M. Trump laisse entendre qu’il veut rapatrier la production des composants de l’avion F-35 aux États-Unis

Au début de ce mois, plusieurs responsables américains ont confié à l’agence Reuters que la priorité de Washington était désormais de réduire la dépendance des États-Unis à l’égard de la Chine.

« La pandémie a cristallisé toutes les inquiétudes […] sur les relations commerciales avec la Chine », ainsi affirmé l’un d’eux pendant qu’un autre a fait obersr que « tout l’argent que les gens pensaient avoir gagné en concluant des accords avec la Chine s’est volatilisé à présent au regard des dégâts économiques » liés à l’épidémie de Covid-19.

« Nous travaillons depuis plusieurs années sur [la réduction de la dépendance de nos chaînes d’approvisionnement en Chine] mais nous avons désormais enclenché le turbo sur cette initiative », a également confié Keith Krach, sous-secrétaire d’Etat américain à la Croissance économique, à l’Energie et à l’Environnement, à l’agence Reuters.

Le 14 mai, interrogé par la chaîne de télévision Fox Business Network sur cette dépendance à l’égard de la Chine, s’agissant en particulier des chaînes d’approvisionnement des laboratoires pharmaceutiques américains, le président Trump a évoqué… l’avion de combat F-35…

Tout comme tous les systèmes d’armes bourrés de composants électroniques, cet appareil est gourmand en « terre rares », c’est à dire un groupe de 17 métaux dont les propriétés les rendent incontournables pour les industries de pointe [défense, informatique, aérospatiale, etc]. Or, en 2017, le Pentagone s’était inquiété de la dépendance des États-Unis à l’égard de la Chine pour leur approvisionnement pour de tels éléments stratégiques.

Mais ce n’est pas sur cet aspect que M. Trump a enchaîné… « Je pourrais vous raconter des centaines d’histoires sur la stupidité que j’ai vue. Par exemple, nous fabriquons un avion de chasse. […] Il se trouve que c’est le F-35. C’est un super jet et nous faisons fabriquer des pièces pour cet appareil partout dans le monde. On les fait en Turquie, on les fait ici, on va les faire là-bas. Tout ça parce que le président [Barack] Obama et d’autres – je ne blâme pas que lui – pensaient que c’était une chose merveilleuse », a-t-il dit.

« Le problème est que si nous avons un souci avec un pays, on ne peut plus faire cet avion. Nous avons besoin de pièces arrivant de partout. C’est tellement fou! Nous devons tout faire aux États-Unis », a continué M. Trump. Et, à la question de savoir si cela était possible, il n’a exprimé aucun doute.

« Oui, nous le ferons parce que je change toutes ces politiques », a-t-il assuré. « Regardez, nous fabriquons des F-35, le plus grand jet du monde, dont le fuselage est fabriqué en Turquie puis envoyé aux ici [aux États-Unis]. Mais si notre relation avec la Turquie se rompt, alors elle pourrait refuser de nous livrer des composants clés du F-35 », a-t-il ajouté.

Les propos de M. Trump sont surprenants. Notamment au sujet de la Turquie puisque cette dernière a été exclue du programme F-35 pour avoir acquis auprès de la Russie des systèmes de défense russe S-400, dont la mise en oeuvre est incompatible avec cet appareil en particulier, mais aussi avec ceux l’Otan.

Jusqu’alors, l’industrie aéronautique turque fabriquait environ 1.000 composants du F-35. Quant aux fuselages évoqués par M. Trump, certains étaient bien produits – partiellement – par Turkish Aerospace Industries [TAI] en qualité de fournisseur secondaire, l’essentiel du travail étant assuré par Northrop Grumman.

Mais plus généralement, c’est l’organisation du programme F-35 [ou Joint Strike Fighter, JSF] que M. Trump remet en cause. Contrairement à ce qu’il a affirmé, ce n’est pas son prédécesseur qui en a décidé ses modalités. Dès le départ, c’est à dire quand il fut confié à Lockheed-Martin, en 2001, il avait été convenu que ce projet réunirait plusieurs pays partenaires, avec trois niveaux de coopération.

Ainsi, le Royaume-Uni fait partie du premier niveau, son industrie fournissant le fuselage arrière, une grande partie de l’électronique embarquée et un des composants du moteur destiné au F-35B [STOVL]. Au deuxième niveau, on trouve l’Italie [qui assemble les avions destinés au marché européen] et les Pays-Bas. Enfin, l’Australie, la Norvège, le Danemark et le Canada sont des partenaires de troisième niveau… auquel appartenait la Turquie avant d’en être éjectée, en 2019.

Cette organisation a permis de partager les coûts de développement, en échange de compensations industrielles… Tout en favorisant les exportations du F-35, ce qui joue évidemment sur le prix unitaire de cet appareil, grâce à l’effet d’échelle.

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