La Turquie a planté son drapeau sur un petit bout de territoire grec

Prenant sa source dans les montagnes de Rila, dans le sud-ouest de la Bulgarie, le fleuve Maritsa se jette dans la mer Égée. Depuis le Traité de Lausanne, signé en 1923, il délimite les 160 km de frontière entre la Grèce [où il est appelé Evros] et la Turquie [Meriç]. Ce qui en fait une porte d’entrée vers l’Europe pour les migrants.

Ces dernières semaines, les tensions dans cette région sont montées d’un cran, quand le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a décidé d’ouvrir sa frontière afin de faire pression sur l’Union européenne pour obtenir de la part de cette dernière un appui en Syrie ainsi qu’une aide financière pour pour la prise en charge de 4 millions de migrants et de réfugiés présents en Turquie. De quoi laisser planer le spectre d’une nouvelle crise migratoire d’une ampleur similaire à celle de 2015.

« Nous ne pourrons pas faire face à une nouvelle vague de réfugiés venue d’Idleb. […] Il faut que l’Europe tienne ses promesses […] Si vous êtes sincères, alors il faut que vous preniez votre part du fardeau », avait déclaré, à l’époque, M. Erdogan, en accusant l’UE de ne pas avoir livré à Ankara l’aide financière promise dans le cadre d’un accord scellé en mars 2016.

Seulement, si la Turquie a ouvert sa frontière, la Grève a fermé la sienne. D’où les tensions au niveau du fleuve Evros. Qui plus est, les aménagements de ses berges et l’évolution naturelle ont fait que le lit de ce cours d’eau s’est déplacé au fil du temps, ce qui a donné lieu à l’apparition d’enclaves grecques sur sa partie orientale, notamment dans la région de la ville de Phères.

Dans cette zone, où le lit du fleuve est en forme de fer à cheval, une unité des forces spéciales de la police turque, forte d’une trentaine d’hommes, a installé un campement et hissé le drapeau turc sur un bout de terrain grec, d’une superficie d’environ 1,6 hectares.

« Les membres des forces spéciales de la police turque ont eu une présence régulière dans la région ces dernières semaines. Ils ont bloqué les travaux préparatoires du service géographique de l’armée grecque en vue de l’extension d’une barrière frontalière à la section sud du fleuve Evros afin d’éviter une répétition des scènes de mars où des milliers de migrants se sont rassemblés dans la région frontalière d’Evros en essayant de venir en Grèce depuis la Turquie », rappelle le quotidien grec Ekathimerini.

Dans un premier temps, le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, a relativisé la portée de cet incident. « J’espère que nous pourrons parvenir à un accord [avec la Turquie]. Il y a une question sur la limite exacte en raison des changements dans le lit du fleuve. Je n’aime pas créer des tensions entre deux pays qui sont alliés [au sein de l’Otan]. Ces problèmes sont résolus sans qu’une seule ligne ne soit écrite dans un journal. […] Avec un comité mixte, toutes ces choses peuvent être résolues. Nous parlons de quelques dizaines de mètres », a-t-il affirmé à ERT.

Cependant, sous la pression politique, le ton de M. Dendias a changé, Athènes ayant adressé une protestation à Ankara contre la présence des troupes turques sur ce bout de territoire grec. Sans effet, a priori. Ce qui préoccupe le ministre grec de la Défense, Nikos Panagiotopoulos.

« La montée des tensions, en particulier dans de petites zones, augmente le risque d’incident. Une étincelle pourrait enflammer les relations déjà difficiles entre la Grèce et la Turquie », a fait valoir M. Panagiotopoulos.

Selon Ekathimerini, MM. Dendias et Panagiotopoulos évoqueront cette affaire devant les commissions de la Défense et des Affaires étrangères du Parlement grec le 26 mai.

Par ailleurs, le 24 mai, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a accusé la marine grecque d’avoir « harcelé » des navires turcs en mer Égée, évoquant de « très graves provocations ».

« Malgré toutes nos tentatives, notre compréhension et notre patience pour des relations de bon voisinage, il n’est pas possible d’expliquer le harcèlement en mer Égée ces derniers jours », a déclaré M. Akar, alors qu’il se trouvait à bord de la frégate Barbaros.

« Nous avons mis tout en œuvre pour résoudre les problèmes par le dialogue et la compréhension mutuelle, et nous continuerons à faire de même », a-t-il ajouté, sans pour autant donner des faits précis sur ces « harcèlements » de la marine grecque.

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