M. Philippe : « Le Gouvernement considère que l’impératif de défense demeure une priorité de premier rang »
L’expérience des précédentes crises économiques fait craindre une nouvelle remise en question du budget de la Défense, qui a souvent servi de variable d’ajustement budgétaire, par choix politique. Qu’en sera-t-il avec la situation créée par l’épidémie de Covid-19, laquelle a fait plonger l’activité [et donc les recettes fiscales] et augmenter déficits et dettes?
Tout d’abord, la crise économique actuelle n’a pas été provoquée par un krach financier, ce qui change beaucoup de choses. En outre, les taux d’intérêt extrêmement bas [voire négatifs] et la fin de certains tabous en matière de politique monétaire et budgétaire au niveau européen, font que la dette publique « n’est plus un problème », à en croire des tribunes publiées récemment par plusieurs économistes [voir ici ou là], voire un « faux problème » comme l’estime Jean-Marc Vittori, éditorialiste au quotidien Les Échos.
Cependant, l’inactivité due au confinement et aux mesures sanitaires fait que la France est sans doute plus impactée que d’autres pays, en raison de l’importance de certains secteurs dans son économie, comme ceux en lien avec le tourisme. Ce qui fait que la reprise économique pourrait être plus compliqué qu’ailleurs.
Quoi qu’il en soit, et encore une fois, le sort qui sera fait au budget des Armées et à la Loi de programmation militaire 2019-25 sera fonction d’un choix politique. Et, manifestement, le gouvernement n’entend pas dévier de la ligne qu’il s’est fixé en la matière.
Ainsi, après les propos tenus par la ministre des Armées, Florence Parly, lors de ces deux dernières auditions parlementaires [« Je ne suis pas du tout en train de me dire ce que je pourrais sacrifier sur le budget » des Armées, a-t-elle lancé], le Premier ministre, Édouard Philippe, a été interpellé sur ce sujet par le député François Cornut-Gentille, le 12 mai, lors des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale.
« Comment allons-nous construire le budget 2021 ? Quelque chose me dit que l’exercice sera intéressant – c’est une litote. Les enjeux collectifs – non seulement en matière de défense, mais aussi en matière de santé, d’éducation ou d’infrastructures, la nécessité de faire repartir notre économie, notre industrie et nos services, celle de construire notre sécurité demain –, tout cela devra être tranché dans un cadre profondément transformé par l’absence de recettes d’un côté et par l’augmentation des dépenses de l’autre », a résumé M. Philippe.
« Cette équation ne sera pas des plus faciles à résoudre, et pourtant, nous devrons le faire. Nous le ferons collectivement, dans le cadre de choix politiques qui n’auront rien de discret et tout de public », a ajouté le chef du gouvernement.
Pour autant, « le monde qui se dessine pour les mois et les années à venir […] est-il plus tranquille, moins risqué, plus pacifié que celui que nous quittons? », a demandé M. Philippe. « Je ne le crois pas », a-t-il continué, déplorant que les « ambitions territoriales, les compétitions armées et les risques géopolitiques » n’auront pas « disparu » après la crise sanitaire lié au Covid-19.
« Autrement dit, on constate que ne se trouve modifiée aucune des raisons ayant présidé aux choix formulés par le Président de la République lors de la campagne présidentielle et qui ont donné lieu, année après année, à des décisions budgétaires et opérationnelles fortes, consistant à faire repasser l’effort de la France en faveur de la défense à un niveau raisonnable, après qu’il a si longtemps maintenu si bas », a ensuite fait valoir le Premier ministre.
Aussi, a-t-il conclu, « vous comprenez bien de ma réponse que le Gouvernement considère que l’impératif de défense demeure une priorité de premier rang. Quiconque déciderait du contraire serait exposé, le moment venu, à des risques dont aucun d’entre nous ne souhaite qu’ils se réalisent. »
Par ailleurs, et alors que le Fonds européen de défense [FEDef] pourrait sa dotation prévue de 13 milliards d’euros se réduire comme peau de chagrin à l’occasion des discussions portant sur le cadre pluriannuel financier 2021-27 de l’Union européenne, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a adressé une mise en garde, le 12 mai, à l’issue d’une vidéoconférence avec les ministres de la Défense des 27 États membres.
« Nous devons changer complètement notre approche de nos perspectives financières parce que nous avons un scénario nouveau et complètement différent », a estimé M. Borrell. Et, a-t-il ajouté, « j’espère que, dans ce scénario, les ressources allouées à la politique de défense et de sécurité ne diminueront pas, car comme je l’ai déjà dit, le coronavirus a fait peser une nouvelle menace et nécessite une politique de défense et de sécurité plus forte, une Europe plus forte dans le monde. Et cela dépend aussi des ressources allouées à ces politiques. »