via la Coopération structurée permanente [CSP/PESCO]. L’idée étant de renforcer l’autonomie stratégique européenne. Dans le même temps, une enveloppe de 16 millards d’euros devait être affecté à un autre secteur stratégique, celui de l’espace, en l’occurrence.

En décembre, devant les blocages constatés lors des négociations relatives au CFP pour la période 2021-27, la Finlande, qui tenait alors les rênes de l’UE, proposa de réduire le budget à 1.087 milliards d’euros, ce qui supposait de tailler revoir à la baisse les ambitions affichées pour le FEDef, dont la dotation devait être divisée par deux, la politique spatiale ainsi que le plan pour la mobilité militaire au sein de l’espace européen.

La France s’opposa fermement à de tels desseins. « Je ne soutiendrai pas un projet de budget qui ne soit pas à la hauteur de notre ambition sur ce point », avait même lancé le président Macron à l’issue du dernier sommet de l’Otan, organisé à Londres, en décembre dernier. « Sur ces nouvelles politiques de défense, de recherche, d’intelligence artificielle […], nous avons besoin d’un budget ambitieux, sinon nous ne sommes pas cohérents », avait-il ajouté.

Un Conseil européen tenu en février échoua à trouver un accord sur le CPF 2021-27. Mais c’était avant la crise de la Covid-19… Cela étant, l’enveloppe qu’il était alors prévu d’allouer au FEDef devait plus importante que celle proposée durant la présidence finlandaise, avec 9 milliards d’euros au lieu de 6 milliards. Mais, pour Paris, c’était encore suffisant.

« Nous aurons l’occasion de tester les ambitions des Européens lorsque le cadre financier pluriannuel sera à nouveau discuté et le budget du Fonds européen de la défense arrêté. Selon moi, il est absolument nécessaire de préserver les moyens initialement envisagés, de l’ordre de 13 milliards. Revoir nos ambitions à la baisse serait une faute », affirma Florence Parly, la ministre française des Armées, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 11 mai dernier.

En juin, de nouveau entendue par les députés, la ministre avait estimé que doter le FEDef du montant prévu était plus que jamais nécessaire. « La crise que nous avons traversée montre que la souveraineté ne doit pas être un vain mot. Ce n’est donc pas le moment d’en rabattre sur nos ambitions en matière de souveraineté européenne et industrielle »et « je ne considère pas que nous ayons dit notre dernier mot », avait-elle assuré. Ce point de vue était également partagé par l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.

Finalement, les Européens ont donc commis une « faute » en revoyant leur ambition à la baisse. Selon les documents publiés à l’issue du Conseil européen, le FEDef ne sera crédité que de 7,014 milliards d’euros… Soit la somme qui avait été proposée en décembre dernier, et qui était considérée comme « inacceptable ».

Quant au plan visant à améliorer la mobilité militaire au sein de l’UE, et qui intéresse également l’Otan, il bénéficiera de 1,5 milliard d’euros sur la période. Ce dernier revient de loin… à un moment, il était question de le passer par pertes et profits.

Enfin, la politique spatiale a aussi perdu des plumes. Des 16,5 milliards d’euros qu’il était question de lui attribuer à l’origine, elle devra se contenter de 13 milliards, qui serviront à financer le système européen de navigation par satellite Galileo [8 milliards] et le programme d’observation de la Terre Copernicus [4,8 milliards]. Rien n’est dit sur l’accès souverain à l’espace et le fonds spatial européen d’un milliard d’euros, proposé par Thierry Breton, le Commissaire européen au Marché intérieur, pour financer les start-up du secteur, est passé la trappe.

Photo : Projet européen de défense antimissile « Twitster », porté par la France

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