Pour garder ses capacités en matière de ravitaillement en vol, l’US Air Force devra « prendre des risques »

Le 10 février, l’exécutif américain a dévoilé son projet de budget fédéral pour le prochain exercice fiscal. S’agissant des dépenses militaires, il est ainsi question d’une hausse très limitée de +0,3%, ce qui porterait leur montant total à 740,5 milliards de dollars.

Selon le directeur du budget à la Maison Blanche, Russell Vought, l’enveloppe dédiée à la modernisation de l’arsenal nucléaire devrait bénéficier d’une augmentation substantielle de +20%. Il n’y a rien de surprenant à cela étant donné que la volonté de Washington est de se recentrer sur la « compétition » avec des puissances comme la Chine et la Russie, conformément à la stratégie de défense nationale publiée en janvier 2018, et qu’un tel mouvement a été amorcé depuis plusieurs années.

Cette priorité donnée à la rivalité avec la Chine et la Russie se traduit également au niveau du secrétariat à l’Air Force. Comme pour cette année, ce dernier a demandé un budget de 207,2 milliards de dollars. Cela étant, il aura cette fois à financer la nouvelle « US Space Force », à hauteur de 15 milliards de dollars, soit deux milliards de plus par rapport aux estimations faites en septembre 2018. Une ligne de crédit de 38 milliards de dollars est prévue pour financer les projet « spéciaux » et de nature « confidentielle ».

Quant à l’US Air Force, elle pourrait obtenir un budget de 154,62 milliards de dollars. De quoi lui permettre d’acquérir 60 nouveaux avions de combat, dont 48 F-35A et 12 F-15EX. Or, il avait été avancé qu’il lui faudrait en acquérir 72 par an pour mettre un terme au vieillissement de son aviation de combat. En outre, la livraison de 15 nouveaux ravitailleurs KC-46A Pegasus devrait être provisionnée, alors que cet appareil n’a pas encore été déclaré totalement opérationnel pour pouvoir être engagé au combat…

Or, dans le même temps, et afin d’économiser plus de 4 milliards de dollars dans le cadre du « Future years defense program » [FYDP], un plan à horizon de cinq ans, pour les réinvestir dans le développement de capacités nouvelles, l’US Air Force a l’intention de retirer de son inventaire une centaine d’avions d’ancienne génération.

Ainsi, ce sera le cas pour 17 bombardiers B-1 Lancer [qui n’en peuvent plus à force d’être sollicités], 44 avions d’attaque A-10 Warthog [soit il en restera 237 à l’arrivée, cet appareil devant rester en service jusqu’en 2030], 24 C-130H [qui seront remplacés par 19 C-130J], 24 drones RQ-4 Global Hawk BACN [Battlefield Airborne Communications Node], auxquels succéderont cinq avions E-11A supplémentaires.

En matière de ravitaillement en vol, 13 KC-135 « Stratotanker » et 16 KC-10 « Extender » seront retirés de l’inventaire. Or, justement, c’est là que le bât blesse…

En effet, fin janvier, le général Stephen Lyons, le commandant de l’US Transportation Command [US TRANSCOM], dont la mission est d’assurer la projection de forces terrestres, maritimes et aériennes américaines, avait estimé qu’il faudrait très probablement retarder le calendrier de retrait des KC-135 et des KC-10 afin d’éviter des tensions capacitaires dans le domaine du ravitaillement en vol. Et cela en raison des retards concernant le KC-46A, produit par Boeing.

En effet, en septembre 2019, l’Air Mobility Command [AMC] avait indiqué qu’il faudrait au moins 3 ou 4 ans avant de pouvoir engager le KC-46A en opération, étant donné que d’importants problèmes restaient encore à régler, dont celui concernant le logiciel du « Remote Vision System » [RVS], qui permet de contrôler avec une extrême précision la manoeuvre de ravitaillement en vol.

Le premier KC-46A a été livré à l’US Air Force en janvier 2019. Soit avec plus d’un an de retard. Seulement, les livraisons ont ensuite été suspendues en raison de problèmes de qualité, des corps étrangers ayant été détectés dans certains compartiments des appareils reçus. En outre, neuf paramètres critiques que Boeing doit régler au plus vite ont été identifiés.

Cela étant, le général Lyons s’était dit ouvert à l’idée de recourir à des opérateurs privés pour remédier à ces retards. D’ailleurs, Airbus et Lockheed-Martin avaient sans doute vu le coup venir en annonçant, en 2018, leur association pour proposer au Pentagone « des services » reposant sur l’A330 MRTT [appelé KC-45 outre-Atlantique] afin de « remédier aux déficits capacitaires identifiés et de satisfaire aux exigences des ravitailleurs de nouvelle génération, capables d’opérer dans les environnements complexes des futurs théâtres d’opérations. »

Mais, selon le site spécialisté Military.com, le général John Pletcher, un responsable de la planification budgétaire, a défendu le retrait des KC-135 et des KC-10 et estimé que l’US Air Force « devait prendre des risques ».

« Pour essayer de nous assurer que nous avons les capacités dont nous avons besoin à l’avenir, nous allons devoir prendre des risques », en effet affirmé le général Pletcher. « Nous ne pouvons pas continuer à financer tout ce que nous faisons aujourd’hui sans avoir à faire des choix difficiles », a-t-il ajouté. On verra ce qu’en dira le Congrès lors des débats budgétaires…

Reste que ces tensions sur le ravitaillement en vol pourraient avoir des conséquences pour l’opération française Barkhane, l’appui américain dans ce domaine étant primordial pour permettre aux Mirage 2000D d’évoluer dans une zone aussi étendue que l’Europe.

Sur ce point, et alors que le Pentagone revoit actuellement ses déploiements outre-mer, le général Stephen Townsend, le chef de l’US AFRICOM [commandement pour l’Afrique, ndlr] a récemment suggéré que la France pourrait se tourner vers ses partenaires européens pour les missions de ravitaillement en vol et de transport aérien.

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