Al-Qaïda au Maghreb islamique confirme officiellement la mort de son chef

En novembre 2018, la mort d’Amadou Koufa, le chef jihadiste de la katiba Macina, associée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM, JNIM ou encore RVIM] affilé à al-Qaïda, avait été annoncée à l’issue d’une opération des forces spéciales françaises dans les environs de Farimaké, au Mali. Seulement, quelques semaines plus tard, elle fut démentie par Abdelmalek Droukdel, « l’émir » d’al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI]. Et l’intéressé fit une réapparition dans une vidéo diffusée en février 2019.

Aussi, on ne pouvait qu’avoir cet épisode à l’esprit quand la ministre des Armées, Florence Parly, a annoncé, le 5 juin, la neutralisation d’Abdelmalek Droukdel, survenue deux jours plus tôt au nord de l’Adrar des Ifoghas à 80 km à l’Est de Tessalit.

Pour rappel, localisé et suivi grâce à des moyens de renseignement américains, l’État-major des armées [EMA] a expliqué que le chef d’AQMI avait été tué avec trois de ses adjoints par un détachement d’une quinzaine de commandos français au cours d’un combat au sol, livré sous l’oeil d’un drone MQ-9 Reaper et l’appui d’hélicoptères de combat et de manoeuvre.

Finalement, il aura fallu attendre deux semaines pour qu’al-Qaïda au Maghreb islamique confime la mort de Droukdel, via une vidéo dans laquelle l’organisation terroriste a fait son éloge funèbre tout en promettant de continuer le combat contre les forces françaises au Sahel.

« À la France, la guerre n’en est qu’à ses débuts et elle ne fléchira pas », a prévenu AQMI. Cela étant, la mort de Droukdel survient à un moment où le GSIM se sent assez fort pour s’en prendre à l’État islamique au grand Sahara [EIGS], alors qu’il est arrivé par le passé de voir ces deux organisations, du fait des liens familiaux ou tribaux, coopérer ponctuellement.

Que les terroristes se fassent la guerre entre-eux est-il un bon signe? Pas forcément, comme l’a dit Mme Parly, lors d’une audition au Sénat, le 18 juin. « On constate des combats de plus en plus violents depuis le mois de mars, qui contribuent certainement à désorganiser l’EIGS. Est ce que c’est de bon augure pour la suite? Je reste très prudente parce que je pense que ces combats montrent aussi que le RVIM [ou GSIM] a une grande capacité d’action », a-t-elle dit.

La mort de Droukdel, au sujet duquel la ministre a rappelé qu’il était un adjoint du chef d’al-Qaïda, Ayman al Zawahiri, et que, à ce titre, il contrôlait le GSIM, les coups portés par Barkhane à l’EIGS dans le Liptako-Gourma et la montée en puissance des forces locales peuvent laisser penser que la « victoire est à portée de main ».

Mais pour Mme Parly, il convient de ne pas faire de pronostic à ce stade. « Je ne dis pas que la victoire est à portée de la main. […] Je pense que ce sont des propos qui mettent en danger non seulement nos propres forces mais aussi les forces partenaires. Donc, je crois qu’il est raisonnable de souligner tous les effets et les progrès réalisés depuis le sommet de Pau [entre la France et les pays du G5 Sahel, le 13 janvier, ndlr] et il est encore beaucoup trop tôt pour crier victoire », a-t-elle estimé.

En outre, si « les forces locales progressent », elles « restent fragiles et sujettes à des revers significatifs comme nous l’avons encore récemment vu », a dit la ministre, en faisait référence à l’embuscade tendue à une patrouille de l’armée malienne dans la région de Diabaly, le 14 juin. Qui plus est, les exactions que les forces locales sont suspectées d’avoir commis sont un vrai problème.

« Il y a des brebis galeuses partout. Mais nous serions coupables si nous ne mettions pas tout en œuvre pour réduire ce risque. La France ne tolérera pas qu’on expose la vie de ses soldats ainsi que son image et sa crédibilité », a-t-elle prévenu la ministre, qui a condamné « sans la moindre ambiguïté » ces exactions. « Cela fera partie des sujets qui seront au cœur du sommet de Nouakchott qui fixera le cap pour la fin de l’année 2020 », a-t-elle précisé.

Par ailleurs, si plusieurs pays apportent un appui aux opérations françaises, que ce soit via la Task Force Takuba en gestation ou dans les domaines de l’aéromobilité, de la protection et la logistique, le soutien américain reste encore déterminant. « Si les États-Unis n’avaient pas fourni le renseignement qui a permis le suivi » de cette cible, eh bien, aujourd’hui, Droukdel serait probablement toujours vivant. C’est vraiment très important que nous ayons pu grâce à cette coopération fructueuse avec les Américains porter atteinte à un cadre aussi important » d’al-Qaïda, a-t-elle souligné.

Or, justement, ce soutien américain, qui était sur la sellette en janvier dernier, va finalement continuer. « Je reste prudente. Nous craignions au mois de janvier que ce soutien s’interrompe immédiatement, nous l’avons toujours. Mais je ne dis pas que nous l’aurons pour l’éternité », a en effet expliqué Mme Parly. On en saura plus quand les États-Unis auront terminé leurs discussions budgétaires, c’est à dire d’ici l’automne prochain au plus tard.

Enfin, un sénateur s’est étonné que le chef d’AQMI ait pu traverser l’Algérie pour se rendre dans le nord du Mali sans avoir apparemment été inquiété. Sur ce point, et là encore, la ministre a joué la carte de la prudence.

« Lorsqu’il s’agit de l’Algérie, il faut toujours peser ses mots. Je vais essayer de peser les miens », a commencé par dire Mme Parly. Cela étant, a-t-elle rappelé, l’Algérie est un pays « qui s’est impliqué fortement dans la stabilisation de la région » en tenant un « rôle clé dans l’élaboration et la signature de l’accord de paix et de réconciliation » de 2015 entre les autorités maliennes et les groupes armés indépendantistes du nord du Mali.

Soulignant qu’elle a été « très absorbée par des questions de politique intérieure importante » et que, par conséquent, elle a été « un peu moins présente dans ce processus », Mme Parly a estimé que l’Algérie n’a « pas un intérêt à voir prospérer les groupes jihadistes ». D’ailleurs, ses services de renseignements ont une « relation étroite » avec ceux de la France, a-t-elle fait remarquer.

Aussi, a-t-elle continué, « je peux difficilement en dire plus aujourd’hui car sinon il s’agirait d’une spéculation de ma part et ce serait tout à fait imprudent. » Toutefois, et après l’élimination de Droukdel, la ministre a estimé qu’il y a une « possibilité devant nous de poursuivre, peut-être d’approfondir le dialogue que nous avons avec l’Algérie sur ces questions.

Photo : EMA

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