L’aéronavale espagnole envisage l’achat d’hélicoptères MH-60R et de F-35B auprès des États-Unis

L’Aviation navale espagnole [Flotilla de Aeronaves, FLOAN] risque de se trouver dans une impasse dans la mesure où il lui sera difficile de compter sur des solutions européennes pour renouveler ses capacités. Ainsi en est-il des domaines de la lutte anti-sous-marine et anti-surface, pour lesquels la Decima Escuadrilla [10e escadrille] utilise 12 hélicoptères SH-60B Seahawk Block I LAMPS III et 2 SH-60F [acquis d’occasion, six autres doivent suivre, ndlr] à partir des frégates F-100 et F-80.

Normalement, ces appareils doivent être remplacés par des hélicoptères de facture européenne, en l’occurrence des NH-90 HSPN, c’est à dire une version développée spécialement pour l’Espagne à partir du NH-90 NFH [Nato Frigate Helicopter]. Seulement, les premiers exemplaires ne lui serait pas livrés avant 2035… alors que les SH-60B arrivent au bout de leur potentiel.

Or, pour le chef d’état-major de la marine espagnole, l’amiral Teodoro López Calderón, qui s’est exprimé lors d’une vidéoconférence organisée par l »Executive Forum », il est « inconcevable de rester sans hélicoptères tactiques pendant quinze ans ». D’où une solution intermédiaire basée sur l’acquisition de quelques MH-60R « Romeo », c’est à dire une évolution du Seahawk proposée par l’américain Sikorsky [filiale de Lockheed-Martin]. La Dirección General de Armamento y Material [DGAM, la DGA espagnole, ndlr] étudie actuellement le dossier.

Déjà choisi, entre autres, par l’Australie, l’Inde et, plus récemment, par la Grèce, le MH-60R est doté d’un système FLIR [Forward looking infrared], d’un sonar acoustique à longue portée, d’un radar multi-mode, de torpilles Mk-54 et, éventuellement, de missiles Hellfire.

Cela étant, la FLOAN doit recevoir 7 NH-90 entre 2023 et 2029. Ils remplaceront les SH-3D Sea King de sa cinquième escadrille, afin de réaliser des missions de transport ainsi que de recherche et de sauvetage.

L’annonce de l’amiral López Calderón constitue une surprise. En mars, dans les colonnes de la revue European Security & Defense, il avait ainsi souligné le besoin de remplacer à court terme les hélicoptères tactiques et de transport.

« L’objectif est de réduire le nombre de modèles d’hélicoptères différents […] à seulement deux versions et d’être plus efficace en matière de maintenance. Pour cette raison, au cours de la prochaine décennie, nous allons acquérir des NH90 en deux versions différentes : transport et tactique [ASW et ASUW]. Dans l’intervalle, et jusqu’à ce qu’ils deviennent opérationnels, plusieurs hélicoptères américains SH60F ont été achetés comme solution provisoire », avait en effet rappelé le chef d’état-major de la marine espagnole.

S’agissant du NH-90 HSPN, l’amiral López Calderón avait expliqué qu’il s’agissait d’une « composante de haute technologie, essentielle pour satisfaire les exigences opérationnelles de la marine espagnole. Et d’ajouter : « Il est important de souligner que, selon les procédures tactiques de la marine espagnole actuellement en vigueur, un hélicoptère naval n’est pas seulement une plate-forme aérienne à bord du navire, mais également une véritable extension de ses capteurs et systèmes d’armes, qui sont pleinement intégrés au système de combat du navire à partir duquel il opère. »

Aussi, avait-il continué, « nous sommes conscients que cette exigence fait de la version navale espagnole de l’hélicoptère NH-90 une option beaucoup plus complexe que celles choisies par d’autres marines européennes. Cela implique des risques qui devront être atténués par des études de faisabilité appropriées. »

Une autre souci de la FLOAN concerne le remplacement de ses avions de combat embarqués AV-8 Harrier II, de type STOVL [décollage court/aterrissage vertical] et mis en oeuvre depuis le porte-aéronefs Juan Carlos I. Aussi, l’Armada n’a pas le choix, dans la mesure où l’industrie européenne ne propose pas d’appareil de ce type.

« L’AV-8B doit rester en service jusqu’en 2027. Le F-35B est le le seul avion à décollage court et à atterrissage vertical disponible et, par conséquent, le seul avion capable d’opérer à partir du Juan Carlos I. La Marine espagnole prévoit donc que le F-35B sera le remplaçant de l’AV-8B », avait résumé l’amiral López Calderón dans les colonnes d’European Security & Defense.

Ce qui fait que, avait-t-il continué, des « contacts ont déjà été établis avec Lockheed-Martin et le bureau des programmes de l’US Navy pour « étudier la viabilité de cette option, soit par le biais d’un programme conjoint entre la force aérienne [Ejercito del Aire, ndlr] et la Marine espagnole, soit par le biais d’un programme naval spécifique. »

Étant donné que l’Espagne participe au développement du Système de combat aérien du futur [SCAF], un projet lancé par la France et l’Allemagne, la probabilité de voir l’Ejercito del Aire se procurer des F-35 est très faible [on ne peut dire qu’elle soit nulle, on n’est jamais à l’abri d’une surprise]. D’autant plus que les questions budgétaires continueront à se poser.

Lors de la vidéoconférence de l' »Executive Forum », l’amiral López Calderón a d’ailleurs souligné que les contraintes budgétaires ayant affecté le ministère espagnol de la Défense étaient à l’origine d’un retard d’au moins huit ans dans le renouvellement des capacités de la marine espagnole. Et, avec la crise économique provoqué par la pandémie de Covid-19, l’avenir est incertain.

« Après une décennie sans investir dans la défense, il faut maintenant tout remplacer à la fois et cela va être très difficile à assumer », a résumé un officier espagnol auprès du quotidien El Pais.

Photo : Lockheed-Martin

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