La Chine figure désormais « en bonne place sur l’agenda de l’Otan »

Lors de la conférence de presse qu’il a donnée à l’issue d’une réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’Otan, le 17 juin, le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, n’a pas explicitement évoqué l’incident au cours duquel une frégate française – Le Courbet – a été menacée par la marine turque en tentant de contrôler un cargo suspecté d’acheminer des armes de Turquie vers la Libye, en violation de l’embargo des Nations unies. Ce qui, entre Alliés, était jusqu’alors inconcevable.

Sur ce point, M. Stoltenberg a admis des « différences entre les Alliés », voire « aussi des désaccords ». Mais « ce n’est rien de nouveau, c’est comme ça depuis des décennies. C’est la même chose depuis la crise de Suez en 1956 et jusqu’à la guerre en Irak en 2003 », a-t-il dit. « Ce qui fait de l’Otan l’alliance la plus réussie de l’histoire, c’est que nous avons toujours été en mesure de surmonter ces différence et de nous unir autour de notre tâche principale. […] Nous sommes plus en sécurité ensemble que séparément », a-t-il fait valoir.

Cette réponse de M. Stoltenberg peut être aussi valable pour les bisbilles entre Berlin et Washington. Dans une nouvelle charge contre l’effort de défense allemand qu’il estime trop faible, le président Trump a ainsi confirmé son intention de réduire de 30% la présence militaire américaine en Allemagne.

Bien qu’il n’a pas été préalablement informé de cette intention, le secrétaire général de l’Otan en relativisé la portée, faisant observer qu’il n’y a encore « pas de décision définitive sur la manière et le moment où sera mis en oeuvre le retrait d’une partie des troupes américaines d’Allemagne » et que Washington a « toujours procédé à des ajustements. » Et d’ajouter : « Ce que je peux dire, c’est que les États-Unis et la Pologne, en concertation avec moi, ont décidé de renforcer la présence américaine en Pologne. La présence américaine va donc être renforcée en Europe. »

En revanche, M Stoltenberg s’est montré plus à l’aise quand il s’est agi d’évoquer les menaces et les défis qui attendent l’Otan. S’agissant de la Russie, dont il a dénoncé le comportement « déstabilisateur et dangereux », en citant les nouvelles armes qu’elle met en oeuvre et/ou qu’elle développe.

L’an passé, a-t-il dit, « le déploiement de missiles SSC-8 par la Russie a entraîné la disparition du traité INF » [sur les Forces nucléaires intermédiaires, ndlr]. Or, ces engins sont « à double capacité, mobiles et difficiles à détecter », peuvent « atteindre les villes européennes avec peu de préavis » et ils « abaissent le seuil d’utilisation des armes nucléaires », a-t-il expliqué.

En outre, Moscou « modernise ses missiles balistiques intercontinentaux » [mais elle n’est pas la seule, ndlr], « mis en service une arme hypersonique » et « développe un missile de croisière à propulsion nucléaire », a continué M. Stoltenberg, dénonçant « une rhétorique nucléaire russe irresponsable, visant à intimider et menacer les alliés de l’Otan ».

Pour y répondre, les Alliés ont décidé le renforcement de la défense aérienne et antimissile intégrée de l’Otan et certains d’entre-eux ont même annoncé leur intention de se procurer de nouveaux systèmes Patriot et SAMP/T. « Nous avons également convenu de renforcer nos capacités conventionnelles avancées », a dit le secrétaire général, qui a exclu le déploiement de missiles nucléaires terrestres [américains] en Europe.

Mais la Russie n’est pas le seul sujet de préoccupation abordé par M. Stoltenberg. La Chine figure désormais en bonne place, après avoir été citée pour la première fois dans une déclaration finale de l’Otan, en décembre 2019, à l’issue du sommet de Londres.

« La Chine est grand partenaire commercial pour de nombreux Alliés. Son essor a alimenté la croissance économique de nos propres pays. Et bien sûr, il également aidé à sortir des millions, des centaines de millions de personnes de la pauvreté. Il y a donc des opportunités », a commencé par rappeler M. Stoltenberg.

Cependant, dans le même temps, il y a des « défis évidents » et « c’est la raison pour laquelle la Chine figure désormais en bonne place dans l’agenda de l’Otan », a ajouté l’ex-Premier ministre norvégien.

« La Chine a le deuxième plus grand budget de défense au monde. Elle investit massivement dans de nouveaux systèmes d’armes à longue portée et de nouveaux systèmes de missiles pouvant atteindre tous les pays de l’Otan. Elle modernise ses capacités maritimes en étendant la portée de ses forces navales. Au cours des cinq dernières années, elle a ajouté 80 navires et sous-marins supplémentaires à sa marine. Cela équivaut au nombre total de navires et de sous-marins de la marine britannique », a développé M. Stoltenberg.

« Bien sûr, cela a des conséquences pour l’Otan. Et comme nous en avons également discuté, c’est la Chine qui se rapproche de nous. […] Nous les voyons [les Chnois] dans l’Arctique, en Afrique, investir massivement dans les infrastructures de nos propres pays et nous les voyons également dans le cybespace », a fait valoir le secrétaire général, pour qui il n’est pas du ressort de l’Alliance de mener des missions dans la région Indo-Pacifique.

« Nous avons plusieurs alliés qui opèrent sur place. Je crois que c’est une bonne chose pour tout le monde que ce ne soit pas des missions de l’Otan ou menées sous le commandement de l’Otan », a-t-il estimé, dans un entretien donné à Euronews.

Enfin, et s’agissant de la maîtrise des armements, l’Otan semble suivre la ligne de Washington, qui souhaite inclure Pékin dans les discussions portant sur la prolongation du traité New START. « Il a été mentionné à plusieurs reprises, lors de la réunion d’aujourd’hui, la nécessité d’inclure la Chine dans la maîtrise des armements », a en effet dit M. Stoltenberg. « En tant que puissance militaire mondiale, elle a également des responsabilités mondiales importantes et doit s’engager dans la maîtrise des armements », a-t-il insisté.

L’Otan ayant 22 membres communs avec l’Union européenne, cette position est à mettre en regard avec celle récemment décrite par Josep Borell, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. « J’ai dit au ministre des Affaires étrangères chinois : ‘Ne vous inquiétez pas, l’Europe ne va pas s’engager dans une quelconque guerre froide avec la Chine' », a-t-il dit, le 10 juin.

Par ailleurs, M. Borell indiqué avoir reçu l’assurance du chef de la diplomatie chioise sur le fait que la Chine « n’avait pas d’ambitions militaire ». Or, a-t-il souligné, si « les mots comptent dans la diplomatie », les « faits comptent peut-être plus ». « Nous sommes pleinement conscients en Europe que la Chine augmente ses dépenses militaires. […] Une chose est ce que les Chinois disent. Une autre est notre connaissance des faits », a-t-il conclu.

Photo : Otan 

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