L’armée de l’Air ferait l’impasse sur les hélicoptères lourds dans le cadre d’un possible plan de relance

Entre janvier et mars 2020, les cinq hélicoptères de transport lourd [HTL] déployés au Mali par la Royal Air Force [3 CH-47D Chinook] et la force aérienne danoise [2 AW-101 Merlin] ont effectué près de 600 heures de vol et transporté 300 tonnes de fret au profit de la force française Barkhane. Ce qui fait que ces appareils sont désormais incontournables.

Cela fait longtemps que le besoin en hélicoptères de transport lourd a été identifié par les forces françaises. Pour autant, et malgré des rapports parlementaires plaidant en faveur de l’acquisition de tels aéronefs, il a été décidé de faire l’impasse à la faveur des dernières Loi de programmation militaire [LPM].

Pourquoi? Lors d’une audition parlementaire, soulignat que d’autres armées européennes aux moyens limités en disposaient de tels appareils, le général Jean-Pierre Bosser, alors chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], avait répondu qu’il fallait poser la question… à l’armée de l’Air. Cependant, cette dernière a récemment émis l’idée de louer des hélicoptères de transport lourd, avant éventuellement d’en acquérir.

« Nous constatons tout le bénéfice des hélicoptères de transport lourd dans le cadre de l’opération Barkhane […] En liaison avec des partenaires comme l’Allemagne, le Canada et le Royaume-Uni, nous examinons la possibilité de former des pilotes et réfléchissons en parallèle à la location de ce type de capacité », avait en effet expliqué le général Philippe, le chef d’état-major de l’armée de l’Air, lors des discussions budgétaires de l’automne dernier. D’autant plus que ces appareils permettraient de seconder les A400M Atlas, qui ne peuvent pas faire les mêmes choses que les Transall C-160 en raison de leurs dimensions.

En février, selon des propos rapportés par le magazine Aviation Week, le colonel Bruno Paupy, chef adjoint de la division « plans, programmation et évaluation » à l’état-major de l’armée de l’Air [EMAA], avait évoqué la piste d’une éventuelle acquisition d’une flotte d’hélicoptères de transport lourd en crédit-bail.

Depuis, l’épidémie de Covid-19 a plongé les indicateurs économiques dans le rouge. Et l’idée d’un plan de relance pour doper l’activité, via une politique d’investissements dans les secteurs stratégiques est dans l’air.

« La relance exige que nous fassions de la dépense publique intelligente. Or le ministère des Armées sait dépenser l’argent public – c’est un atout que nous devons faire valoir – aussi bien dans les grands programmes d’infrastructures que dans le soutien des armées, le fonctionnement des armées et le MCO [Maintien en Condition opérationnel] », a estimé le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], en avril dernier.

Et l’armée de l’Air pourrait donc en profiter. Ce que le général Lavigne n’a pas manqué de souligner lors d’une audition parlementaire, le 6 mai dernier [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr]. Mais, a priori, cette relance ne concernera pas les hélicoptères de transport lourd, d’autres priorités étant plus urgentes.

« L’hélicoptère de transport lourd, toujours à l’étude, n’est pas prévu dans la Loi de programmation militaire. Nous explorons les possibilités de coopération avec nos partenaires allemands et britanniques qui en sont dotés », a en effet affirmé le général Lavigne, qui ne parle donc plus de « location ». Si l’idée d’un plan de relance vise à doper l’industrie nationale, l’achat d’appareils – forcément étranger – n’est effectivement pas envisageable. Cela étant, en 2009, il avait été question de développer un hélicoptère de transport lourd européen, le HTH [Heavy Transport Helicopter], de plus de 33 tonnes et pouvant embarquer jusqu’à 56 soldats équipés. Bien que son principe ait été approuvé, ce projet, qui devait être confié à Airbus Helicopters [Eurocopter à l’époque] s’est évaporé…

En revanche, l’accent pourrait être mis sur le remplacement des hélicoptères Puma, dont la moyenne d’âge est de 42 ans. Cela avait déjà été identifié comme étant un besoin urgent par le CEMAA depuis plusieurs mois.

« Nos hélicoptères Puma, bien qu’ayant une moyenne d’âge de 42 ans, ont été avantageusement employés pour transporter des patients COVID, aux côtés nos Caracal, et des hélicoptères de la marine et de l’armée de terre. Pour autant la disponibilité et le coût à l’heure de vol des Puma militent pour un remplacement accéléré de la flotte. Plusieurs propositions ont été faites pour les remplacer par des H225 et assurer ainsi une uniformité de la flotte, ce qui faciliterait le MCO », a répété le général Lavigne devant les députés, estimant que « la modernisation de notre composante hélicoptères pourrait ainsi faire partie du plan de relance. »

Mais pas seulement… « Accélérer l’achat des trois derniers Airbus A330 MRTT pourrait également s’inscrire dans le cadre d’un possible plan de relance, permettant de rationaliser et de moderniser la flotte d’avions de transport stratégiques, et de réduire la charge du MCO », a également plaidé le CEMAA.

Pour rappel, la LPM 2019-25 porte à 15 [contre 12 initialement] le nombre d’A330 MRTT « Phénix » devant être mis en oeuvre par l’armée de l’Air, avec, à la clé, une accélération des livraisons.

Mais un autre dossier est considéré comme prioritaire par le général Lavigne : l’avenir de l’aviation de chasse.

« La modernisation de notre aviation de combat est primordiale dans un environnement où les menaces et les défenses sont de plus en plus complexes. Je pense en particulier au Rafale en remplacement accéléré de nos flottes anciennes dont certaines sont déjà à bout de souffle », a expliqué le CEMAA, qui a dit aussi penser à « la défense au sol-air et au Crotale de nouvelle génération. »

A priori, le général Lavigne espère une accélération des livraisons de Rafale portés au standard F3R [28 exemplaires supplémentaires doivent être livrés d’ici 2024], la dernière évolution de cet appareil [standard F4] devant entrer en service en 2027.

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