L’heure de vérité approche pour le drone européen EuroMale, jugé trop cher par rapport à ses capacités

Cela fait maintenant sept ans que trois industriels, à savoir Airbus, Dassault Aviation et Leonardo, ont fait une proposition commune pour développer une drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen. Deux ans plus tard, la France, l’Allemagne et l’Italie donnèrent leur feu vert. Ces trois pays furent ensuite rejoints par l’Espagne.

En 2016, un contrat pour mener des études préliminaires fut ensuite attribué aux trois industriels et une maquette à l’échelle 1 de ce futur drone fut présentée à l’occasion du salon aéronautique international ILA de Berlin. Restait donc à passer au stade suivant, c’est à dire à la réalisation de cet appareil, les pays clients s’étant mis d’accord sur les spécifications techniques et les capacités opérationnelles. Sur ce point, ayant mis plus d’argent sur la table, l’Allemagne fit valoir ses vues dans ce programme. Ce qui, maintenant, n’est pas sans conséquence.

En effet, cet EuroMale doit afficher une masse imposante de 10 tonnes et être doté de deux turbopropulseurs [à la demande de l’Allemagne]. Ce qui fait que les coûts d’acquisition et de possession seront beaucoup plus élevés que pour un drone MALE tel qu’un Heron TP ou un MQ-9 Reaper. Et cela ne peut que compliquer la donne pour son éventuelle exportation… ainsi que pour son achat par les quatre pays clients.

Lors du dernier salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, en juin 2019, la ministre française des Armées, Florence Parly, avait prié les industriels de revoir leur copie. « Ce programme ne pourra aller au bout que si le drone qu’ils proposent est compétitif. C’est une question non seulement pour les acheteurs déjà en lice, je veux parler de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie, mais également pour les futurs clients export », avait-elle dit.

Depuis, on a appris que le montant de la note présentée par les industriels était de 9 milliards d’euros, contre les 7,1 milliards que les quatre pays clients étaient prêts à débourser. Mais ce n’est pas tout : dans une réponse à la Cour des comptes, publiée en février dernier, le ministère des Armées a averti qu’il ne serait pas question de réaliser l’EuroMale aux dépens des capacités opérationnelles dont les forces françaises ont besoin. Même si ce programme doit permettre de renforcer l’autonomie stratégique européenne.

Aussi, les négociations, parfois viriles, selon Joël Barre, le Délégué général pour l’armement, sont à la peine. Il était espéré de les voir aboutir en décembre 2019… Et elles sont toujours en cours. Régulièrement, Mme Parly met la pression sur les industriels. Notamment quand elle est interrogé sur ce dossier par les parlementaires.

À l’Assemblée, début juin, la ministre est ainsi à nouveau revenue à la charge. « Tant que je n’aurai pas cette garantie sur l’atteinte des performances visées par nos forces, eh bien nous devons poursuivre les discussions avec les industriels. C’est un message que je leur ai très clairement adressé et répété », a-t-elle dit.

Mais, deux semaines plus tard, le ton qu’elle a adopté lors d’une audition au Sénat, a changé.

« Nous en sommes maintenant parvenu à une étape quasiment décisive puisque nous avons maintenant un devis de la part des industriels. Ce devis s’est rapproché du montant que nous avions consenti avec nos trois autres partenaires […]. Toutefois, nous ne sommes pas encore revenus à la cible que nous avions fixée », a d’abord dit Mme Parly.

« Cela fait maintenant plusieurs mois que nous avons ces échanges et nous considérons, les quatre pays réunis, que nous ne pouvons pas accepter qu’un drone soit plus cher que ce que nous pourrions trouver sur le marché et soit moins opérationnel car ne disposant pas de l’ensemble des capacités dont nous souhaitons disposer », a fait valoir la ministre.

« Il est essentiel de tenir à la fois l’enveloppe financière fixée tout en tenant aussi les spécifications techniques sur lesquelles nous sommes tombés d’accord », a souligné Mme Parly.

Mais les discussions avec les industriels ne vont pas durer éternellement. Au plus quelques semaines, a dit la ministre. Car, a-t-elle ajouté, « nous arrivons maintenant à un moment où il faudra trancher ». Ce qui veut dire que le programme EuroMale [ou MALE RPAS] risque de connaître le même sort que ses prédécesseurs, comme le Talarion ou le Telemos.

Pour rappel, l’EuroMale doit effectuer son premier vol d’ici 2023. Et la Loi de programme militaire 2019-25 prévoit d’en commander 6 systèmes, composés chacun de trois vecteur et de deux stations sol. À moins que, si le projet européen tombe à l’eau, un choix alternatif soit fait en faveur… du MQ-9B SkyGuardian, le nouveau drone MALE de l’américain General Atomics. Selon Air&Cosmos, ce dernier offrirait la possibilité d’intégrer à cet appareil une charge utile [capteurs, armement, etc] propre aux clients européens.

Photo : Airbus

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