Les français Naval Group et Nexter participent à la mise au point d’un canon électromagnétique européen

Un canon électromagnétique présente plusieurs avantages : plus performant, il serait en mesure d’envoyer un projectile trois à cinq fois plus loin que les systèmes d’artillerie actuels, tout en se passant d’explosifs, dont le stockage exige maintes précautions. Et il serait plus avantageux, du moins économiquement, qu’un missile, à condition que l' »obus » utilisé soit guidé, le coût d’un tir pouvant atteindre les 45.000 euros.

Le principe d’une telle arme est relativement simple sur le papier. Il consiste à faire circuler un courant électrique très intense en association à un champ magnétique entre deux rails conducteur. Grâce à la force de Laplace, un projectile, également conducteur et placé entre ces rails, subit une très forte accélération avant d’être ejecté à une vitesse d’au moins Mach 5. Ce qui fait qu’il peut être envoyé jusqu’à 200 km de distance.

Cependant, en pratique, tout n’est pas si simple. Tout d’abord, il faut pouvoir être en mesure de délivrer l’énergie nécessaire dans un laps de temps tellement court qu’il faudrait disposer la puissance électrique nécessaire à une ville de 500.000 habitants. En clair, il faut être capable de stocker et de libérer l’énergie électrique dès que nécessaire. En outre, le courant électrique [plusieurs millions d’ampères] créé des gaz incandescents susceptibles d’endommager le canon. Et les contraintes physiques importantes générées par chaque tir ne permettraient pas, en l’état actuel des choses, de tirer des salves.

Les États-Unis, via l’Office of Naval Research [ONR], prirent de l’avance dans ce domaine. Dans le cadre d’un programme lancé en 2005, un premier démonstrateur a permis de valider, en 2012, ce concept. Seulement, après y avoir investi plus de 500 millions de dollars [coût comprenant la mise au point d’un tel canon et les projectiles associés, appelés « High-velocity projectile », l’US Navy semble avoir mis ce projet sur la touche, alors que des essais opérationnels étaient attendus.

Ou du moins, les travaux tournent au ralenti, comme l’a récemment souligné le magazine Popular Mechanics, ce dernier ayant relevé que seulement 9,5 millions de dollars avaient été demandés pour le financer le développement de cette arme.

A priori, la Chine aurait réalisé des progrès dans la réalisation de son propre canon électromagnétique, des médias chinois ayant assuré qu’il avait fait l’objet d’essais préliminaires en mer, à bord du navire d’assaut amphibie Haiyang Shan en janvier 2018. Mais, à vrai dire, on ignore l’état exact de ce programme. Toutefois, le renseignement américain estime que cette arme pourrait être opérationnelle en 2025.

Cette technologie, dite de rupture, fait également l’objet de travaux, notamment à l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis [ISL], placé sous la tutelle de la Direction générale de l’armement [DGA] et du Bundesministerium der Verteidigung [BAAINBw]. Ce discret centre de recherches, qui parle plus volontiers de ‘lanceur électromagnétique », développe deux projets.

Ainsi, le lanceur PEGASUS, de 10 MJ, sert à mettre au point un « système d’accélération fiable afin d’obtenir de très longues portées » tout en faisant évoluer les « composants électriques associés ». Selon l’ISL, les « résultats récents montrent, qu’un corps volant [Masse ~ 1kg] développé spécialement [par ses soins] peut atteindre des hypervitesses [> 2500 m/s]. »

Le second projet, appelé RAFIRA, est un lanceur de calibre 25 mm2 pouvant « lancer des salves de cinq tirs consécutifs, à des cadences de tirs très élevées ». L’ISL explique que, en mode de tir unique, RAFIRA est en mesure d’accélérer des projectiles d’une centaine de grammes à des vitesse supérieure à 2400 m/s. « Ce lanceur sert à étudier le potentiel d’une utilisation sur des navires dans la lutte antiaérienne. Pour contrer des missiles il faut des cadences de tir de plus de 50 Hz », précise-t-il

Aussi, il n’est pas étonnant que l’ISL ait été désigné par l’Agence européenne de défense [AED] pour conduire un projet de recherches sur le canon électromagnétique.

En effet, l’institut franco-allemand coordonnera le consortium PILUM [Projectiles for Increased Long-range effects Using ElectroMagnetic railgun], qui fait partie du programme de recherches Action préparatoire sur la recherche en matière de défense [PADR] financé par la Commission Européenne et géré par l’AED.

Le projet PILUM, qui doit durer deux ans, visé à démontrer que le concept de canon à rails électromagnétiques sera en mesure de « lancer des projectiles hyper-véloces avec précision sur une distance de plusieurs centaines de kilomètres » et de démonter ainsi qu’il a le « potentiel suffisant pour créer une rupture technologique dans l’appui d’artillerie à longue distance. »

Outre l’ISL, le consortium « PILUM » réunit l’Institut de recherche belge Von Karman [spécialiste de la dynamique des fluides et de la propulsion] ainsi que plusieurs industriels, dont Naval Group et Nexter en tant qu’intégrateurs systèmes, ainsi que l’allemand Diehl Munition Defense et le français Nexter Munitions. Il compte également le polonais Explomet, une PME spécialisée dans le revêtement des métaux par explosion, le fabricant italien de capaciteurs électriques de haute intensité ICAR et Erdyn Consultants, un expert français de « la gestion de projets collaboratifs européens ».

« En raison de sa supériorité technologique, ce concept émergent permettra d’apporter une contribution substantielle au renforcement de l’autonomie stratégique de l’Europe », fait valoir le consortium « PILUM », via un communiqué.

Et pour cause : ce projet de canon électromagnétique devrait permettre de réaliser d’autres avancées technologiques, en particulier dans les domaines de l’aérothermodynamique, des technologies de projectiles, de la résistance des matériaux et, évidemment, du stockage et de la conversion d’énergie. « Les connaissances acquises sur les différents phénomènes électriques et électromagnétiques permettront une exploitation des résultats dans diverses autres applications », souligne le texte.

Photos : ISL

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