Les États-Unis pourraient retirer leurs avions espions du Royaume-Uni à cause de l’opérateur chinois Huawei
Lors du sommet de l’Alliance atlantique, organisé à Londres, en décembre, les Alliés avaient assuré de leur détermination à « garantir la sécurité de leurs leurs communications, y compris la 5G, conscients de la nécessité de recourir à des systèmes sécurisés et résilients », dans « les limites de leurs compétences respectives. »
Or, malgré des recommandations émises par l’Otan et les pressions américaines, le gouvernement britannique a autorisé, en janvier, le l’opérateur chinois Huawei à participer à la mise en place des réseaux de télécommunications 5G au Royaume-Uni.
Cependant, au regard des soupçons concernant les relations qu’entretient Huawei – fondé par un ancien officier de l’Armée populaire de Libération [APL] – avec le gouvernement et le renseignement chinois, Londres a assorti son autorisation de quelques restrictions.
Ainsi, qualifié de « fournisseur à haut risque », l’opérateur chinois sera exclu des « coeurs de réseaux » ainsi que des zones sensibles, comme les bases militaires et les sites relevant du renseignement britannique. En outre, ses parts de marché concernant les équipements liés à la norme 5G ne pourront pas excéder les 35%.
Seulement, pour Washington, ces mesures sont insuffisantes. « Huawei et d’autres entreprises technologiques chinoises soutenues par l’État sont des chevaux de Troie pour le renseignement chinois », a ainsi accusé Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en février.
Et le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, de prévenir : « Le recours aux fournisseurs chinois de la 5G […] pourrait rendre les systèmes critiques de nos partenaires vulnérables aux perturbations, à la manipulation et à l’espionnage » et « cela pourrait également mettre en péril nos capacités de communication et de partage de renseignements et, par extension, nos alliances. »
D’où l’évaluation actuellement en cours à Washington… Selon le quotidien « The Daily Telegraph« , qui s’appuie sur une demi-douzaine de sources américaines et britanniques, une examen est actuellement en cours pour mesure les conséquences possibles que peut avoir l’implication de Huawei dans les réseaux 5G d’outre-Manche sur la « relation spéciale » qui lie les États-Unis au Royaume-Uni dans le domaine du renseignement.
D’après le journal, les avions RC-135 « Rivet Joint », spécialisés dans la collecte de renseignements électroniques et actuellement basés au Royaume-Uni dans le cadre d’un accord conclu en 2010 entre Londres et Washington, pourraient donc être redéployés dans un autre pays européen ayant fait une croix sur Huawei, ces appareils étant en effet considérées comme étant les plus vulnérables au risque d’interception de données via la 5G.
En outre, des questions se posent aussi au sujet de la base de Menwith Hill, où les forces américaines disposent d’une station terrestre de communication par satellite et d’un site destiné à la collecte de renseignements électro-magnétique, avec l’appui du Government Communications Headquarters [GCHQ], c’est à dire les « grandes oreilles » britanniques.
« La question de savoir si des missions hautement classifiées devraient de plus en plus être effectuées à partir de pays autres que la Grande-Bretagne en raison de craintes sur la confidentialité est également à l’étude », avance The Telegraph, qui prête à la Maison Blanche l’idée de retirer jusqu’à 10.000 militaires américains du Royaume-Uni, dont des éléments non liés au renseignement.
Par ailleurs, au Congrès, et dans le cadre du prochain National Defense Authorization Act [NDAA], des sénateurs républicains ont l’intention de faire voter une disposition visant à bloquer l’envoi de nouveaux avions dans des pays « hôtes » ayant des « fournisseurs à risque dans leurs réseaux 5G ».
Ce qui remettrait en cause l’envoi de deux escadrons de F-35A [soit 48 avions] de l’US Air Force à Lakenheath [Suffolk], où 200 millions de dollars ont d’ores et déjà été investis pour préparer leur arrivée, prévue en 2021. De même que le projet de faire embarquer des F-35B de l’US Marine Corps à bord du porte-avions HMS Queen Elieabeth s’en trouverait compromis.
« Alors que les États-Unis feront tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir et renforcer la relation spéciale [avec Londres], la protection des aviateurs américains et de nos moyens de sécurité nationale doit passer en premier », a fait valoir le sénateur Tom Cotton.
Quoi qu’il en soit, la participation de Huawei au déploiement de la norme 5G au Royaume-Uni n’est pas encore acquise… Début mars, le comité de la Défense, à la Chambre des communes, a fait connaître son intention de conduire une enquête sur « la sécurité du réseau 5G du pays ».
« Une fois la 5G introduite, elle deviendra une partie inextractable de l’infrastructure britannique. Il est primordial que nous posions des questions gênantes sur la possibilité d’abus », a justifié le député Tobias Ellwood.