Crucial, le soutien de la Mission des Nations unies au Mali à la Force conjointe du G5 Sahel a « atteint ses limites »

Financé par l’Union européenne et construit par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali [MINUSMA], le nouveau quartier général de la Force conjointe du G5 Sahel [Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad] a été inauguré à Senou, dans la banlieue de Bamako, le 3 juin dernier.

« Il est heureux aujourd’hui [03/06] que ce parcours de combattant ait été achevé grâce à la solidarité internationale, grâce à la Minusma…à l’Union européenne sans laquelle il n’y aurait pas eu cette réalisation », s’est félicité Tiébilé Dramé, le le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.

Pour rappel, le quartier général de la Force conjointe du G5 Sahel [FC G5S] avait initialement été installé à Sévaré, grâce à des fonds européens. Seulement, il fut la cible d’une attaque jihadiste en juin 2018, ce qui motiva son transfert à Bamako. Désormais, il est situé à quelques encablures de celui de la MINUSMA.

Justement, à son sujet, le chef de la diplomatie malienne a déclaré que cette mission des Nations unies reste « essentielle » à la stabilisation du Mali. « On attend beaucoup de la MINUSMA », a-t-il insisté, alors que le mandat de cette dernière doit être renouvelé pour un an de plus d’ici le 30 juin prochain.

Dans le dernier rapport sur la situation au Mali qu’il a remis au Conseil de sécurité, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, estime « indispensable » la présence de la MINUSMA et plaide donc en faveur d’une prolongation de son mandat, lequel, écrit-il « continue d’être adapté à la situation, compte tenu de la complexité des problèmes et de la nécessité de trouver des solutions d’ensemble. »

En outre, M. Guterres évoque aussi les moyens possibles pour renforcer le soutien de la MINUSMA à la FC-G5S, essentiellement dans le domaine de la logistique. Une nécessité étant donné que « l’approche actuelle n’est pas viable sur le long terme » dans la mesure où, notamment, les « opérations dans le Sahel risquent de s’accroître suite à la création de la Coalition pour le Sahel [portée par la France, ndlr] ». Et d’ajouter : « Le mandat actuel et les dispositions et procédures qui ont été prévues par la suite dans l’accord technique signé le 23 février 2018 entre l’Union européenne, le G5 Sahel et l’ONU ne sont pas adaptés aux besoins d’une opération de lutte antiterroriste, qui exige la plus grande souplesse. »

Le 5 juin, lors d’une réunion, par vidéoconférence, du Conseil de sécurité, Jean-Pierre Lacroix, le secrétaire général adjoint aux opérations de paix de l’ONU, n’a pas dit autre chose.

« Depuis l’année dernière, la montée en puissance du G5 Sahel est notable et encourageante, notamment à travers la réforme de son secrétariat permanent et l’élaboration des outils de gestion et d’aide à la décision. […] Sur le plan opérationnel, des avancées ont également été faites dans le renforcement des actions de la Force conjointe dans les domaines de la génération des troupes, la révision du concept d’opération de la Force et dans l’opérationnalisation du Centre sahélien d’analyse des menaces et d’alerte précoce », a rappelé M. Lacroix, soulignant aussi que « la mise la mise en place d’un mécanisme conjoint de commandement à Niamey a permis de renforcer la coordination avec les autres forces internationales. »

Et, dans ce contexte, a continué M. Lacroix, « l’appui de la MINUSMA à la Force conjointe par l’approvisionnement en eau, en rations et en carburant a été essentiel » et la mission de l’ONU a « fait tout son possible pour répondre aux demandes dans le cadre de son mandat et des arrangements techniques actuels », en augmentant « le nombre des points de dépôt pour les biens de consommation de survie au Mali » et « en les plaçant aussi près que possible des zones d’opérations. »

Seulement, ce soutien « crucial » à la FC-G5S a « atteint ses limites », a dit M. Lacroix. « La MINUSMA fonctionne à pleine capacité et ne peut aller plus loin dans son soutien à la Force conjointe avec le mandat et les ressources qui lui ont été accordés », a-t-il en effet averti.

Or, a poursuivi M. Lacroix, « si l’on s’attend à ce que la MINUSMA fasse davantage pour combler les lacunes en matière de transport, il faudrait élargir le mandat de la Mission et « toute autorisation pour que la MINUSMA fasse davantage pour appuyer la Force conjointe exigerait des ressources supplémentaires et une collecte de fonds cohérente et continue ».

Aussi, le prochain mandat de la MINUSMA devrait être « élargi », avec des « ressources additionnelles ». Deux axes possibles pour renforcer la soutien à la FC-G5S sont envisagés. Le premier viserait à mettre en place un « programme d’appui complet », reposant sur un bureau des Nations unies dédié et distinct afin de fournir un « soutien logistique et opérationnel complet, financé par des contributions statutaires des Nations Unies ou au moins financé par un fonds d’affectation spéciale. » Quant au second, il permettrait de « relever les défis immédiats à court terme », avec le « renforcement de la capacité de la Force conjointe du G5 Sahel à se procurer et à fournir un soutien vital à ses contingents ainsi qu’à effectuer une évacuation médicale en dehors du Mali. »

À noter que la délégation américaine a souligné que la situation au Sahel reste « l’une des principales préoccupations des États-Unis en matière de sécurité en Afrique ». Et d’ajouter : « La Force conjointe du G5 Sahel reste la solution à long terme pour rétablir la sécurité. Nous sommes déterminés à soutenir cette Force, sur une base bilatérale, par du matériel, de la formation et des conseils afin de combler les lacunes en matière de capacités. » Voilà des propos rassurants sur le maintien de la présence militaire américaine dans la région, laquelle est aussi cruciale pour la force française Barkhane, notamment en matière de ravitaillement en vol et de renseignement.

Reste que, au delà de la FC-G5S, dont l’effectif n’est que de 5.000 soldats, les affaires d’exéxcutions extra-judiciaires dont sont régulièrement accusées les forces armées sahéliennes posent un problème… Elles « méritent un examen approfondi plutôt qu’un déni pur et simple », a ainsi estimé la délégation belge, qui n’est pas seule à afficher une telle position. « Les progrès en matière de sécurité et de développement sont bien sûr cruciaux, mais si les droits de l’Homme et l’état de droit ne sont pas respectés, ces progrès resteront temporaires et le terrorisme et l’insécurité continueront de prospére », a-t-elle fait valoir.

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