Covid-19 : Le « pacha » du porte-avions USS Theodore Roosevelt a été relevé de son commandement

Le 31 mars, estimant qu’il n’était pas en mesure de contenir l’épidémie de Covid-19 déclarée à bord du porte-avions USS Theodore Roosevelt, dont il reçut le commandement en novembre dernier, le capitaine de vaisseau Brett Crozier avait envoyé un message à sa hiérarchie pour lui demander de l’aide afin de pouvoir débarquer son équipage à Guam.

En effet, en raison de la promiscuité à bord du porte-avions, mis en oeuvre par plus de 4.000 marins, il est impossible d’appliquer les mesures de distanciation sociales et les « gestes barrières » recommandés pour éviter la propagation du virus.

« Retirer la majorité de l’équipage d’un porte-avions nucléaire américain en cours de déploiement et les isoler pendant deux semaines peut paraître une mesure extraordinaire. Mais c’est un risque nécessaire », avait plaidé le le capitaine de vaisseau Crozier. « Garder plus de 4.000 jeunes hommes et femmes à bord est un risque inutile et brise la confiance des marins qui nous sont confiés », avait-il ajouté.

Et d’insister : « Nous ne sommes pas en guerre. Les marins n’ont pas à mourir. Si nous n’agissons pas maintenant, alors nous ne parviendrons pas à prendre correctement soin de notre atout le plus fiable – nos marins. »

Rendu public par le quotidien San Francisco Chronicle, ce message a fait quelques vagues. Et si elle a fini par décider de débarquer à Guam les trois quarts de l’équipage servant à bord de l’USS Theodore Roosevelt afin d’isoler les marins testés positifs au Covid-19 tout en hébergeant les autres dans des hôtels de l’île, l’US Navy a sanctionné le capitaine de vaisseau Crozier en le relevant de son commandement. Le secrétaire à la Marine, Thomas Modly, s’en est ensuite expliqué.

« Nous ne sommes peut-être pas en guerre dans le sens traditionnel du mot, mais nous ne sommes pas non plus complètement en paix », a d’abord fait observer M. Modly. « Et nous demandons à nos commandants de faire preuve de jugement, de maturité, de leadership et de calme sous la pression », a-t-il continué, avant d’estimer que, justement, le capitaine de vaisseau Crozier en avait manqué.

Il a « preuve d’un très mauvais jugement en période de crise » et il a « laissé la complexité du défi posé par l’épidémie de Covid à bord prendre le dessus sur son professionnalisme, au moment où le plus urgent était d’agir avec professionnalisme », a fait valoir M. Modly.

Toutefois, le secrétaire à la Navy ne « doute absolument pas que le capitaine de vaisseau Crozier ait fait ce qu’il croyait nécessaire pour le bien-être de son équipage. » Mais, a-t-il ajouté, l’écho du message qu’il a envoyé « a alarmé inutilement les familles de nos marins » et « semé le doute sur les capacités et la sécurité opérationnelles du navire, ce qui aurait pu encourager nos adversaires à en profiter. »

Aussi, « c’est pour ces raisons que j’ai perdu confiance dans sa capacité à continuer à commander ce navire de guerre alors qu’il combat ce virus pour remettre l’équipage sur pied », a affirmé M. Modly. « Le capitaine de vaisseau Crozier est un homme honorable qui, malgré ce manque de jugement inhabituel, s’est consacré tout au long d’une vie de service incroyable à notre nation, et il devrait être fier de ça », a-t-il dit.

En outre, il a également été reproché au « pacha » de l’USS Theodore Roosevelt d’avoir envoyé son message à sa hiérarchie en le mettant en copie à l’intention d’une trentaine d’autres destinataires. Ce qui n’a pu que favoriser les « fuites » vers la presse, et en particulier vers le San Francisco Chronicle. « C’était inapproprié », a commenté M. Modly. Selon lui, le capitaine de vaisseau Crozier aurait pu directement d’adresser à lui pour évoquer les problèmes auxquels il était confronté. « La publication de la lettre a suscité une panique inutile sur le navire », a-t-il insisté.

Enfin, le secrétaire à la Navy a eu mot pour les marins du porte-avions. « Personne ne se soucie plus que moi de leur sécurité et de leur bien-être », a-t-il assuré. Et d’ajouter : « Je suis entièrement convaincu que votre commandant vous aime et qu’il vous a mis au centre de son cœur et de chaque décision qu’il a prise » et « je sais aussi que vous avez une grande affection pour lui également, mais il est de ma responsabilité de faire en sorte que son amour et son intérêt pour vous soient égalés, sinon dépassés, par un jugement sobre et professionnel. »

Quoi qu’il en soit, la sanction infligée au capitaine de vaisseau Crozier, qui sera remplacé par son prédécesseur à la barre de l’USS Theodore Roosevelt, le vice-amiral Carlos Sardiello, suscite quelques remous sur le plan politique.

Ainsi, à la Chambre des représentants, des élus du Parti démocrate siégeant au comité des Forces armées ont publié une déclaration commune dans laquelle ils estiment que la décision de M. Modly est « excessive » et qu’elle aura probablement un « effet dissuasif » pour les commandants de navires tentés de signaler des problèmes.

« Alors que le capitaine de vaisseau Crozier est clairement sorti de la chaîne de commandement, la sanction dont il fait l’objet à ce moment critique est une décision déstabilisatrice qui mettre probablement nos militaire en danger et compromettra l’état de préparation de notre flotte », ont-ils écrit. « Jeter le commandant par-dessus bord sans enquête approfondie ne résoudra pas la crise croissante à bord du USS Theodore Roosevelt », ont-ils estimé.

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