Libye : L’Armée nationale libyenne du maréchal Haftar décrète une zone d’exclusion aérienne au-dessus de Syrte

Le 20 juin, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a été très clair : dans le cas où les forces loyales au gouvernement d’union national [GNA], installé Tripoli, progresseraient vers Syrte et al-Joufra avec le soutien militaire de la Turquie, l’Égypte enverra ses troupes en Libye, en appui de l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar. « Ceux qui ont interprété notre patience comme une faiblesse se trompent », a-t-il même fait valoir.

Pour rappel, la Turquie et le Qatar soutiennent le GNA, établi à Tripoli, avec Fayez el-Sarraj à sa tête, sous l’égide des Nations unies. Seulement, l’autorité de ce dernier n’a jamais été reconnue par le Parlement libyen, élu en juin 2014 et chassé de la capitale libyenne par des milices de tendance islamiste. D’où la formation d’un autre gouvernement, qui, désormais installé à Tobrouk, bénéficie notamment de l’appui [maintenant ancien] de l’Égypte et des Émirats arabes unis.

Dans un premier temps, l’ANL du maréchal Haftar a mené l’opération « Dignité » afin de chasser les groupes jihadistes de l’est de la Libye. Puis, cette dernière terminée, elle a lancé une offensive en direction de Tripoli pour en déloger le GNA. Seulement, l’appui militaire de la Turquie [qui a en vue d’autres objectifs dans cette affaire] a changé le rapport de forces… Ce qui fait les troupes du maréchal Haftar, malgré l’aide de la société militaire privée russe Wagner, a subi revers sur revers et donc a été contrainte de reculer.

Actuellement, l’ANL contrôle le verrou stratégique qu’est la ville de Syrte. Mais, ayant perdu l’initiative, les forces pro-GNA ont bien l’intention de s’en emparer et de continuer leur progression vers les installations pétrolières situées dans l’est du pays. C’est cette perspective qui explique donc l’avertissement du président égyptien, Le Caire et Ankara n’étant pas, par ailleurs, en excellents termes.

Dans un premier temps, un membre du gouvernement de Tripoli a qualifié les propos du président al-Sissi de « menace grave pour la sécurité nationale de la Libye » et « pour la paix internationale ». Puis, un communiqué publié peu après par le GNA a dénoncé un « acte hostile, une ingérence flagrante et l’équivalent d’une déclaration de guerre. »

« L’ingérence dans les affaires internes de l’Etat libyen et l’atteinte à sa souveraineté, que ce soit par des déclarations […] comme celles du président égyptien, ou par l’appui aux putschistes, aux milices et aux mercenaires, sont inacceptables », a encore fait valoir le GNA. « Quel que soit le différend qui oppose les Libyens, nous ne permettrons pas à notre peuple d’être insulté ou menacé », a-t-il insisté.

En attendant, le porte-parole de l’Armée nationale libyenne, le général Ahmed Al-Mismari, a annoncé, le 21 juin, qu’une zone d’exclusion aérienne [ou « no fly zone »] allait être désormais instaurée au-dessus d’une surface de 200 km de long, englobant la ville de Syrte.

« La zone allant d’As Sultan, à l’est de Syrte, jusqu’au village d’al-Heesa, à l’ouest, est déclarée zone d’excluson aérienne. Tous les aéronefs, à l’exception de ceux de l’ANL, sont interdits », a en effet déclaré le général al-Mismari, via un communiqué.

En outre, le porte-parole de l’ANL a salué les propos tenus la veille par le président égyptien, affirmant que Le Caire agissait « dans l’intérêt de la sécurité nationale ». Et d’accuser la Turquie de vouloir s’emparer des « ressources libyennes ».

A priori, l’ANL dispose de quelques moyens pour tenter de faire respecter cette zone d’exclusion aérienne, notamment après avoir reçu des MiG-29, livrés, ont accusé les États-Unis, par la Russie. Et elle est censée posséder des systèmes de défense aérienne Pantsir S1 de facture russe [mais probablement fournis par les Émirats arabes unis].

Quoi qu’il en soit, tôt, ce 22 juin, il a été signalé que des F-16C/D égyptiens, appuyé un avion de ravitaillement en vol A330 MRTT émirati, ont survolé la région de Misrata, « fief » des forces loyales au GNA et ou des avions de transport militaire turcs se font régulièrement remarquer, puis celle de Bani Walid. Aucune frappe n’a été signalée, ce qui, dans l’attente d’une confirmation, suggère qu’il s’est agi d’une démonstration de force.

Photo : US AFRICOM

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