La Turquie proteste contre l’intention des États-Unis d’établir une coopération militaire avec Chypre

Ces dernières années, les relations entre les États-Unis et la Turquie ont été compliquées, en raison de l’affaire du pasteur Andrew Brunson, arrêté par la police turque pour « terrorisme et espionnage », du refus de Washington d’extrader le prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir fomenté le coup d’État de 2016 et surtout de l’achat par Ankara du système russe de défense aérienne S-400. À cette liste de contentieux vient s’ajouter les forages gaziers turcs dans la zone économique exclusive [ZEE] de la République de Chypre, pays membre de l’Union européenne.

Ainsi, en octobre 2019, lors d’une visite à Athènes pour signer un accord visant à renforcer la coopération militaire entre la Grèce et les États-Unis, Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, a adressé une mise en garde à Ankara à ce sujet. « Nous avons dit aux Turcs que les forages illégaux sont inacceptables et nous allons continuer d’entreprendre des actions diplomatiques afin de nous assurer que les activités [dans la région] soient légales », avait-il déclaré à l’époque.

Cela étant, au regard de la position qu’occupe la Turquie au sein de l’Otan, la marge de manoeuvre diplomatique est étroite. Si l’administration Trump semble retenir ses coups, il en va autrement pour le Congrès, qui ne s’est pas privé de critiquer sévèrement l’intervention militaire turque dans le nord de la Syrie contre les milices kurdes syriennes et le choix d’Ankara de se doter de S-400. Fin 2019, il a même adopté, à une écrasante majorité, une résolution visant à reconnaître le génocide arménien, commis en 1915 par l’Empire ottoman.

Et, après avoir interdit la livraison d’avions F-35A aux forces aériennes turques, les parlementaires américains sont allés encore plus loin en décidant de lever l’embargo sur les armes que les États-Unis avaient imposé en 1987 à la République de Chypre, avec l’espoir d’encourager la réunification de l’île, coupée en deux depuis la création de la République turque de Chypre Nord en 1974. L’objectif de cette mesure visait également à ménager la Turquie.

Pour les deux sénateurs à l’origine de cette levée de l’embargo, à savoir le démocrate Robert Menendez et le républicain Marco Rubio, l’idée était alors de faciliter un partenariat stratégique entre Washington et Nicosie et d’encourager la coopération entre Chypre, la Grèce et Israël dans le cadre du projet de gazoduc EastMed… que la Turquie s’évertue à torpiller.

Et cette coopération entre les États-Unis et la République de Chypre va se concrétiser au niveau militaire. En effet, le 8 juillet, M. Pompeo a annoncé que Washington et Nicosie allaient renforcer leur coopération dans le domaine de la défense.

« Pour la première fois, le département d’État prévoit d’accorder à ce pays [Chypre] des fonds pour la formation militaire », a en effet annoncé le chef de la diplomatie américaine. « Cela fait partie de nos efforts pour renforcer nos relations avec des partenaires régionaux clés afin de promouvoir la stabilité en Méditerranée orientale », a-t-il ensuite justifié.

Cette décision doit encore être approuvée par le Congrès. Mais cela devrait être une formalité.

Comme on pouvait s’y attendre, la Turquie a immédiatement réagi à l’annonce faire par M. Pompeo. « Nous voulons rappeler à notre allié américain que réserver un traitement égal aux deux parties de l’île est un principe de l’ONU », a fait valoir le ministère turc des Affaires étrangères. « Ce genre de mesures ne contribue pas aux efforts pour trouver une solution au problème chypriote, il renforce plutôt l’attitude sans compromis de la partie chypriote-grecque », a-t-il continué. Et d’insister en affirmant que cela « n’aidera pas à rétablir une atmosphère de confiance sur l’île ni à restaurer la paix et la stabilité en Méditerranée orientale. »

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