Les États-Unis ont éliminé un chef jihadiste somalien, soupçonné d’être impliqué dans une attaque au Kenya

Le 5 janvier dernier, une base militaire située à Lamu [Baie de Manda, au sud-est du Kenya] et abritant des forces américaines, a été attaquée par les Shebab, les milices jihadistes somaliennes liées à al-Qaïda. Un militaire et deux sous-traitants américains y ont laissé la vie et plusieurs avions ont été endommagés, voire détruits.

L’attaque contre cette base au Kenya a soulevé des questions sur son degré de planification et les capacités opérationnelles des Shebab. En outre, le fait qu’elle ait eu lieu deux jours après une frappe américaine contre le général iranien Qassem Soleimani a relancé les spéculations sur de possibles liens entre les jihadistes somaliens et Téhéran.

Cependant, le commandement militaire américain pour l’Afrique [US AFRICOM] a réfuté une telle hypothèse, même s’il a indiqué avoir observé que « d’autres pays, dont l’Iran, cherchent à accroître leur influence dans la Corne de l’Afrique. Mais pour Rashid Abdi, analyste au REF [Research and Evidence Facility, financé par l’Union européenne, ndlr], « s’il est vrai que les Shebab ne sont pas des alliés naturels de l’Iran chiite, cette attaque pourrait avoir été une oppurtinuté pour signaler à Téhéran qu’ils sont ouverts à des alliances tactiques ».

Quoi qu’il en soit, un chef des Shebab soupçonné par Washington de participer à la planification des opérations de l’organisation jihadistea au Kenya, a été tué par une frappe aérienne effectuée le 22 février dernier, dans les environs de Saakow, localité située à environ 320 kilomètres à l’ouest de Mogadiscio. Sa femme, connue pour jouer un « rôle actif » a également été visée.

L’identité de ce haut responsable de la milice jihadiste n’avait été pas été précisée par l’US AFRICOM lors de l’annonce de ce raid. C’est désormais chose faire. En effet, le 8 mars, l’AFP a indiqué qu’il s’agissait de Bashir Mohamed Mahamoud [alias Bashir Qorgab], dont la tête avait été mise à prix par le programme américain « Reward for Justice » pour cinq millions de dollars.

« Bashir Mohamed Mahamoud était un dirigeant opérationnel de premier ordre […]. Il a été un membre important des shebab pendant plus d’une décennie », a expliqué le colonel Christopher Karns, le porte-parole de l’US AFRICOM. « Cet individu a joué un rôle dans la planification et la direction d’opérations terroristes en Somalie et dans la région de la frontière kényane, y compris un rôle présumé dans l’attaque de la baie de Manda », a-t-il ajouté. En outre, depuis 2008, il faisait partie des 10 membres formant le conseil dirigeant des Shebab.

En Somalie, les forces américaines ont régulièrement visé les principaux cadres des Shebab, dont leur chef, Ahmed Abdi Godane, tué par une frappe aérienne en septembre 2014. Pour autant, l’organisation jihadiste a toujours su faire preuve de « résilience ». Dans l’un de ses rapports sur la Somalie, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’était interrogé sur l’efficacité d’une telle stratégie, observant que les terroristes somaliens conservaient toujours « leur force et leurs capacités opérationnelles ».

Alors chef de l’US AFRICOM, le général Thomas Waldhauser avait estimé, en février 2019, que, pour être pleinement efficaces, ces frappes aériennes devaient s’accompagner d’actions terrestres. « L’armée nationale somalienne doit se développer, doit intensifier ses efforts et assumer la responsabilité » de la sécurité de son pays, avait-il estimé lors d’une audition parlementaire.

Pour autant, en 2019, les forces américaines ont effectué 63 raids aériens en Somalie. Et depuis de le début de cette année, plus de 20 autres frappes ont été réalisées, la dernière ayant eu lieu le 7 mars, contre un camp des Shebab dans les environs de Gandarshe. Quatre jihadistes ont été tués. « Ces frappes aériennes continuent de dégrader les capacités des Shebab et soutiennent les efforts internationaux visant à renforcer la sécurité et la stabilité dans la région », a fait valoir l’US AFRICOM.

Récemment interrogé sur la fréquence de ces frappes aériennes en Somalie, le chef du Pentagone, Mark Esper a expliqué qu’il s’agissait de « tondre la pelouse ». Ce qui « veut dire que de temps en temps, il faut faire ce genre de choses pour garder un certain contrôle et éviter que ça ne ressurgisse », a-t-il ajouté.

Selon un récent rapport de l’Inspecteur général du département américain à la Défense sur les opérations menées en Somalie, l’objectif de l’US AFRICOM est officiellement de dégrader suffisamment les capacités des Shebab afin de les mettre à la portée des forces somaliennes et pour qu’ils « ne puissent plus nuire aux intérêts des États-Unis ». Or, a-t-il relevé, « malgré des frappes américaines continues et l’assistance américaine aux forces africaines partenaires, les shebab apparaissent comme une menace croissante qui aspire à frapper le sol américain. »

Aussi, à l’heure où il passe en revue les déploiements militaires américans dans le monde, et notamment en Afrique, le Pentagone semble donc faire la lutte contre les Shebab [voire aussi contre la branche somalienne de l’État islamique] une priorité. « Les Shebab sont l’une des menaces les plus sérieuses du continent. Ils aspirent à attaquer notre pays. Le danger qu’ils représentent doit être pris très très au sérieux. C’est pourquoi nous nous focalisons sur eux », a fait valoir, en février, le général Roger Cloutier, le commandant des forces terrestres américaines en Afrique.

Mais, surtout, zone de contact avec la péninsule arabique et carrefour de trafics en tous genres, la Corne de l’Afrique est une région hautement stratégique, soumise à diverses influences. D’où la priorité que lui accorde Washington. Ce qui s’est traduit, le 15 février, par le survol de la ville somalienne de Kismayo par un bombardier stratégique B-52.

En effet, ce survol n’était pas nécessairement un message destiné « aux groupes extrémistes armés de [fusils] AK-47 » mais un signal adressé « aux puissances mondiales [comprendre : la Chine et la Russie] qui s’attachent à développer leur influence » en Afrique, selon des responsables de l’US Air Force interrogés par Air Force Mag.

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