Tchad : 44 des 58 jihadistes faits prisonniers par l’armée tchadienne ont été retrouvés morts en prison

Les récits de l’opération « Colère de Bohoma » tels qu’ils furent publiés par N’Djamena suggéraient que les forces armées tchadiennes ne firent pas de quartier durant les combats qu’elles menèrent récemment contre le groupe jihadiste Boko Haram.

Pour rappel, une garnison tchadienne, stationnées sur la presqu’île de Bohoma, dans la région du Lac Tchad, avait été décimée le 23 mars dernier, lors d’une attaque attribuée à l’organisation terroriste nigériane. Ce qui motiva une « contre-attaque » éclair dirigée en personne par Idriss Déby Itno, le président tchadien. Deux semaines plus tard, N’Djamena assurait que ses troupes avaient tué un millier de jihadistes durant l’opération « Colère de Bohoma », sans donner plus de précision sur d’éventuels prisonniers.

Finalement, le mercredi 15 avril, on a appris que 58 jihadistes capturés lors de cette opération venaient d’être remis aux autorités judiciaires tchadiennes.

« Nous allons démarrer les auditions à partir de demain […] de ces 58 éléments de Boko Haram », avait alors déclaré Djimet Arabi, le ministre tchadien de la Justice. Et d’ajouter que ces prisonniers allaient être « jugés par la cour criminelle après leur audition ».

Seulement, 44 d’entre-eux ne seront pas jugés puisqu’ils ont été retrouvés morts dans leur cellule, le 16 avril.

« À la suite des combats dans le lac Tchad, 58 éléments de Boko Haram avaient été faits prisonniers et déférés à N’Djamena pour les besoins de l’enquête. Jeudi matin, leurs geôliers nous ont annoncé que 44 prisonniers avaient été retrouvés morts dans leur cellule », a en effet indiqué Youssouf Tom, le procureur de la République de N’Djamena, le 18 avril. « Nous avons enterré 40 corps et remis 4 corps au médecin légiste pour une autopsie », a-t-il ajouté.

« La conclusion de cette autopsie indique qu’il y a eu consommation d’une substance létale et iatrogène, ayant produit un trouble cardiaque chez les uns et une asphyxie sévère chez les autres », a ensuite expliqué le procureur.

Étymologiquement, « iatrogène » signifie « qui est provoqué par le médecin ». C’est à dire que l’on emploie ce terme pour qualifier un trouble provoqué par un médicament ou un acte médical [même sans erreur du médecin]. Ces prisonniers ont-ils « bu le bouillon de 11 heures »?

L’enquête va se poursuivre « pour déterminer la cause exacte de ce drame », a assuré le procureur tchadien. Mais 40 de ces jihadistes retrouvés morts dans leur cellule ont déjà été enterrés, cela s’annonce compliqué.

Par ailleurs, au Burkina Faso, les forces de sécurités sont accusées par l’ONG Human Right Watch [HRW], ce 20 avril, d’avoir « exécuté » 31 habitants de la ville de Djibo [province de Soum] qu’elles venaient d’interpeller, il y a un peu moins de deux semaines. Les victimes appartenaient toutes à la communauté peule, chez laquelle les groupes jihadistes recrutent régulièrement.

« Selon les habitants, des dizaines de membres des forces de sécurité ont été impliqués dans l’opération du 9 avril, qui a débuté vers 10 heures avec les arrestations, pour s’achever vers 13 h 30, lorsque plusieurs coups de feu ont été entendus. Les victimes ont été interpellées dans plusieurs quartiers ou ‘secteurs’, alors qu’elles étaient en train d’abreuver leur bétail, de marcher ou étaient assises devant leurs domiciles. Ils ont été placés à bord d’un convoi formé d’une dizaine de véhicules militaires, dont des camionnettes, une voiture blindée et des motos », explique HRW.

« Selon les témoins, la plupart des membres des forces de sécurité étaient vêtus d’une tenue militaire et d’un gilet pare-balle. D’autres étaient vêtus de noir ou portaient un mélange de tenues militaire et civile. Beaucoup portaient des casques, certains se couvraient le visage de turbans, et la plupart étaient armés d’armes semi-automatiques Des mitrailleuses lourdes étaient montées sur au moins deux véhicules. Les militaires parlaient le français et le mooré, l’une des principales langues du Burkina Faso. Trois personnes ont déclaré en avoir vu quelques militaires équipés de talkies-walkies », poursuit l’ONG.

Les soupçons de HRW se portent notamment sur le Groupement des Forces antiterroristes [GFAT], basé à Djibo, aux côtés d’unités de la police et de la gendarmerie burkinabè. « D’après les habitants, les individus impliqués dans les tueries du 9 avril seraient rattachés au GFAT, une supposition qui se fonde sur l’ampleur de l’opération, et sur le fait que leur camp est le seul où des véhicules blindés ont été identifiés », avance l’organisation, qui demande à Ouagadougou l’ouverture d’une enquête « impartiale sur ces meurtres » et de « tenir les responsables pour comptables de leurs actes, quel que soit leur rang. »

Photo : Le président Déby lors de l’opération « Colère de Bohoma »

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