Le président Trump s’en prend vivement à l’Allemagne pour justifier le retrait partiel des forces américaines

Début juin, l’idée d’une diminution significative de la présence militaire américaine en Allemagne a de nouveau fait surface. En effet, selon des informations du Wall Street Journal, le président Trump s’apprêtait à décider de réduire d’au moins 30% les effectifs maintenus dans ce pays par le Pentagone.

En temps normal, 35.000 militaires américains sont affectés en permanence en Allemagne, qui, depuis les années 2000, a notamment servi de « plaque tournante » pour les opérations menées par les États-Unis en Afganistan, au Moyen-Orient et en Afrique.

Le pays abrite en effet le Landstuhl Regional Medical Center, le siège de l’US Africa Command ainsi que des emprises de premier plan comme, les bases aériennes de Ramstein et de Spangdahlem ou encire le centre d’entraînement de Grafenwoehr, le plus important de l’Otan en Europe.

En fonction des opérations et des manoeuvres régulièrement organisées par l’Otan, le nombre de militaires américains présents outre-Rhin peut dépasser les 50.000. Et c’est sans compter sur les 17.500 employés civils du Pentagone.

« C’est un coût énorme pour les États-Unis. Nous allons donc réduire le nombre, nous allons le porter à 25.000 », a déclaré Donald Trump, le 15 juin, devant la presse. Jusqu’à présent, il s’était gardé de confirmer les projets relatifs à la réduction des effectifs militaires en Allemagne.

En revanche, quelques uns de ses proches n’ont cessé d’agiter cette perspective. Comme Richard Grenell, désormais ancien ambassadeur des États-Unis en Allemagne. Dans un entretien donné le 11 juin à Euractiv, ce dernier a fait valoir que les « contribuables américains n’ont plus envie de payer trop cher pour la défense d’autres pays ». Et que cela valait aussi pour la Corée du Sud et le Japon. Ce qui, au regard des relations avec la Chine et des tensions dans la région Indo-Pacifique, paraît surprenant.

Quoi qu’il en soit, M. Trump s’est livré à réquisitoire sans concessions à l’égard de Berlin. Ce qui n’est pas un nouveauté : depuis qu’il est à la Maison Blanche, il s’en est régulièrement pris à l’Allemagne, critiquant la faiblesse de ses dépenses militaires, son implication dans le projet russe Nord Stream 2 et sa politique commerciale. Mais là, il a mis la barre un cran au-dessus.

« Nous protégeons l’Allemagne, qui a un comportement de délinquant. Cela n’a pas de sens », a ainsi lancé M. Trump, en faisant référence au fait que le niveau des dépenses militaires allemandes est encore loin d’atteindre l’objectif des 2% du PIB fixé par l’Otan. Cela étant, la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19 montre que raisonner en terme de pourcentage de richesse nationale n’est pas vraiment pertinent.

« L’Allemagne a des arriérés, ça fait des années qu’ils ont des arriérés et ils doivent des milliards de dollars à l’Otan, et il faut qu’ils paient », a martelé M. Trump. « Nous protégeons l’Allemagne et ils ont des arriérés, c’est ridicule », a-t-il insisté, avant de reprocher à Berlin de « traiter très mal » les États-Unis dans le domaine commercial.

« Nous sommes en train de négocier avec eux là-dessus mais je ne suis pas content de l’accord qu’ils proposent », a dit le président américain. « Ils ont coûté aux États-Unis des centaines de milliards de dollars au fil des années en échanges commerciaux, donc ça nous fait du tort sur le commerce et ça nous fait du tort sur l’Otan », a-t-il développé.

En outre, a encore fait valoir Donald Trump, Berlin « profite » financièrement de la présence militaire américaine. Et peu importe si le gouvernement allemand a fait part de sa volonté de se procurer 45 avions F/A-18 Super Hornet et E/A-18 Growler auprès de Boeing, justement pour maintenir sa participation aux plans nucléaires de l’Otan.

« Ce sont des soldats [américains] bien payés. Ils vivent en Allemagne, ils dépensent des tonnes d’argent en Allemagne. Partout autour de ces bases, c’est très riche. L’Allemagne en profite », a-t-il dit, sans prendre la moindre considération d’ordre opérationnel ou stratégique.

C’est d’ailleurs sur ces plans là que les opposants à cette décision, que l’on peut trouver jusque dans les rangs du Parti républicain, s’en prennent à M. Trump.

« Nous croyons fermement que les alliés de l’Otan, comme l’Allemagne, devraient faire plus pour contribuer à nos efforts de défense communs. En même temps, nous savons également que la présence avancée de troupes américaines depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale a contribué à empêcher une nouvelle guerre mondiale et, plus important encore, a contribué à rendre l’Amérique plus sûre », ont ainsi fait valoir 22 élus républicains du comité des forces armées de la Chambre des représentants [.pdf].

« En Europe, les menaces posées par la Russie n’ont pas diminué, et nous pensons que les signes d’un affaiblissement de l’engagement américain envers l’Otan encourageront […] l’opportunisme russe », ont ajouté ces élus. « De plus, la limite globale des troupes nous empêcherait de mener les exercices nécessaires à l’entraînement […] de nos forces et de celles de nos alliés », ont-ils conclu.

Membre du Parti républicain [et fille de l’ex-vice-président Dick Cheney]. Liz Cheney, élue du Wyoming, a fait valoir les mêmes arguments. « Notre présence à l’étranger est essentielle pour dissuader ces adversaires, renforcer les alliances, maintenir la paix par la force et préserver le leadership américain. […] Le retrait de nos forces et l’abandon de nos alliés auraient de graves conséquences, enhardissant nos adversaires et rendant la guerre plus probable », a-t-elle affirmé dans un communiqué.

Côté démocrate, le sénateur Jack Reed a qualifié la décision de M. Trump de « nouvelle faveur » à l’égard du président russe, Vladimir Poutine. Et c’est à croire qu’il y en qu’en Russie où elle a été bien accueillie…

« De notre côté, nous accueillons favorablement toute initiative de Washington visant à réduire réellement sa présence militaire en Europe », a commenté Maria Zakharova, la porte-parole de la diplomatie russe. « De telles mesures contribueraient sans aucun doute à réduire le potentiel de confrontation et les tensions militaro-politiques dans la région euro-atlantique », a-t-elle insisté.

Reste que, lors d’une réunion par vidéoconférence du Council on Foreign Relations, l’ambassadrice allemande aux États-Unis Emily Haber a tenu à faire une mise au point en rappelant à M. Trump que les « troupes américaines ne sont pas là pour défendre l’Allemagne mais la sécurité transatlantique » et qu’elles « sont également là pour projeter la puissance américaine en Afrique et en en Asie. »

Photo : US AIR FORCE

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