L’État-major des armées réfute les accusations portées contre la Légion étrangère par l’ambassadeur du Mali en France

Le 26 février, invité à s’exprimer par la commission sénatoriale des Affaires étrangère et des Forces armées dans le cadre d’un cycle d’auditions dédiées à l’opération Barkhane, l’ambassadeur du Mali en France, Toumani Djimé Diallo, a commencé son intervention en demandant une minute de silence pour rendre hommage à la mémoire des militaires français morts au combat dans son pays. Puis, il a enchaîné sur le sentiment anti-français que peuvent ressentir certains de ses compatriotes, en s’en faisant en quelque sorte l’avocat.

Ainsi, avant, toutefois, de rappeler les propos du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, pour qui « tous ceux qui, au Mali, appellent au départ des forces étrangères, et notamment françaises, sont des ennemis du Mali et les complices des jihadistes », le diplomate s’en est vivement pris à la Légion étrangère, ou du moins au comportement de certains légionnaire.

« Je n’ai pas l’habitude de la langue de bois. Je vais vous parler franchement. Dans les forces [françaises], il y a les officiers, il y a l’armée normale mais il y a aussi la Légion étrangère. Et c’est là le problème. Je vous dis, en vous regardant droit dans les yeux, qu par moment, dans les ‘Pigalle’ de Bamako, vous les y retrouvez, tatoués sur tout le corps, en train de rendre une image qui n’est pas celle que nous connaissons de l’armée nationale du Mali. Alors, ça fait peur, ça intrigue et ça pose des questionnements », a lancé M. Diallo, qui, à l’issue de l’audition, tiendra à souligner que le Mali « doit tout à la France » pour avoir conduit l’opération Serval en 2013.

« Le président Macron avait promis 200 militaires français de plus à Pau. C’est maintenant 600 parmi lesquels on a fait appel au 3e régiment nîmois de la Légion étrangère [sic]. Alors, c’est bien parce qu’ils sont âpres à la bataille, au combat mais ils sont aussi âpres au gain. Ce n’est pas le type de soldat […] qui, si on les encadre pas, donneraient une belle image de l’armée », a continué l’ambassadeur malien, en invitant son collègue tchadien « à dire certains choses sur la Légion étrangère, qui a fait la bataille, avec des résultats clairs, mais [avec] parallèlement des débordements qui, lorsque la population les réalise, posent problème ». Et d’insister encore une fois sur « le comportement de certains éléments […] tatoués de partout qui font n’importe quoi dans les rues de Bamako et d’ailleurs le soir ».

Pour rappel, il n’y a pas de « 3e régiment » de la Légion étrangère à Nîmes, ville qui accueille le « 2e Régiment Étranger d’Infanterie » [REI], le 3e REI étant présent en Guyane. En outre, les renforts évoqués par M. Macron lors du sommet de Pau ont été fournis par le 2e Régiment Étranger de Parachutistes [REP], dont les groupes commandos étaient alors déployés en Côte d’Ivoire.

Quoi qu’il en soit, les propos du diplomate malien ont fait immédiatement réagir Jean-Marc Todeschini, sénateur [PS] de Moselle et ancien secrétaire d’État chargé des Anciens combattants et de la Mémoire [2014-2017]. Le parlementaire a surtout critiqué la façon dont M. Diallo a évoqué ces « débordements » présumés. « Vous avez stigmatisé l’armée française au travers de comportements certainement vrais de certains soldats […] Vous n’ignorez pas que, au sein du ministère de la Défense, tout cela est surveillé de près, que […] en bon diplomate que vous êtes, ces sujets doivent remonter aux états-majors et remontent dans les discussions politiques que nous avons de cabinet à cabinet », a-t-il dit.

Par ailleurs, « ce n’est pas l’image que nous pouvons avoir de la Légion étrangère en France. Les légionnaires vivent des conditions difficiles, y compris sur la formation et la discipline. Et je pense que s’il y a des brebis gâleuses, il faut bien sûr les dénoncer mais ne pas stigmatiser la totalité », a conclu M. Todeschini.

Le souci, dans les propos de M. Diallo, est que les légionnaires de Barkhane ne sont pas censés se trouver à Bamako, qui abrite seulement la « Représentation militaire Barkhane au Mali » [RMBM]. À noter que la capitale malienne accueille également les états-majors de la mission européenne EUTM Mali, de la Force conjointe du G5 Sahel et la Mission multidemensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali [MINUSMA].

En outre, les réseaux sociaux, sur lesquels les groupes hostiles à la présence des troupes étrangères au Mali sont pourtant actifs, n’ont pas massivement relayé de photographies et autres documents dénonçant des comportements inappopriés de militaires français dans les rues de Bamako.

Cela étant, l’État-major des armées [EMA] a fait une mise au point après les propos tenus par l’ambassadeur malien. « Les légionnaires n’ont jamais été stationnés à Bamako, ils n’ont pas vocation à y aller et n’ont ni quartier libre ni temps de repos hors des bases opérationnelles » de Barkhane, situées dans le nord du pays », a fait valoir son porte-parole, le colonel Frédéric Barbry, auprès de l’AFP.

Le président de la commission des Affaires étrangères et des Forces armées, Christian Cambon, a dit « prendre note » des propos de M. Diallo. « Mais mais nous souhaitons réaffirmer notre solidarité envers nos forces armées » et « s’il y a des manquements, il y a des autorités militaires qui sont tout à fait adaptées pour corriger ces choses », a-t-il estimé.

Le cabinet de la ministre des Armées, Florence Parly, a également vivement réagi aux accusations du diplomate malien, via une déclaration envoyée à l’AFP.

« Plutôt que de véhiculer et de propager de fausses accusations, nous attendons de l’ambassadeur du Mali qu’il mobilise toute son action pour la mise en oeuvre des décisions du sommet de Pau et la réussite de tous », a-t-il affirmé, en rappelant qu’il « n’y a « quasiment plus de soldats français stationnés à Bamako » depuis août 2014.

« Cette mise en cause est non seulement fausse mais inacceptable. Inacceptable et indécente quand la France s’est résolument engagée pour combattre les groupes terroristes qui menacent les populations du Sahel », a poursivi le cabinet de Mme Parly. Et de rappeler que « chaque jour, les militaires français risquent leur vie pour protéger les autres. »

Actuellement, et outre les GCP du 2e REP, le 2e REI de Nîmes, le 1er Régiment Étranger de Cavalerie [REC] de Carpiagne et le 1er Régiment Étranger de Genie sont déployés au Mali, au titre de l’opération Barkhane.

Photo : Légion étrangère

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