L’administration américaine est divisée sur une possible reprise des essais nucléaires

Mi-avril, la diplomatie américaine a accusé la Chine de procéder à des essais nucléaires souterrains dans la région de Lob Nor, dans l’ouest de la Chine, en contradiction de ses engagements pris dans le cadre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires [TICE], qu’elle a signé mais pas ratifié, à l’instar des États-Unis.

« La mise en service éventuelle par la Chine de son site d’essais nucléaires du Lob Nor durant toute l’année 2019 […] les nombreuses activités d’excavation à Lob Nor et le manque de transparence sur ses activités d’essais nucléaires […] suscitent des inquiétudes quant à son adhésion au rendement zéro [essai nucléaire sans réaction en chaîne explosive, ndlr] », indique une note du département d’État, évoqué par le Wall Street Journal.

Seulement, et contrairement ce qu’avance cette note, l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires [OTICE] a assuré que la Chine n’avait pas cherché à bloquer la transmission des données collectées par les capteurs des cinq stations de détection.

Le Système de surveillance international [SSI] de l’OTICE, qui repose sur 321 stations de détection et 16 laboratoires d’analyse de radonucléides, vise à détecter et localiser tout essai nucléaire d’un puissance supérieure à 1 kilotonne. Ce qui signifie que des essais nucléaires d’une puissance très limitée passent sous le radar.

Quoi qu’il en soit, Pékin n’a pas manqué de répondre à cette note. « la Chine a toujours adopté une attitude responsable, remplissant avec honnêteté ses obligations internationales et les engagements internationaux qu’elle a pris », a par ailleurs fait valoir Zhao Lijian, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Mais la Chine n’est pas la seule à être soupçonnée par les États-Unis de se livrer à des essais nucléaires. La Russie, qui a signé et ratifié le TICE, l’est également. Ce qui expliquerait, d’ailleurs, l’envoi en Europe, en février 2017, d’un WC-135 « Constant Phoenix », un avion utilisé par l’US Air Force pour détecter les particules radioactives. Ce qui ne s’était plus vu depuis 1986 et la catastrophe de Tchernobyl.

En mai 2019, des responsables américains ont confié au Wall Street Journal que Washington soupçonnait Moscou d’avoir effectué en secret un certain nombre d’essais nucléaires à très faible rendement sur le site de Nova Zemlya [Nouvelle-Zemble], dans l’Arctique. Prenant la parole lors d’une conférence organisée peu après par le Hudson Institute, le général Robert Ashley, le chef de la Defense Intelligence Agency [DIA, le renseignement militaire américain, ndlr] affirma que la Russie « ne respectait probablement pas le moratoire sur les essais nucléaires » et donc ses engagements pris dans le cadre du TICE.

En août de la même année, une explosion survenue sur la base de Nyonoksa, située dans l’oblast d’Arkhangelsk [Grand Nord], a relancé les soupçons… en raison d’un pic de radioactivité enregistré par la suite. L’hypothèse alors avancée était que cette explosion était liée au programme russe de missile de croisière à propulsion nucléaire appelé « Burevestnik 9M730 » [code Otan : SSC-X-9 Skyfall].

Ces soupçons à l’endroit de la Chine et de la Russie ont donc ouvert un débat au sein de l’administration américaine. Lors d’une réunion tenue le 15 mai, la question de relancer les essais nucléaires aurait en effet été posée, selon le Washington Post.

Pour rappel, les États-Unis n’ont plus procédé à d’essais nucléaires souterrains de forte puissance depuis celui réalisé le 23 septembre 1992, dans le Nevada [opération « Julin »].

Un haut responsable ayant pris part à cette réunion, cité par le Washington Post, a expliqué que « montrer que les États-Unis sont capables de mener un essai rapidement serait une tactique de négociation utile au moment où Washington cherche à conclure un accord tripartite avec la Russie et la Chine sur les armes nucléaires. »

Pour le moment, aucune décision n’a été prise, la question d’une reprise éventuelle des essais nucléaires n’ayant pas fait consensus. Cela étant, la nouvelle posture nucléaire américaine [NPR], publiée en janvier 2018, n’exclut pas une telle possibilité [.pdf].

« Les États-Unis ne reprendront pas les explosions nucléaires expérimentales à moins que cela ne soit nécessaire pour garantir la sûreté et l’efficacité de l’arsenal nucléaire américain et ils invitent tous les États possédant des armes nucléaires à déclarer ou maintenir un moratoire sur les essais nucléaires », y est-il avancé.

Cependant, le document indique aussi que les « États-Unis envisageraient d’utiliser des armes nucléaires dans des circonstances extrêmes pour défendre des intérêts vitaux des États-Unis, de leurs alliés et de leurs partenaires. » Et d’ajouter : « Néanmoins, en cas d’échec de la dissuasion, les États-Unis s’efforceront de mettre fin à tout conflit avec le niveau le plus bas possible de dégâts et dans les meilleures conditions réalisables pour les États-Unis, leurs alliés et leurs partenaires. Pendant des décennies, la politique nucléaire des États-Unis a régulièrement inclus cet objectif de limiter les dégâts en cas d’échec de la dissuasion. »

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