Les manoeuvres militaires chinoises près de Taïwan surveillées de près par les forces américaines

La semaine passée, la diplomatie américaine a accusé le gouvernement chinois de chercher à profiter de crise provoquée par l’épidémie de Covid-19 pour accroître sa domination sur la mer de Chine méridionale, dont la quasi totalité est revendiquée par Pékin.

Pour rappel, en 2016, saisie par les Philippines, la Cour permanente d’arbitrage avait estimé que les prétentions chinoises sur cette région, stratégique à plus d’un titre, ne reposaient sur aucun fondement juridique.

Mais il n’est pas impossible que la Chine puisse profiter de la situation pour renforcer la pression sur Taïwan, province qualifiée de « rebelle » par Pékin. Or, ces derniers mois, les autorités chinoises ne cessent de durcir le ton à l’égard de Taipeh, allant jusqu’à évoquer ouvertement un recours à la force.

Outre les actions diplomatiques visant à isoler Taïwan, l’Armée populaire de libération [APL] s’attache à exercer une pression militaire de plus en plus forte. Par exemple, en juillet 2019, un sous-marin nucléaire chinois de type 093G, pouvant emporter des missiles de croisière anti-navire YJ-18 ainsi qu’une version navalisée du missile de croisière longue portée DF-10, avait été repéré entre les archipels taiwanais Matsu et Keelung.

Mais, plus généralement, et alors que l’état-major taïwanais a été décimé lors de l’accident d’un hélicoptère UH-60M Black Hawk, en janvier, cette pression militaire s’exerce par des exercices aéronavals dans le détroit de Formose ou bien encore par l’envoi de bombardiers et d’avions de renseignement, escortés par des chasseurs J-11, près de l’espace aérien de Taïwan.

La fréquence de ces sorties s’est accentuée depuis la réélection, en janvier, de Tsai Ing-wen, la présidente de Taïwan résolument hostile au principe de « Chine unique » [réélection qui fit dire à Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, que les séparatistes taïwanais « une odeur répugnante pendant 10.000 ans »]

Mieux encore. Depuis 1949, un règle tacite entre Taipeh et Pékin interdit aux avions militaires des deux pays de franchir la ligne médiane du détroit de Formose. Hormis un incident en 2011 [décrit comme une « malencontreuse erreur » à l’époque], des appareils chinois s’en sont récemment affranchis, au moins à deux reprises.

Quoi qu’il en soit, le 10 avril, l’APL a de nouveau envoyé des chasseurs J-11, des bombardiers H-6 et des avions radar KJ-500 dans les environs immédiats de Taïwan. Taipeh a indiqué avoir suivi « étroitement » les évolutions des avions chinois. Mais Pékin ne cache même pas le but de telles manoeuvres.

Ces « exercices font partie des préparatifs d’une lutte potentielle contre Taïwan. Ils sont devenus réguliers et routiniers », a commenté Song Zhongping, un expert militaire cité par le quotidien Global Times, qui défend la ligne du Parti communiste chinois. Ils « doivent permettre aux sécessionnistes de Taiwan de savoir que le soutien des forces étrangères est inutile et également faire comprendre aux forces étrangères que l’APL possède la capacité et la détermination nécessaires pour résoudre la question de Taiwan », a-t-il ajouté.

L’un de ces exercices a eu lieu le 16 mars dernier, avec la particularité d’avoir été réalisé de nuit, ce qui est plutôt rare. Le même jour, un patrouilleur taïwanais a été abordé par un navire de pêche chinois, au large de l’île Kinmen.

Sur son site Internet, l’APL a par ailleurs récemment souligné que l’épidémie de Covid-19 « a considérablement réduit la capacité de déploiement des navires de guerre de la marine américaine dans la région Asie-Pacifique ». Effectivement, les quatre porte-avions affectés par l’US Navy à ce théâtre sont actuellement à quai… Pour autant, cela ne vaut pas dire que les forces américaines sont dans l’impossibilité de faire quoi que ce soit.

En effet, le 10 avril, un avion de renseignement RC-135U Combat Sent, de l’US Air Force, a été signalé dans les environs de Taïwan. D’après Focus Taïwan, c’était la sixième fois depuis le 25 mars que l’appareil américain, conçu pour détecter et analyser les signaux électroniques émis par les radars adverses, évoluait dans le secteur.

Chercheur à l’Institut taïwanais de recherche sur la défense nationale et la sécurité, Su Tzu-yun a estimé que les mouvements de ce RC-135U s’expliquaient sans doute par la nécessité de « surveiller les activités inhabituelles de l’Armée populaire de libération dans la région. »

Ce 11 avril, l’US Navy a envoyé le destroyer lance-missiles USS Barry naviguer dans le détroit de Taïwan, dans le cadre d’une mission de type FONOPS [liberté de navigation], ainsi qu’un avion de renseignement électronique EP-3 Aries.

« Nous sommes prêts, quelle que soit la menace », a prévenu le général Mark Milley, le chef d’état-major interarmées américain, dont les forces comptaient alors 1.898 cas de Covid-19 [pour 64 militaires hospitalisés] et dont toutes les bases nucléaires [à l’exception d’une] sont affectées par l’épidémie, selon Hans Kristensen, de la Federation of American Scientists. « J’espère que personne dans le monde ne croit que les capacités de l’armée américaine sont sérieusement affaiblies. Ce n’est pas le cas », a-t-il encore insisté.

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