Les États-Unis vont se retirer du traité « Ciel ouvert »

Cela faisait des mois que le Traité « Open Skies » [ou « Ciel ouvert »] était dans le collimateur de l’administration Trump. Et la question était de savoir quand Washington annoncerait sa décision de le dénoncer. C’est désormais chose faite.

En effet, le 21 mai, le président Trump a fait savoir que les États-Unis se retireraient de ce traité, entré en vigueur en 2002, en accusant Moscou d’avoir manqué à ses obligations.

« La Russie n’a pas respecté le traité. Donc, tant qu’ils ne le respecteront pas, nous nous retirerons », a ainsi déclaré M. Trump, sans pour autant fermer la porte à une éventuelle renégociation de ce texte. « Je pense que ce qui va se passer, c’est que nous allons nous retirer et ils vont revenir et demander à négocier un accord », a-t-il dit.

De son côté, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a indiqué que les États-Unis informeraient officiellement de leur décision la trentaine de pays signataires du Traité. Leur retrait définitif ne pourra qu’être prononcé qu’au bout de six mois après cette notification.

Pour rappel, l’origine du Traité Ciel Ouvert remonte aux années 1950. À l’époque, le président américain, le général Dwight Eisenhower, avait défendu l’idée d’un mécanisme permettant aux États-Unis et à l’Union soviétique de survoler le territoire de l’autre afin d’instaurer un climat de confiance. Ce que Moscou refusa.

Il fallut donc atteindre près de quarante ans – et la fin de la Guerre Froide – pour voir les pays de l’Otan et ceux du Pacte de Varsovie se mettre d’accord sur un texte autorisant de tels survols. Cependant, la Russie ne le ratifia qu’en 2001, ce qui retarda sa mise en application, sous l’égide de l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe], via la « Commission consultative pour le régime ‘Ciel ouvert' » [CCCO].

Concrètement, un pays signataire du Traité doit accepter, après un préavis de 72 heures, un certain nombre de vols d’observation au-dessus de son territoire [quota passif], ce qui lui donne la possibilité d’en faire autant [quoti actif]. La résolution des images prises lors de tels survols est limitée à 30 centimètres pour les capteurs photographiques et vidéo, à 50 centimètres pour les capteurs infrarouge et à 3 mètres pour les capteurs à imagerie radar.

Ces derniers mois, les États-Unis ont reproché à la Russie d’imposer des restrictions de survol pour l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud [deux territoires séparatistes géorgiens où Moscou a déployé des troupes] ainsi que pour l’enclave fortement militarisée de Kaliningrad, coincée entre la Pologne et la Lituanie. Pour cette dernière, il est interdit de s’en approcher de plus de 500 km.

« Nous remplissons nos obligations prévues par traité mais en cette époque de concurrence entre grandes puissances, nous cherchons à obtenir des accords qui bénéficient à toutes les parties et dont tous les signataires respectent leurs obligations », a fait valoir , Jonathan Hoffman, un porte-parole du Pentagone.

La Russie a évidemment rejeté les accusations américaines. « Le retrait des États-Unis de ce traité signifie non seulement un coup porté au fondement de la sécurité européenne mais aussi aux instruments de la sécurité militaire existants et aux intérêts essentiels de sécurité des alliés mêmes des États-Unis », a rétorqué Alexandre Grouchko, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, cité par des agences de presse russes.

« Rien n’empêchait de continuer à discuter de ces questions techniques que les États-Unis présentent aujourd’hui comme de prétendues violations de la part de la Russie », a continué M. Grouchko, reprochant, à son tour, Washington d’avoir sabordé l' »instrument qui a servi les intérêts du maintien de la paix et de la sécurité en Europe au cours des 20 dernières années ».

Cela étant, et plus généralement, c’est toute l’architecture européenne de sécurité, héritée de la Guerre Froide, qui est en train de disparaître, avec la fin du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe [FCE] ou encore celle du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire [FNI]. En outre, un autre texte, qui concerne seulement la Russie et les États-Unis a du plomb dans l’aile : le Traité New Start sur les limitations des arsenaux nucléaires arrive à expiration en 2021… Et, pour le moment, il n’y a guère d’empressement pour le renouveler, Washington souhaitant y inclure la Chine ce qui, pour Pékin, est inconcevable.

Quoi qu’il en soit, la décision de M. Trump de dénoncer le Traité « Ciel ouvert » ne fait pas l’unanimité au sein de l’Otan, dont les membres doivent se réunir « en urgence » ce 22 mai. « Avec nos partenaires, nous allons nous investir pour que le gouvernement américain reconsidère sa décision », a indiqué Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères.

Outre-Atlantique, l’annonce de la Maison Blanche a également été vivement critiquée par plusieurs élus, dont Adam Smith et Jim Cooper, lesquels estiment que la décision de M. Trump « affaiblit notre sécurité nationale et isole les États-Unis puisque le traité va se poursuivre sans nous et abandonne un outil utile pour surveiller la Russie. »

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