Afghanistan : Quatre jours après l’accord de Doha, les forces américaines ont effectué une frappe aérienne « défensive »

Pour signer l’accord avec le mouvement taleb afghan qu’ils négociaient depuis plus d’un an et demi, les États-Unis imposèrent une condition, à savoir une trève dans les combats en Afghanistan à compter du 22 février. Ce qui fut globalement respecté.

Aussi, le 29 février, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, s’est rendu à Doha pour assister à la signature de ce texte par Zalmay Khalilzad, l’envoyé  spécial de Washington pour la réconciliation en Afghanistan, et le mollah Abdul Ghani Baradar, l’émissaire taleb sorti des géôles pakistanaises pour négocier avec les États-Unis. Les deux hommes se sont ensuite serré la main, sous les applaudissement et les « Allah Akbar » des taliban présents.

À noter qu’aucun représentant du gouvernement afghan n’était présent. Ce qui a donné lieu à des critiques formulées par Téhéran. « La République islamique d’Iran estime qu’un accord de paix durable en Afghanistan ne pourra être atteint que par le dialogue interafghan avec la participation de [tous les] groupes politiques, y compris les talibans, et en tenant compte des considérations des pays voisins », a en effet valoir le ministère iranien des Affaires étrangères.

Concrètement, cet accord prévoit, dans un premier temps, de faire passer les effectifs militaires américains présents en Afghanistan de 13.000 à 8.500 soldats d’ici 135 jours. Puis, le retrait de toutes les troupes, y compris celles de l’Otan de la mission Resolute Support, devra être effectif à l’issue des « des 14 mois suivant la signature » du texte.

De leur côté, le mouvement taleb a pris l’engagement d’empêcher les organisations terroristes présentes dans les territoires qu’ils contrôlent de s’en prendre aux États-Unis et à leurs alliés [sachant qu’al-Qaïda, selon les rapports de l’ONU, continue d’entretenir des liens étroits avec les taliban, ndlr] et d’entamer des négociations avec le gouvernement de Kaboul, d’ici le 10 mars prochain, probablement à Oslo.

Le 2 mars, le chef du Pentagone, Mark Esper, a fait savoir qu’il avait donné l’ordre au commandement américain en Afghanistan de se préparer à se désengager du pays. « Il y a environ 13.000 soldats américains en Afghanistan. Les États-Unis réduiront leur force à 8.600 au cours des prochains mois, puis évalueront la situation et les progrès du processus de paix », a-t-il expliqué, après avoir indiqué que Washington avait accepté d’amorcer le processus de leur désengagement dans les 10 jours suivant la signature de l’accord de Doha.

Cela étant, une semaine avant cette dernière, le numéro deux des taliban, Sirajuddin Haqqani, dont la tête a été mise à prix pour 10 millions de dollars par les autorités américaines pour ses activités terroristes, publia une tribune dans le New York Times afin d’étaler les bonnes intentions de son mouvement… Mais, visiblement, il y avait une part d’esbrouffe.

En effet, alors que M. Esper précisait les plans américains, les taliban ont annoncé mettre un terme à la trêve partielle instaurée la semaine précédente et donc reprendre leur offensive… mais seulement contre les forces de sécurité afghanes.

La trève « a pris fin et nos opérations vont revenir à la normale », a en effet expliqué Zabihullah Mujahid, le porte-parole des taliban. « Conformément à l’accord [avec les États-Unis], nos moudjahidines n’attaqueront pas les forces étrangères, mais nos opérations continueront contre les forces du gouvernement de Kaboul », a-t-il ajouté. Ce qui est de mauvais augure pour le dialogue inter-afghan.

Le problème est que, à Doha, les négociateurs américains ont évoqué la libération de 5.000 prisonniers taliban en échange de celle de 1.000 membres des forces afghanes retenus en captivité par le mouvement taleb. Ce qui est apparu comme étant inacceptable aux yeux du président afghan, Ashraf Ghani,

Or, cet échange de prisonniers est un « prérequis pour les discussions inter-afghanes », a fait valoir Zabihullah Mujahid. D’où la rutpure de la trêve que Kaboul aurait pourtant voulu prolonger.

Au cours des dernières 24 heures, le mouvement taleb a donc lancé par moins de plusieurs dizaines d’attaques dans 16 des 34 provinces afghanes, celle du Helmand, son fief traditionnel, ayant été la plus touchée. Et, selon Kaboul, au moins 20 soldats et policiers afghans y ont laissé la vie.

À peine quatre jours après la signature de l’accord de Doha, les forces américaines ont dû intervenir en soutien à une unité de l’Armée nationale afghane [ANA], alors sous le feu des taliban.

« Les États-Unis ont conduit une frappe aérienne [avec un drone, ndlr] à Nahr-e Saraj, dans le Helmand, contre des combattants talibans qui attaquaient activement les forces de sécurité afghanes. C’était une frappe défensive, la première depuis 11 jours », a en effet affirmé le colonel Sonny Leggett, porte-parole des forces américaines en Afghanistan. « Nous sommes engagés pour la paix, mais nous avons la responsabilité de défendre nos partenaires afghans », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, le colonel Leggett a rappelé que, à Doha, les chefs taliban « avaient promis à la communauté internationale qu’ils réduiraient la violence et non qu’ils augmenteraient les attaques. » Cependant, d’après le site spécialisé américain « Long War Journal« , l’accord signé à Doha « ne stipule pas que les taliban doivent arrêter les attaques contre les forces afghanes. »

Quoi qu’il en soit, et ironie du sort, cette frappe américaine contre les taliban a été effectuée quelques heures après un échange téléphonique entre le président Trump et le mollah Baradar. Et le chef de la Maison Blanche a déduit de cette conversation, qu’il a qualifié de « bonne » que le mouvement taleb « veut mettre fin à la violence ».

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