Le président Trump veut réduire d’environ 30% la présence militaire américaine en Allemagne
Actuellement, environ 35.000 militaires américains sont affectés en Allemagne, notamment, pour les bases les plus importantes, à Ramstein, Spangdahlem ou encore Grafenwöhr. Cet effectif peut être temporairement porté à plus de 50.000 à la faveur d’exercices organisées dans le cadre de l’Otan.
Or, depuis qu’il est à la Maison Blanche, le président Trump s’en est régulièrement pris à Berlin, lui reprochant la faiblesse de ses dépenses militaires ainsi que sa participation au projet de gazoduc Nord Stream 2, conduit par la Russie. Et le tout, sur fond de différends commerciaux entre les deux rives de l’Atlantique. En outre, les questions soulevées par la justice allemande au sujet de la légalité des frappes réalisées par les drones américains contre les organisations terroristes parce qu’elles auraient recours à des « équipements techniques de la base de Ramstein » n’ont évidemment bien accueillies à Washngton.
Peu avant le sommet de l’Otan organisé en juillet 2018 à Bruxelles, le Washington Post révéla que le Pentagone était alors en train d’évaluer le coût d’un redéploiement partiel ou total des forces américaines d’Allemagne vers la Pologne, c’est à dire vers un « allié de l’Otan qui a atteint les objectifs de dépenses de défense de l’Alliance », soit 2% du PIB.
À l’époque, la portée de cette information avait été relativisée par les responsables de l’administration Trump, le Conseil de la sécurité nationale, qui relève de la Maison Blanche, ayant ainsi expliqué que le Pentagone évaluait « continuellement les déploiements de troupes américaines » et de que de tels « exercices d’anayses » n’étaient « pas hors normes ».
Par la suite, la Pologne proposa d’accueillir sur son sol une brigade de l’US Army tout en prenant les coûts d’une telle présence à sa charge. Ce qui ne pouvait que séduire M. Trump, d’autant plus que le ministère polonais de la Défense est un excellent client de l’industrie américaine de l’armement, l’un des derniers contrats en date concernant l’achat de 32 avions de 5e génération F-35 pour 4,6 milliards de dollars.
En août 2019, Richard Grenell, qui vient de démissionner de son poste d’ambassadeur des États-Unis en Allemagne, tança à nouveau Berlin sur la faiblesse de son budget militaire. « Il est choquant de penser que le contribuable américain doit continuer à payer pour avoir plus de 50.000 Américains en Allemagne, mais que les Allemands dépensent leur excédent dans des programmes nationaux », avait-il affirmé dans un entretien donné à l’agence de presse DPA.
« La Pologne respecte son obligation à l’égard de l’Otan de dépenser 2% du PIB pour sa défense. L’Allemagne, non. Nous souhaiterions que les troupes américaines en Allemagne viennent en Pologne », fit valoir, dans le même temps, Georgette Mosbacher, ambassadrice des États-Unis à Varsovie.
Pour autant, il n’est pas encore certain que la Pologne puisse profiter d’une réduction de la présence militaire américaine en Allemagne… En tout cas, le principe de cette dernière semble être acquis, d’après le Wall Street Journal. Et la décision de Berlin de se procurer des F/A-18 Super Hornet auprès de Boeing n’aura rien changé.
En effet, le quotidien économique a indiqué, le 5 juin, que le président Trump avait ordonné au Pentagone de ramener à 25.000 le nombre de militaires américains présents en Allemagne. Ce qui repésente une réduction d’effectif de l’ordre de 30%.
« Nous n’avons aucune annonce à faire dans l’immédiat, mais en sa qualité de commandant en chef, le président Trump évalue en permanence la posture militaire des États-Unis et notre présence à l’étranger », a comménté John Ullyot, le porte-parole du Conseil à la sécurité nationale, sans pour autant démentir l’information du Wall Street Journal. « Les États-Unis restent déterminés à coopérer avec l’Allemagne, un allié solide, sur nos intérêts mutuels de défense et d’autres questions importantes », a-t-il cependant ajouté.
Selon l’une des sources du Wall Street Journal, cette décision serait « le résultat d’un travail de plusieurs mois effectué par le général Mark Milley », le chef d’état-major interarmées américain. Un autre a justifié ce désengagement par le fait qu’il « n’y avait pas besoin d’une forte présence américaine en Allemagne en raison de l’augmentation globale des dépenses militaire de l’Otan ».
As a guy deeply involved in the last TWO force structure reductions of the US Army in Europe, I can now publicly say this: This is dangerous, short-sighted, and will meet strong Congressional disapproval. And it’s an additional gift to Russia and will further harm our alliances. https://t.co/ELAkvyIcfD
— Mark Hertling (@MarkHertling) June 5, 2020
Cependant, la décision de M. Trump ne fait pas l’unanimité. Ancien chef de l’US Armu en Europe, le général Mark Hertling [en retraite] a critiqué ce projet. « Comme j’ai été fortement impliqué dans les deux dernières réductions structurelles de l’armée de terre américaine en Europe, je peux maintenant le dire publiquement : c’est dangereux, ça démontre un manque de vision et ça va se heurter au refus du Congrès », a-t-il réagi, via Twitter.
Justement, au Congrès, M. Trump dispose de la majorité au Sénat… Et sa décision risque de donner lieu à de vifs débats avec les démocrates, dont Jack Reed, qui siège au comité des Forces armées. « C’est une nouvelle faveur accordée au [président russe Vladimir] Poutine et un nouvel échec de cette administration à faire preuve de leadership, qui va encore affaiblir nos relations avec nos alliés », a-t-il réagi, dénonçant un choix « mesquin et absurde ».