Assemblée nationale : La présidente de la commission de la Défense évoque une « révision » du budget des Armées

Le coût économique du confinement de la population, mesure qui prend le contre-pied de la stratégie dite « d’immunité collective » [sauf en Suède et aux Pays-Bas, ces derniers ayant mis en place un « confinement intelligent »], va être élevé. S’agissant de la France, les estimations tablent sur une contraction du Produit Intérieur Brut [PIB] de 6% pour le premier trimestre 2020.

Il faut remonter au second trimestre 1968 pour trouver une chute d’un tel niveau. Mais elle avait été suivie d’un net rebond [+8%] par la suite. Qu’en sera-t-il cette année? Tout dépendra de la durée du confinement et des mesures qui auront été prises pour sauver ce qui peut l’être, dans l’attente d’une reprise de l’activité, sachant que les secteurs les plus touchés sont ceux de la construction, de l’industrie, de la restauration ou encore des transports et du commerce. Et les entreprises qui n’ont pas de trésorerie risque de déposer le bilan si rien n’est fait pour les aider à passer ce cap.

Au 7 avril, 6,3 millions de salariés étaient en chômage partiel [soit +2,6 millions en une semaine]. Peut-on espérer un rebond de l’activité comme en 1968? Sans doute… Mais relancer la machine sera compliqué. Les exportations devraient peiner à reprendre [d’autres pays se trouvent dans une situation identique] et les chaînes d’approvisionnement risquent d’être sous tension.

Certes, les ministres de l’֤Économie des 27 pays membres de l’Union européenne [UE] ont trouvé un accord, dans la douleur, sur un plan de soutien économique, avec 500 milliards d’euros disponibles immédiatement et la mise en place d’un « fonds de relance », dont les modalités restent toutefois à définir. En outre, les règles budgétaires, dont celle des 3% de déficit public, ont été assouplies afin de donner plus de marges de manoeuvre.

Dans ces conditions, et alors que les menaces qui planaient avant l’apparition de l’épidémie de Covid-19 n’ont pas disparu, quel sera l’impact de ce marasme économique sur les budgets militaires européens?

« Il faut s’assurer que cette crise sanitaire ne provoque pas une crise de sécurité », avait affirmé Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, le 1er avril dernier. « Nous veillons à prendre des mesures de prévention contre le Covid-19, mais l’Otan continue de fonctionner, car les menaces n’ont pas disparu comme par miracle », avait-il ajouté.

Justement, lors du sommet de Newport, en septembre 2014, les Alliés s’étaient mis d’accord pour porter leurs dépenses militaires à 2% du PIB. Mais, mécaniquement, si le PIB baisse et que le montant d’un budget reste le même, alors cet objectif sera atteint plus facilement, sans pour autant qu’il y ait une amélioration des capacités militaires.

Cela étant, la situation économique des pays européens – voire des États-Unis et du Canada – risque fort de remettre en cause cet objectif. Présidente de la commission de la Défense à l’Assemblée nationale, Françoise Dumas a récemment confié à Objectif Gard quelle était « en lien avec les groupements d’industriels et la ministre des Armées, Florence Parly ». Et d’ajouter : « Nous sommes en train de revoir le budget de la défense puisqu’il est lié au pourcentage au PIB. »

Or, ce n’est pas tout à fait exact : certes, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 fait de ces 2% du PIB un objectif à atteindre. Mais en aucun cas les dépenses militaires n’y sont exprimées en pourcentage de PIB, même si, lors des débats parlementaires, des amendements avaient été déposés à cette fin, estimant que le PIB allait continuer de croître durant les cinq prochaines années.

Ainsi, l’un d’eux, défendu au Sénat par le groupe socialiste et républicain, estimait que, puisque le président Macron avait défini les objectifs budgétaires de la Défense en « utilisant comme indicateur le Produit Intérieur Brut », il aurait plus « cohérent » entre « la présente Loi de Programmation Militaire et l’objectif du Président de la République » et « plus judicieux » d’utiliser « le même indicateur pour les deux ». Ce qui aurait que, en 2020, le budget des Armées aurait dû représenter 1,7% du PIB. On imagine aisément les conséquences sur les capacités militaires françaises si cette approche avait été retenue…

« Les représentants du ministère des armées ont souligné à juste titre que l’objectif des 2 % ne saurait constituer une norme comptable. […] Il convient toutefois de préciser que les montants de la LPM sont inscrits en euros courants et qu’une évolution de la croissance et de l’inflation plus dynamique que lors des programmations précédentes […] aura évidemment une répercussion sur le PIB nominal à partir duquel sera évaluée la réalisation de l’objectif », avait expliqué le député Olivier Gaillard, dans un rapport pour avis sur la LPM 2019-25.

Seulement, la question du niveau du budget des armées se posera pour les années 2024 et 2025, la trajectoire financière de la LPM ayant été tracée jusqu’en 2023.

« Les crédits budgétaires pour 2024 et 2025 seront précisés à la suite d’arbitrages complémentaires dans le cadre des actualisations prévues à l’article 7, prenant en compte la situation macroéconomique à la date de l’actualisation ainsi que l’objectif de porter l’effort national de défense à 2 % du produit intérieur brut en 2025 », est-il précisé dans la LPM.

En effet, selon cet article 7, les crédits de la mission Défense feront l’objet d’une discussion à la fin de l’année 2021, dans le cadre d’une « actualisation » devant avoir « notamment pour objet de consolider la trajectoire financière et l’évolution des effectifs jusqu’en 2025. »

Quoi qu’il en soit, déjà que les armées sont au « bout de leurs capacités » [dixit leur chef d’état-major, le général François Lecointre], une baisse de leur budget aurait évidemment des conséquences fâcheuses pour certains programmes de premier ordre [et on pense au programme Scorpion pour l’armée de Terre, au Rafale F4, au SCAF,  au projet de nouveau porte-avions ou encore à la modernisation de la dissuasion nucléaire] ainsi que sur les industriels de l’armement. Avec, pour ces derniers, des difficultés supplémentaires à l’exportation.

Photo : État-major des Armées

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