Photos à l’appui, le Pentagone accuse la Russie d’avoir envoyé des avions de combat en Libye
Dans un communiqué publié ce 26 mai, l’US Africa Command [USAFRICOM] a accusé la Russie d’avoir récemment déployé des avions de combat en Libye afin d’y soutenir la société militaire privée [SMP] russe Wagner, laquelle appuie l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar face aux milices du Gouvernement d’union nationale [GNA, établi à Tripoli] et aux combattants envoyés auprès de ces dernières par la Turquie.
Ces avions de combat, avance l’USAFRICOM, sont « arrivés en Libye, depuis une base aérienne en Russie, après avoir transité par la Syrie, où il est évalué qu’ils ont été répeints pour camoufler leur origine russe.
La semaine passée, le GNA avait affirmé que des avions de type MiG-29 « Fulcrum » et Su-24 « Fencer » avaient décollé de la base russe de Hmeimim [Syrie] pour rejoindre celle d’al-Jufrah, contrôlée par l’ANL. Et d’assurer que deux chasseurs multi-rôles russes Su-35 Flanker E les avaient escortés.
Selon des informations alors non confirmées, les MiG-29 auraient décollé d’Astrakan [Russie], puis fait escale à Hamadan [Iran] pour ensuite atterrir à Hmeimim. Cependant, Moscou avait démenti toute implication dans cette affaire. En outre, il était avancé que ces avions avaient été acquis en Biélorussie par les Émirats arabes unis, qui font partie des principaux parrains du maréchal Haftar.
Visiblement, la piste des Émirats arabes unis n’est pas celle que retient l’US AFRICOM. « La Russie essaie clairement de faire pencher la balance en sa faveur en Libye. Tout comme je les ai vus faire en Syrie, ils étendent leur empreinte militaire en utilisant des groupes de mercenaires soutenus par le gouvernement, comme Wagner », a déclaré le général Stephen Townsend, son commandant.
« Pendant trop longtemps, la Russie a nié toute l’étendue de son implication dans le conflit libyen en cours. Eh bien, elle ne peut plus le nier maintenant. Nous avons regardé la Russie faire voler des chasseurs à réaction de quatrième génération en Libye – à chaque étape de leur parcours. Ni l’ANL ni les sociétés militaires privées ne peuvent armer, opérer et soutenir ces avions de combat sans le soutien de l’État », a insisté le général Townsend.
À l’appui de ses accusations, l’US AFRICOM a diffusé 15 photographies. Sur certaines d’entre-elles, prises, a priori, par des capteurs EO/IR ou des nacelles de ciblages, on peut aussi voir un Su-34 « Fullback » [dont on ignore s’il fait partie des avions évoqués par le général Townsend] ainsi que deux Su-35 Flanker sur le tarmac d’une base aérienne présentée comme étant située en Libye. Quant aux MiG-29, il s’agit d’un appareil déclassé, la seule unité de combat des forces aérospatiales russes qui en utilise encore étant basée en Arménie.
« M. Haftar a déclaré qu’il était sur le point de lancer une nouvelle campagne aérienne. Ce sera avec des pilotes mercenaires russes, pilotant des avions fournis par la Russie pour bombarder des Libyens », a continué le chef de l’US AFRICOM. Sur ce point, les « pilotes mercenaires » auront à opérer dans un environnement dangereux, au regard du nombre d’avions de combat abattus durant le conflit libyen.
Plus précisément, c’est le chef de l’aviation de l’ANL, le général Saqr al-Jaroushi, qui évoqué le lancement de la « plus grande campagne aérienne de l’histoire de la Libye » auprès de l’agence Bloomberg, précisant que « toutes les positions turques sont désormais des cibles légitimes. »
Quoi qu’il en soit, l’US AFRICOM « estime que la Russie n’est pas intéressée par ce qui est le mieux pour le peuple libyen, mais s’efforce plutôt d’atteindre ses propres objectifs stratégiques. » Et le le général Jeff Harrigian, le chef des forces aériennes américaines pour l’Europe et l’Afrique, de souligner que « si la Russie s’installe sur des bases situées sur la côte libyenne, la prochaine étape logique sera qu’elle déploie des capacités permanente de déni et d’interdiction d’accès [A2/AD] ».
« Si cela arrive, alors cela créera de réelles inquiétudes en matière de sécurité sur le flanc sud de l’Europe », a fait valoir le général Harrigan. « Les actions déstabilisatrices de la Russie en Libye exacerberont également l’instabilité régionale qui a provoqué la crise migratoire qui affecte l’Europe », a conclu l’US AFRICOM.