Idleb : La Turquie dit mener des frappes contre les forces syriennes en réponse à la mort de 4 de ses soldats

Dans le cadre des accords d’Astana, signés en septembre 2017 avec la Russie et l’Iran, la Turquie avait obtenu de faire de la province syrienne d’Idleb, qui échappait alors au contrôle de Damas, une zone de « désescalade ». Et il y installa des « postes d’observation » à la périphérie.

Seulement, au fil des succès militaires remportés par les force syriennes avec l’appui de la Russie, cette province d’Idleb devint le « plus grand dépotoir de combattants terroristes étrangers au monde », selon un rapport des Nations unies [citant un État membre].

Pour autant, il n’était toujours pas question pour Ankara de permettre à Damas de lancer dans cette région, en grande partie
contrôlée par les jihadistes du groupe Hayat Tahrir Al-Cham [HTS]. Pour la Turquie, il s’agissait d’éviter un afflux de réfugiés sur son territoire et de préserver les groupes rebelles syriennes qu’elle soutenait [et qu’elle soutient toujours].

Durant l’été 2018, un nouvel accord conclu à Sotchi avec la Russie avait permis d’éloigner la perspective d’une offensive en direction de la province d’Idleb. Mais, finalement, cette entente ne fut pas suivie d’effet, les forces syriennes et russes étant passées à l’action au printemps 2019, jusqu’à faire « sauter » le verrou de Khan Cheikhoun, en août. Ce qui donna lieu à de vives tensions avec les troupes turques.

« Le régime [syrien] ne devrait pas jouer avec le feu. Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour garantir la sécurité de nos soldats et de nos postes d’observation », avait alors prévenu Mevlut Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, après des frappes contre un convoi envoyé dans la province d’Idleb par la Turquie pour ravitailler l’un de ses avant-postes.

Depuis, les forces gouvernementales syriennes, toujours appuyées par l’aviation russe, progressent lentement et sont désormais aux portes de la ville de Saraqeb, après avoir repris le contrôle de la localité de Maarat Al-Nouman, le 29 janvier.

Dans le même temps, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a de nouveau donné de la voix au sujet des opérations en cours dans la province d’Idleb. D’abord, il s’en est pris à la Russie, qu’il a accusée de ne pas respecter les accords d’Astana et de Sotchi.

« Si la Russie continue à respecter les accords de Sotchi et d’Astana, nous ferons de même. À l’heure actuelle, la Russie ne les respecte pas », a en outre déclaré M. Erdogan.

Puis, le 31 janvier, ce dernier a évoqué l’éventualité d’une opération turque dans la province d’Idleb. « Nous voulons sincèrement la stabilité en Syrie et nous n’hésiterons pas à faire tout ce qu’il faut, y compris utiliser la force militaire », a-t-il en effet prévenu. « Notre pays, qui accueille actuellement 3,6 millions de Syriens, ne tolérera pas une nouvelle vague de migrations », a-t-il justifié.

C’est donc dans ce contexte que quatre soldats turcs ont été tués par des tirs d’artillerie attribués aux forces gouvernementales syriennes dans la région d’Idleb.

« Quatre de nos frères d’armes sont tombés en martyrs et neuf ont été blessés, dont un grièvement, par des tirs d’artillerie nourris des forces du régime [syrien] », a indiqué le ministère turc de la Défense, via un communiqué publié ce 3 février. Et d’ajouter que l’armée turque avait riposté et « détruit plusieurs cibles ».

« Nos avions F-16 et nos pièces d’artillerie sont en ce moment en train de bombarder des cibles définies par nos services de renseignement », a affirmé, plus tard, le président Erdogan, lors d’une conférence de presse.

« Je veux m’adresser en particulier aux autorités russes : notre interlocuteur, ce n’est pas vous, c’est le régime [syrien]. N’essayez pas de nous entraver », a poursuivi M. Erdogan. « Nous ne pouvons pas rester silencieux alors que nos soldats tombent en martyrs. Nous allons continuer de demander des comptes », a-t-il ajouté, alors qu’il venait d’indiquer que 30 à 35 soldats syriens avaient été tués lors de la riposte turque.

Cependant, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH], qui dispose d’un réseaux d’informateurs en Syrie, a nuancé le bilan avancé par M. Erdogan, en affirmant que la riposte turque avait fait au moins 13 tués et 20 blessés parmi les forces syriennes.

Quant au ministère russe de la Défense, il a tout simplement démenti l’existence de frappes turques contre les forces gouvernementales syriennes.

« Les avions des forces aériennes de la Turquie n’ont pas violé la frontière syrienne, les frappes contre les positions des forces syriennes n’ont pas été signalées », a en effet assuré le Centre russe pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie. Et de rappeler que l’espace aérien de la province d’Idleb est « surveillé en permanence par les Forces aérospatiales russes. »

Quant aux soldats turcs tués, la même source a expliqué qu’ils avaient été la cible des troupes syriennes alors que ces dernières visaient des rebelles à l’ouest de Saraqeb. « Les forces turques ont changé de lieu durant la nuit dans la province d’Idleb sans en informer la partie russe », a-t-elle indiqué.

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