L’audacieuse évasion de Madagascar du lieutenant René Chevalier pour rejoindre la France Libre

Soixante-quinze ans après la capitulation de l’Allemagne nazie, les historiens peinent à se mettre d’accord sur les effectifs de la France Libre du général de Gaulle entre le 22 juin 1940 [date de l’armistice demandé par le maréchal Pétain] et leur fusion avec l’Armée d’Afrique à l’été 1943.

Cependant, selon Dominique Lormier, les Forces aériennes françaises libres [FAFL] ont compté, durant cette période, 3.200 ralliements, dont beaucoup de pilotes. Certains ’empruntèrent » des avions et profitèrent de la proximité de l’Afrique du Nord avec Gibraltar pour rejoindre l’Angleterre et continuer le combat sous le signe de la Croix de Lorraine. D’autres, affectés au Levant, en firent de même en rejoignant des unités britanniques présentes en Palestine ou en Égypte.

Parmi ces pilotes ayant refusé la défaite, quelques uns firent preuve d’une audace sortant de l’ordinaire et d’une détermination sans faille pour arriver à leurs fins. C’est le cas de l’aspirant Maurice Halna du Fretay, qui reconstitua patiemment l’avion Zlin-XII qu’il s’était offert en économisant sur sa solde pour s’envoler vers les cieux britanniques depuis la propriété familiale. Et c’est aussi celui du sous-lieutenant Lucien Montet. Cet ancien de la patrouille d’Étampes tenta de gagner l’Angleterre une première fois en novembre 1940, en s’évadant du port d’Alger à bord d’une barque de pêche. Seulement, au lieu d’arriver à Gibraltar, il débarqua aux Baléares à cause d’une tempête.

Capturé par des miliciens espagnols, remis à la police de Vichy, il fut enfermé à la prison maritime de Toulon. Remis en liberté [provisoire] grâce à l’intervention d’un capitaine de vaisseau, Lucien Montet retenta sa chance en passant par les Pyrénées, puis par Barcelone… pour arriver à Gibraltar. Arrivé enfin à Londres, il prit le nom de Christian Martell… et s’illustra à la tête du Squadron Alsace après avoir mené à bien des missions confiées par le Bureau Central de Renseignements et d’Action [BCRA]. Si les scénaristes de la télévision ou du cinéma sont en panne d’idée, voici un personnage susceptible de les inspirer!

Mais il n’est pas le seul. En 1940, l’adjudant René Chevalier se trouve à Tananarive [Madagascar] où, depuis plus d’un an, il sert en tant que chef mécanicien mitrailleur.

Né trente ans plus tôt à Levie [Corse], René Chevalier s’était engagé dans l’armée dès ses 18 ans. Nommé sergent en 1929, puis breveté mitrailleur en 1931, il finit par être affecté au Groupe aérien de reconnaissance 501.

Prenant sur son temps libre, le jeune sous-officier obtint un brevet de pilote civil en 1936. Ce qui lui sera fort utile pour la suite des évènements. Après l’armistice, Madagascar resta dans le giron du régime de Vichy [ce qui lui vaudra, en 1942, de faire l’objet de l’opération britannique Ironclad, Londres redoutant de voir ses ports être utilisés par la marine impériale japonaise]. Or, l’adjudant Chevalier ne voulait qu’une chose : reprendre le combat et rejoindre la France Libre.

Aussi, il lui fallut faire preuve d’une infinie patience pour mettre son projet à exécution. Pendant plusieurs semaines, il rassembla, un à un, pas moins de 25 bidons d’essence [soit la valeur de 420 litres] récupérés au nez et la barbe de ses supérieurs et stockés dans sa chambre. C’est ce qu’il lui fallait pour pouvoir rejoindre le continent, à quelque chose près…

Le 1er février 1941, profitant d’être sous-officier de jour, René Chevalier prépara un avion Potez 29 en vue de son départ… sans rien dire à personne, évidemment. Et, le lendemain, il décolla aux commandes de cet appareil et mit le cap vers le Mozambique, à 800 km de là. Durant le vol, il transvasa dans le réservoir les 25 bidons qu’il avait stockés dans sa chambre…

Seulement, le Potez 29 s’avèra trop gourmand… Et René Chevalier dut amerrir à seulement 800 mètres des côtes du Mozambique, qu’il rejoignit, blessé, à la nage. Accueilli par des « indigènes nus armés de sagaies », il est arrêté par les autorités portugaises avant de pouvoir être autorisé à rejoindre le Kenya, alors colonie britannique.

Affecté à l’Operational Training Unit 71 de Khartoum [Soudan], René Chevalier décrocha son brevet de pilote de la Royal Air Force [RAF] en octobre 1941. Ayant quelques péripéties [une collision en vol et un atterrissage en catastrophe…], il fut affecté au Squadron Alsace avec le galon d’aspirant en septembre 1942. C’est au sein de ce dernier qu’il remporta sa seule victoire aérienne, acquise sur un FW-190 au-dessus de la Manche.

Promu lieutenant en décembre 1943, René Chevalier perdit la vie le 5 janvier 1944, lors d’une collision en vol avec le Spitfire du lieutenant Peter Fabesch, à la verticale du terrain de Perranporth, dans les Cornouaille. Il totalisait alors 138 heures de vol et 145 missions de guerre.

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