L’épidémie de Covid-19 aura des « conséquences importantes » sur les budgets militaires des membres de l’Otan

Avec l’affirmation de plus en plus prononcée de politiques de puissance, le recours à la menace dite de la force, la remise en cause du droit international et une menace terroriste élevée, les pays membres de l’Otan ont augmenté significativement leurs dépenses militaires afin de les porter leur niveau à 2% du PIB d’ici 2024. Du moins dans leur grande majorité, certains rechignant à faire un tel effort, comme l’Allemagne [ce qui lui vaut d’ailleurs d’être régulièrement admonestée par le président américain, Donald Trump].

D’après les chiffres publiés en décembre dernier par l’Otan, 9 pays membres ont atteint, sinon dépassé, cet objectif des 2% du PIB. Mais, en 2019, les États européens et le Canada ont augmenté leurs dépenses militaires de 4,6% en termes réels. Et le secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg, s’était félicité d’une « cinquième année consécutive de croissance ». Au total, selon lui, ces pays devraient avoir investi 130 milliards de dollars plus par rapport aux données de 2016.

Il faut dire que certains partaient de très bas, surtout après les coupes budgétaires drastiques dans les dépenses militaire, décidées après le cataclysme financier de 2008 et la crise de la dette dans la zone euro. Or, avec l’épidémie de Covid-19 dont l’Europe est désormais devenue l’épicentre, cette progression des dépenses militaires au sein de l’Otan risque de connaître un brusque coup d’arrêt… alors même que les menaces qui la justifiaient n’auront pas disparu. En effet, avec des économies à l’arrêt, des projections plus alarmistes les unes que les autres, les déficits vont se creuser étant donné que les recettes fiscales peineront à rentrer et que les dépenses pour parer à l’urgence et soutenir les acteurs économoques seront importantes.

Ainsi, en France, le Premier ministre, Édouard Philippe, a estimé que l’épidémie provoquera un « coup d’arrêt puissant, massif, brutal à notre économie. » Et d’ajouter : « Nous savons quel impact et quelles conséquences dangereuses peuvent être associés à ce coup de frein massif ». Aussi, a-t-il estimé, « nous allons tous devoir, collectivement, faire un effort considérable pour permettre à notre pays de repartir. »

Ministre de l’Économie, Bruno Le Maire n’a pas dit autre chose, parlant d’un « choc violent, massif, mondial ». Toutefois, a-t-il admis, il est encore compliqué de faire des prévisions dans des « circonstances économiques aussi instables. » Et « cela suppose de mesurer à sa juste valeur le choc économique auquel notre économie et les économies de la zone euro sont confrontées et ensuite de faire des choix politiques clairs », a-t-il prévenu.

Ce qui vaut pour la France vaut aussi pour les autres pays européens. À commencer par ceux qui, actuellement, sont les plus touchés par cette épidémie de Covid-19. D’où l’inquiétude de M. Stoltenberg.

« La pandémie va avoir des conséquences économiques très importantes à court terme sur les budgets, mais j’attends des Alliés qu’ils restent engagés dans leurs investissements pour leur défense », a en effet déclaré le secrétaire général de l’Otan, lors d’une conférence de presse donnée en vidéo-conférence, à l’occasion de la présentation de son rapport annuel.

« Pour l’Otan, il faut trouver un équilibre entre la protection des personnes et s’assurer que l’Alliance fonctionne en ces temps critiques », a encore affirmé M. Stoltenberg, pour qui, évidemment, l’essentiel est de pouvoir assurer la poursuite des opérations malgré le Covid-19.

« Nos forces sont prêtes et nos activités se poursuivent, notamment pour ce qui concerne les groupements tactiques multinationaux présents dans l’est du territoire de l’Alliance, la mission Otan de police du ciel, les déploiements maritimes et les missions en Afghanistan et au Kosovo », a fait valoir l’ex-Premier ministre norvégien, qui a tenu à rappeler que l’organisation s’attachait « depuis de nombreuses années » à accroître la « résilience » de ses membres, y compris dans le secteur de la santé.

« Nous allons continuer de nous consulter, de suivre l’évolution de la situation et de prendre toutes les mesures nécessaires », a encore assuré M. Stoltenberg.

En attendant, les exercices planifiés par l’Otan pour les prochaines semaines sont impactés par l’épidémie. Le plus important d’entre-eux, Defender Europe 2020, qui devait mobiliser près de 40.000 militaires [dont 20.000 venus directement des États-Unis], va devoir réduire la voilure, certaines manoeuvres, comme Saber Strike, ayant d’ores et déjà été annulées.

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