Le ministère des Armées met les taux de disponibilité de ses aéronefs sous le boisseau

Depuis qu’il siège à la commission des Finances après avoir été l’un des membres de celle de la Défense jusqu’en 2012, le député François Cornut-Gentille a pris l’habitude d’adresser, chaque année, une volée de questions écrites écrites sur les taux de disponibilité des équipements utilisés par les forces françaises au ministère des Armées. Les réponses sont ensuite publiées au Journal Officiel ainsi que sur le site de l’Assemblée nationale, lequel propose une fonctionnalité permettant d’en être alertés dès qu’elles sont disponibles.

Cette année, le député de Haute-Marne a fait comme d’habitude : il a donc demandé à la ministre des Armées de lui préciser les taux de disponibilité de la plupart des équipements [aéronefs, véhicules navires, systèmes de détection, etc] actuellement en service. Et, au regard des réformes récemment lancées afin d’améliorer le maintien en condition opérationnelle [MCO], les chiffres demandés par le parlementaire étaient particulièrement attendus.

Et l’on croyait en obtenir enfin quelques uns, le 28 avril, alors que M. Cornut-Gentille les avait demandés quatre mois plus tôt. Seulement, la réponse faite par le ministère des Armées marque un changement dans sa politique de confidentialité au sujet des taux de diponibilité, en particulier pour ce qui concerne les aéronefs. Et, invariablement, il a fait la même réponse à cinq questions écrites posées par le député.

« La communication de ces données étant soumise à des impératifs renforcés de confidentialité, ces informations seront directement transmises à l’honorable parlementaire par courrier », a en effet répondu le ministère des Armées dans un « tir groupé » [.pdf – voir page 3125].

Reste à voir s’il en ira de même pour la disponibilité des navires, des blindés et des équipements du Service de santé des armées [SSA] ainsi que ceux du Service des essences des armées [SEA], le député attendant toujours des réponses de la part de l’Hôtel de Brienne.

Évidemment, ce changement de politique interpelle, certains, comme Vincent Lamigeon, de l’hebdomadaire Challenges, y voyant un « très fâcheux recul de la transparence des armées ».

Pourquoi, en effet, des chiffres qui étaient accessibles au public [et abondamment commentés] ne pourraient-ils plus l’être maintenant? Pourquoi seront-ils envoyés au député Cornut-Gentille par courrier et non pas par messagerie électronique?

À la seconde question, le sénateur Jérôme Bascher a peut-être apporté une réponse, en octobre dernier. « La vraie faille de sécurité vient du fait que chaque parlementaire a sa liberté d’avoir son propre matériel, à l‘Assemblée nationale comme au Sénat. Par exemple, je pourrais avoir un téléphone Huawei ou Apple. Tout passe par les Gafa, y compris des applications logées chez les serveurs d’Amazon web service. Et on n’a rien de protégé, rien qu’on a en propre. On n’a rien sur des data center en France », avait-il dit dans un entretien donné à Public Sénat.

Quant à la première, sans doute que le ministère estimé qu’il est désormais préférable de ne pas donner de telles informations à ceux qui scrutent les forces et les faiblesses des armées françaises en les livrant au public… Cela étant, aux États-Unis, il est par exemple possible de connaître les taux de disponibilité [ou les « Mission Capable Rates »] des avions de l’US Air Force via le « Freedom of Information Act ».

Par ailleurs, les auditions parlementaires constituent une autre source d’information. Réalisées pour la plupart à huis clos, elles font toujours l’objet d’un compte-rendu [expurgé des passages pouvant être confidentiels], sauf contre-indication, notamment quand les questions relatives au renseignement sont abordées.

Au Sénat, ces compte-rendus sont rapidement mis en ligne. Ce qui n’est pas le cas à l’Assemblée nationale, où, depuis la rentrée 2019, et à ce jour [6 mai], 22 auditions réalisées par la commission de la Défense n’ont toujours pas fait l’objet de la moindre communication. Tel est le cas, par exemple, de l’audition du Secrétaire général de la mer et du préfet maritime de l’Atlantique, faite le 5 février.

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