La Turquie lance l’opération « Griffes du Tigre » contre les positions du PKK dans le nord de l’Irak

Cela fait déjà quelques années que la Turquie parle de lancer une opération militaire contre les positions établies dans le nord de l’Irak par le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK], une organisation politique armée kurde qui, considérée comme terroriste par une grande partie de la communauté internationale [dont les États-Unis et l’Union européenne], a des liens avec les YPG, les milices kurdes syriennes engagées contre Daesh [et soutenues, à ce titre, par le coalition anti-jihadiste].

Pour compliquer la donne, la Turquie a entretenu de bonnes relations avec le gouvernement régional du Kurdistan irakien, lequel ne s’entendait pas très bien avec les Kurdes syriens et turcs. Du moins était-ce vrai jusqu’à la tenue d’un référendum sur l’indépendance de cette région autonome irakienne…

Quoi qu’il en soit, dès la fin du régime de Saddam Hussein, les forces aériennes turques commençèrent à bombarder régulièrement les positions du PKK en Irak. Puis, et alors que l’État islamique [EI ou Daesh] venait, quelques mois plus tôt, de s’emparer de Mossoul et de proclamer son califat, Ankara envoya des troupes à Bashiqa [province de Ninive] afin d’y former et dy entraîner les Peshmergas, les combattants kurdes irakiens. Ce qui donna lieu à des frictions avec Bagdad, qui dénonça alors une « sérieuse violation de la souveraineté irakienne ».

Ces tensions ne se calmèrent pas à l’approche des opérations visant à libérer Mossoul de l’emprise de Daesh, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ayant plaidé pour qu’elles fussent menées uniquement par des volontaires encadrés par ses troupes et ayant « des liens ethniques et religieux avec la ville ». À Bagdad, on soupçonnait alors Ankara d’avoir d’autres desseins… le chef-lieu de la province de Ninive ayant fait partie de l’empire ottoman jusqu’en 1918…

Par la suite, les rumeurs d’une offensive terrestre d’Ankara contre le PKK dans le nord de l’Irak, notamment dans la région de Sinjar et les monts Kandil, furent d’autant plus régulièrement évoquées par la presse turque que le président Edorgan multiplia les allusions à une telle issue. Selon lui, il s’agissait de la suite des opérations menées contre les milices kurdes syriennes [Bouclier de l’Euphrate en 2016, Rameau d’Olivier en 2018].

Cette opération turque dans le nord de l’Irak vient finalement de commencer, ce 17 juin.

Dans un premier temps, dans la nuit du 14 au 15 juin, les forces aériennes turques ont effectué une série de frappes contre des positions du PKK situées à Kandil, Sinjar et Hakurk, dans le cadre d’une opération alors appelée « Serre d’Aigle » [« Eagle Claw » en anglais… comme celle qui fut menée – et ratée – par les forces américaines en 1980 afin de libérer des otages retenus à Téhéran].

« L’Opération Serre d’Aigle a commencé. Nos avions écrasent les cavernes des terroristes », a alors annoncé le ministère turc de la Défense. Au total, 81 cibles du PKK ont été visées, dans ce que l’on croyait être une opération ponctuelle, malgré son intensité inédite.

Le 16 juin, l’ambassadeur de Turquie en Irak, Fateh Yildiz, a été convoqué par le ministère irakien des Affaires étrangères pour se voir remettre une lettre de protestation. En effet, Bagdad a une nouvelle fois « condamné les violations de la souveraineté et de l’espace aérien » de l’Irak, en considérant qu’elles « contrevenaient aux conventions internationales, aux règles du droit international, aux relations d’amitié et aux principes de bon voisinage et de respect mutuel ».

En outre, les autorités irakiennes ont « réitéré leur appel à la Turquie pour qu’elle arrête ses opérations militaires unilatérales » et exprimé leur « volonté de coopérer conjointement pour assurer un contrôle des frontières qui garantisse les intérêts des deux parties ».

Seulement, la Turquie n’a tenu aucun compte des protestations et de l’offre irakiennes, les frappes effectuées lors deux jours plus tôt n’ayant été que les prolégomènes de l’opération « Griffes du tigre » qu’elle vient donc de lancer ce 17 juin.

« L’opération Griffes du tigre a commencé. Nos héros des forces spéciales sont à Haftanin », a en effet déclaré le ministère turc de la Défense. « Nos commandos, qui sont appuyés par des hélicoptères de combat et des drones, ont été transportés par nos forces aériennes », a-t-il ajouté, sans préciser le volume des forces engagées. En revanche, il a justifié cette nouvelle intervention militaire par la « recrudescence récente des attaques contre nos commissariats et nos bases militaires », situés près de la frontière irakienne.

Le déploiement des forces spéciales turques dans le nord de l’Irak a été précédé par des « tirs intenses » d’artillerie, a par ailleurs indiqué le ministère turc de la Défense.

Reste maintenant à voir combien de temps va durer cette opération… qui a donc été lancé alors que doit se tenir, ce 17 juin, une réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’Otan.

Justement, le 16 juin, le général Yaşar Güler, chef d’état-major des forces turques, a eu un entretien téléphonique le général Tod D. Wolters, le commandant suprême des Forces alliées en Europe [SACEUR], c’est à dire le chef militaire de l’Ota. « Au cours de la conversation, des vues ont été échangées sur les problèmes de sécurité actuels », a indiqué Ankara.

Photo : Artillerie turque / Archive

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