Sahel : Le Tchad sous pression pour déployer au plus vite un bataillon dans la zone des trois frontières

Lors du sommet de Pau, le 13 janvier, la France et les pays du G5 Sahel [Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad] s’étaient mis d’accord pour accentuer l’effort militaire dans le Liptako-Gourma [région dite des trois frontières], en particulier contre l’État islamique au Grand Sahara [EIGS]. Et cela, dans le cadre d’une « coalition pour le Sahel ».

Il fut aussi décidé d’améliorer la coordination entre Barkhane et la Force conjointe du G5 Sahel [FC-G5S], via un mécanisme de commandement conjoint [MCC] et de renforcer les effectifs sur le terrain. D’où l’annonce, par la France, de l’envoi de 600 militaires supplémentaires dans la région. De son côté, le Tchad assura, peu après le sommet de Pau, qu’il enverrait l’équivalent d’un bataillon [480 à 500 soldats] dans la zone des trois frontières.

Seulement, les lourdes pertes infligées par des jihadistes [présumés appartenir au groupe nigérian Boko Haram] à la garnison tchadienne installée à Bohoma, dans la région du Lac Tchad, ont perturbé les plans de N’Djamena.

En réponse à cette attaque, l’armée tchadienne a lancé l’opération « Colère de Bohoma », à laquelle a pris part le bataillon qui devait être déployé dans le Liptako-Gourma.

Supervisée en personne par le président Idriss Déby-Itno, l’opération « Colère de Bohoma » aurait permis de mettre hors de combat près d’un millier de jihadistes présents dans le secteur du Lac Tchad en quelques jours. Puis, à l’issue de cette dernière, N’Djamena a envoyé des signaux contradictoires sur ses engagements militaires à l’extérieur de ses frontières.

En effet, le 9 avril, estimant que son pays était « seul à supporter tout le poids de la guerre contre Boko Haram », le président Déby a déclaré que, « à compter d’aujourd’hui, aucun soldat tchadien ne participera à une opération militaire en dehors du Tchad ».

Cela étant, M. Déby avait déjà tenu de tels propos par le passé, notamment pour faire pression sur la mission des Nations unies au Mali [MINUSMA] ou bien encore sur les pays de la commission du Lac Tchad [CBLT] engagés dans la lutte contre Boko Haram.

« C’est sa méthode habituelle pour mettre tout le monde sous pression. Déby est très remonté contre les Nigérians, qui ne font rien en relais des Tchadiens sur le lac Tchad, et frustré que les Nigériens soient dans l’impossibilité de combattre en même temps sur leurs fronts est et ouest », a expliqué une source officielle française dans les colonnes du quotidien Le Monde. Et cette dernière de préciser que, lors de l’opération « Colère de Bohoma », l’armée tchadienne avait pu bénéficier de « renseignements aériens » fournis par la France.

Quoi qu’il en soit, quelques jours après la déclaration de M. Déby, le ministère tchadien des Affaires étrangères a précisé que N’Djamena n’avait « pas l’intention de se désengager de la Force Multinationale Mixte [FMM] de la CBLT, ni de la Force Conjointe du G-5 Sahel, moins encore de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali. »

Lors d’une audition par visio-conférence organisée le 17 avril par la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, la ministre française des Armées, Florence Parly, a assuré que le Tchad resterait engagé dans le G5 Sahel et que le déploiement du bataillon tchadien dans le Liptako-Gourma n’était pas remis en question, ce dernier n’ayant été que « temporairement » engagé dans la région du Lac Tchad.

Quoi qu’il en soit, et alors que Barkhane et les forces armées partenaires enchaînent les opérations dans la zone des trois frontières, la France et le G5 Sahel ont mis la pression sur la Tchad. En effet, lors d’une réunion en visio-conférence, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des pays concernés ont insisté sur l’envoi au plus tôt du bataillon tchadien dans le Liptako-Gourma.

Selon la déclaration publiée à l’issue de cette réunion, les ministres ont d’abord « félicité les forces armées tchadiennes pour leurs résultats opérationnels contre Boko Haram, désormais délogé de toutes les îles tchadiennes du Lac-Tchad » et « appelé à un soutien international à la consolidation des résultats de cette opération. » Puis, ils ont « souligné l’importance de l’envoi dès que possible d’un bataillon tchadien dans la zone des trois frontières. »

Enfin, les ministres ont aussi « salué l’engagement de partenaires internationaux au Sahel et ont appelé à un renforcement de leur appui à l’action des forces armées des pays du G5 Sahel, ainsi qu’aux opérations militaires conjointes au Sahel, y compris au sein de la TF Takuba dont le lancement a été annoncé le 27 mars dernier. »

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