Mme Parly : « Je ne suis pas du tout en train de me dire ce que je pourrais sacrifier sur le budget » des Armées

De par les mesures qui ont été prises pour freiner son expansion, l’épidémie de Covid-19 est à l’origine d’une crise économique marquée par un plongeon de l’activité et un bond de l’endettement public. Ce qui fait naître des craintes sur le budget de la mission Défense, certains se demandant si la France pourra conserver son modèle d’armée.

Cependant, si une comparaison doit être faite, la crise économique liée à l’épidémie se rapproche plus de celle que la France a connue lors des évènements de mai 1968 [période marquée par une chute de -5,8% du PIB], et non de celles de 1929 et de 2008, dans la mesure où elle n’a pas pour point de départ une crise financière s’étant étendue à l’économie réelle.

Certes, et malgré des taux d’intérêt négatifs, le niveau de la dette publique [115% du PIB] pose un défi de taille… qui peut faire craindre une nouvelle cure d’austérité. Mais, depuis 2010 et la crise de la dette dans la zone euro, de nouveaux dispositifs ont vu le jour au niveau européen [assouplissement quantitatif, Mécanisme Européen de Stabilité, etc] et des tabous sont tombés, comme la règle des 3% de déficit, « temporairement suspendue ». Et l’idée d’une « monétisation » de la dette par la Banque centrale européenne [BCE] fait son chemin.

« Les aides publiques déployées pour éviter une vague de faillites, donc de licenciements, devraient créer une montagne de nouvelle dette souveraine estimée à 1.000 milliards d’euros rien que pour l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne, que la BCE a la capacité à absorber à son bilan », a même souligné l’AFP, le 30 avril.

Reste à voir quelles seront les orientations politiques qui seront décidées par la suite. Avant la crise, l’Union européenne peinait à se mettre d’accord sur son budget pluriannuel pour la période 2021-27. Le Fonds européen de défense [FEDef] était alors sur la corde raide étant donné que certains États membres, comme la Finlande, avaient proposé de le réduire de moitié pour financer d’autres priorités, comme celles liées à l’environnement. Une ligne rouge pour la France, qui n’entendait rien céder sur cette question.

Lors de son audition par la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, la ministre des Armées, Florence Parly, a indiqué que la position française serait maintenue, alors que les négociations se poursuivent. Et de le justifier par la nécessité de tirer les leçons de la crise actuelle, lesquelles soulignent un besoin accru d’autonomie stratégique européenne.

« Nous avons vu que, et c’était déjà le cas avant le virus, certains partenaires et alliés ont une tendance à se replier de plus en plus sur eux-mêmes. Et puis nous avons vu aussi, peut-être de façon décuplée, à l’occasion de cette crise sanitaire, que certaines puissances, qui avaient déjà multiplié les démonstrations de puissance, multiplient les démonstrations d’influence », a affirmé Mme Parly.

Ainsi, « la Chine s’appuie sur cette crise sanitaire pour faire prospérer un certain nombre d’idées que vous me permettrez de ne pas partager », a continué la ministre. Donc, a-t-elle poursuivi, il « est donc indispensable que, à l’échelle européenne, nous puissions nous retrouver pour faire avancer cette idée d’autonomie stratégique européenne, qu’il s’agisse du domaine des opérations ou du domaine industriel ».

Mais encore faudrait-il que les 27 États membres aient la même vision des choses… Ce qui n’est pas gagné, l’image de l’UE ayant été écornée par la crise au profit de la Chine dans certains d’entre-eux, comme par exemple en Italie.

« Nous aurons l’occasion de tester l’ambition des Européens lorsque le cadre financier pluriannuel sera à nouveau discuté puisque c’est dans ce cadre-là que le budget du Fonds européen de défense sera arrêté. Et j’insisterai pour ma part, comme je l’ai fait depuis l’orgine, sur la nécessité absolue […] de préserver les moyens qui avaient été initialement envisagés […], c’est à dire 13 milliards d’euros, et de ne pas revoir, alors même que ce fonds est en train de naître, nos ambitions à la baisse », a assuré Mme Parly.

Pour enfoncer le clou, la ministre a fait valoir que baisser le niveau des ambitions européennes avant la crise aurait été une « erreur » et que ce serait une « faute » de le faire « après ce nous venons tous de vivre chacun dans nos pays ».

Et cela s’applique également aux ambitions de la France en matière de défense. « L’actualisation de la Loi de programmation militaire est prévue en 2021 et nous y travaillons déjà. Et naturellement, nous devons intégrer dans nos réflexions et dans nos travaux les conséquences de cette crise », a dit Mme Parly. Mais, visiblement, il n’est pas question de revoir le modèle d’armée à la baisse.

« Sur le budget, bien sûr qu’on peut toujours avoir des craintes », a toutefois admis la ministre. Cependant, a-t-elle continué, « je suis convaincue que le budget du ministère des Armées est des outils du plan de relance de l’économie française. C’est même le premier qui est déjà prêt! Donc, nous allons tout faire pour mobiliser la commande publique et faire feu […] de tous les instruments dont nous disposons – et ils sont nombreux – pour soutenir nos industries qui méritent d’être défendues, d’abord pour ce qu’elles font pour nos armées et ensuite parce que ce sont des entreprises qui irriguent l’économie nationale. »

Aussi, a insisté Mme Parly, « je ne suis pas du tout en train de me dire ce que je pourrais sacrifier sur le budget du ministère des Armées, c’est tout le contraire! C’est comment faire feu avec la puissance de feu considérable que nous avons déjà. »

Viendra ensuite le moment « où nous travaillerons ensemble pour dimensionner ce que seront les moyens des armées pour l’avenir », a ajouté la ministre. « Cette Loi de programmation militaire, je la défendrai car je défie quiconque de me dire ce qui, dans l’analyse des menaces et des risques que nous avons faite en 2017 […] a faibli. Je pense que, au contraire, cette crise ne peut que nous renforcer dans nos analyses et nous montrer que ces menaces sont encore peut-être plus aiguës et plus intensese que ce nous avions imaginé », a affirmé la ministre.

Par ailleurs, Mme Parly a répondu aux inquiétudes sur les livraisons de matériels susceptible de prendre du retard en raison du confinement annoncé le 16 mars dernier. « Nous avons pris soin de créer un dialogue extrêmement étroit avec les industriels de défense pour précisément éviter ce type de situation. Nous avons mis l’accent sur le maintien en condition opérationnelle de nous équipements », a-t-elle expliqué.

Toutefois, a reconnu Mme Parly, il est « encore un peu tôt […] pour pouvoir dresser un état des lieux des éventuels retards qui pourraient apparaître ». Mais, a-t-elle souligné, « nous dialoguons aussi avec les industriels pour identifier tout ce qui pourrait, à l’inverse, être anticipé, accéléré, de telle sorte que les moyens en investissement dont dispose la mission Défense puissent aussi être mis au service de la remise en route de l’économie française. »

Photo : Ministère des Armées

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