Libye : La Russie refuse le terme « mercenaires » dans un projet de résolution de l’ONU

Depuis le 3 février, deux délégations constituées chacune de cinq officiers, l’une pour le gouvernement d’union nationale [GNA] dirigé par el-Sarraj, l’autre pour son rival de Tobrouk, soutenu par le Parlement élu en juin 2014, ont entamé des pourparlers à Genève en vue de trouver un accord pour un cessez-le-feu.

Visiblement, il y a eu une volonté des deux camps à atteindre cet objectif, selon Ghassan Salamé, l’émissaire des Nations unies pour la Libye. « Les deux parties sont venues à Genève et nous avons commencé hier à discuter avec elles de la longue liste de points à notre ordre du jour, en commençant par la tentative de transformer […] cette trêve en un véritable accord sur un cessez-le-feu durable. Le principe a été adopté au cours de la première session et la question est de savoir quelles en sont les conditions », a-t-il en effet indiqué, le 4 février.

Pour rappel, en avril 2019, l’ANL a lancé une offensive en direction de Tripoli, la capitale libyenne, défendue par des milices pro-GNA. Depuis, la situation s’est enlisée et le conflit fait l’objet d’ingérences étrangères.

Ainsi, le GNA est soutenu par le Qatar et la Turquie [avec laquelle il a signé un accord de coopération militaire un mémorandum sur les frontières maritimes, permettant à Ankara d’étendre son plateau continentale et d’appuyer ses revendications en Méditerranée orientale, avec les réserves de gaz naturel chypiotes dans le collimateur, ndlr]. Quant à l’ANL, elle bénéficie du soutien des Émirats arabes unis, de la Jordanie, de l’Arabie Saoudite, de l’Égypte… et de la Russie qui, même si elle s’en défend, a envoyé des « mercenaires » de la société militaire privée [SMP] Wagner en Libye.

Cependant, le 19 janvier, lors d’une conférence internationale organisée à Berlin, les principaux pays impliqués de près comme de loin dans le conflit libyen ont appelé « toutes les parties concernées à redoubler d’efforts pour une suspension durable des hostilités, la désescalade et un cessez-le-feu permanent » tout en s’engageant à « refréner toute activité exacerbant le conflit, y compris le financement de capacités armées et le recrutement de mercenaires.. »

Seulement, selon la Mission des Nations unies en Libye [MANUL], ces belles paroles n’ont guère été suivie d’effet par la suite, les livraisons d’armes au profit des deux camps s’étant poursuivies après la conférence de Berlin. Le 29 janvier, le président Macron a même dénoncé la duplicité de son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, en affirmant que des navires turcs venaient d’acheminer des « mercenaires syriens » [soldés par Ankara] en Turquie. Effectivement, deux frégates de la marine turque avaient été repérées au large de Tripoli.

Quoi qu’il en soit, au Conseil de sécurité des Nations unies, un projet de résolution [le premier depuis l’offensive de l’ANL vers Tripoli, ndlr], préparé par le Royaume-Uni, fait actuellement l’objet d’âpres discussions. Ce texte vise à « endosser » les conclusions de la conférence de Berlin. En clair, il s’agit d’obtenir un cessez-le-feu permanent et l’application de l’embargo sur les armes à destination de la Libye. Et le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, doit présenter des « propositions » pour s’assurer du respect de ces mesures, un possible recours à des « organisations régionales » [Union européenne et/ou Union africaine, en l’occurrence] n’était pas écarté.

Cela fait maintenant plus de deux semaines que ce projet de résolution est sur la table. Et il le restera encore pendant, au mieux, quelques jours. En effet, le 5 février, la Russie a fait interrompre la procédure d’approbation de ce texte car, a expliqué Nebenzia, le représentant russe auprès de l’ONU, « quelques paragraphes posent problème. » Et d’ajouter : « Nous avons décidé de poursuivre les discussions avec les autres partenaires du Conseil. »

Selon l’AFP, qui a eu accès aux copies des amendements au projet de résolution demandés par la partie russe, Moscou souhaiterait remplacer le terme « mercenaires » par l’expression « combattants terroristes étrangers », dans un paragraphe soulignant « la préoccupation » du Conseil face à leur « implication croissante en Libye. »

D’après une source diplomatique citée par l’agence de presse française, les États-Unis auraient voulu faire une référence explicite à la présence des « mercenaires russes du groupe Wagner » dans la résolution. Mais, finalement, ils ont réduit leur exigence au seul mot « mercenaires ».

Fondé par un ancien officier du GRU [renseignement militaire russe] qui avait « Wagner » pour sobriquet, le groupe Wagner serait financé par Evgueni Prigojine, un homme d’affaires proche du Kremlin. En Libye, ses « employés » se tiennent « à l’écart des lignes de front, opérant plutôt comme des tireurs d’élite à distance, des pilotes de drones ou comme des entraîneurs pour les soldats » du maréchal Haftar, a récemment expliqué Lorenzo Cremonesi, correspondant du journal italien Corriere, à Euronews.

Selon le quotidien « Le Monde » [édition du 26 janvier], la SMP Wagner aurait « joué un rôle non négligeable dans le succés des offensives automnales du maréchal Haftar et sa marche vers Tripoli ». Et d’ajouter qu’une « trentaine de Russes auraient été tués dans les combats durant l’année 2019 ». En outre, l’Arabie Saoudite financerait le déploiement de ces mercenaires, a-t-il avancé, relayant « certaines sources ».

Cela étant, un récent rapport des Nations unies a également mis en avant la présence de mercenaires originaires d’autres pays, comme le Tchad et le Soudan.

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