La protection des unités de mêlée de l’armée de Terre contre les menaces aériennes fait débat

Initialement, l’armée de Terre devait compter six « sections » dotées du système SAMP/T [Sol-Air Moyenne Portée / Terrestre encore appelé Mamba, pour Moyen de défense Anti-Missile Balistique et Aérobie] afin d’être en mesure d’assurer la « défense aérienne élargie des forces terrestres projetées ».

Puis, les plans changèrent, au gré des contraintes budgétaires, avec une réduction à 10 du nombre de SAMP/T devant être mis en service. Et il fut décidé que seule l’armée de l’Air disposerait de cette capacité. Une décision que l’Italie, partenaire de ce programme, se garda de prendre.

Pour rappel, le SAMP/T est en mesure de détruire les aéronefs [avions, hélicoptères, drones] ainsi que les missiles de croisière et les missiles balistiques « rustiques » présentant une menace.

Quoi qu’il en soit, et après la décision de retirer du service les missiles ROLAND, les capacités de l’armée de Terre en matière de défense aérienne reposent désormais exclusivement sur le missile sol-air à très courte portée MISTRAL [missile transportable anti-aérien léger]. Ce dernier est mis en oeuvre notamment par le 54e Régiment d’Artillerie [RA], dont la mission est d’assurer la défense anti-aérienne basse et très basse altitude des unités engagées en opération [mais aussi par le 35e RAP, le 68e RAA et le 11e RAMa, etc…, ndlr].

Cela étant, le contexte sécuritaire et les menaces ont évolué depuis l’époque où ces décisions furent prises, la supériorité aérienne dont bénéficiaient les forces occidentales n’étant plus garantie actuellement. Ce qui fait que, outre-Atlantique, l’US Army redécouvre en quatrième vitesse l’utilité de disposer de moyens de défense sol-air, en dotant à nouveaux ses unités de missiles FIM-92 Stinger.

Et en France? La question fait débat, à en croire l’échange qu’a eu le député Jean-Louis Thiériot avec le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], lors de l’audition de ce dernier par la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, en octobre dernier [le compte-rendu n’a été publié que cette semaine, ndlr].

« Certains officiers [de cavalerie] estiment que si la protection sol-air est aujourd’hui relativement bien assurée, notamment par nos missiles Mistral, en revanche, en matière de protection sol-air à moyenne portée, la disparition des missiles de types Roland ou Crotale et le transfert de la mission à l’armée de l’Air ne garantissent pas la protection de nos forces de mêlée en cas de conflits de haute intensité », a rapporté M. Thiériot.  »

« Les officiers de l’armée de Terre avec lesquels j’ai échangé m’ont indiqué que les moyens dont dispose l’armée de l’Air sont sans doute suffisants pour protéger les bases mais qu’ils ne permettraient pas nécessairement de protéger des forces de mêlée », a ajouté le député, après avoir demandé au CEMA s’il n’y avait pas un « trou dans la raquette. »

« Le choix a été fait il y a quinze ans d’abandonner la capacité de défense sol-air d’accompagnement qui était assurée par les Roland, système de missiles à moyenne portés sur caisse blindée chenillée qui pouvaient accompagner dans la bataille, en particulier, le corps blindé mécanisé. En remplacement, nous avons essayé de développer la capacité d’accompagnement du système de défense sol-air à très courte portée Mistral, ce qu’il fait moins bien, puisqu’il ne peut se déplacer au rythme des blindés ni sur les mêmes terrains », a commencé par rappeler le général Lecointre qui, par ailleurs, et lors d’une autre audition parlementaire, a dit s’interroger sur la « nécessité de reconstruire une armée de guerre », un engagement de haute intensité n’étant pas exclu à l’avenir.

« Les moyens dont nous disposons aujourd’hui en courte ou en moyenne portée, Crotale et SAMP/T [qui relèvent exclusivement de l’armée de l’Air, ndlr], permettent de défendre les bases aériennes et les bases à vocation nucléaire dans le cadre du contrat opérationnel en matière de dissuasion, mais ils ne permettraient pas d’accompagner au combat une manœuvre mobile offensive d’un dispositif terrestre », a ensuite admis le CEMA.

Cependant, ce dernier estime que les interrogations des officiers rencontrés par le député Thiérot n’ont plus lieu d’être. « Ils pensent Roland, défense sol-air courte portée d’accompagnement, des schémas que j’apprenais à l’école de guerre? Tout cela est fini et la situation évolue très vite. Je comprends leur réflexion, elle est saine, mais ils doivent la resituer dans un cadre plus global de nouveaux entrants, de nouveaux mobiles dans la troisième dimension et de nouveaux moyens de menaces sur nos propres forces », a fait valoir le général Lecointre.

Car, selon lui, le « phénomène drone change la donne », sauf, peut-être [ou alors dans une moindre mesure] les blindés. « Ce que nous savons de l’attaque contre le site Aramco en Arabie Saoudite montre que des drones assemblés à partir de moyens récupérés dans divers endroits du monde peuvent menacer très sérieusement des dispositifs tactiques ou mobiles. Nous y réfléchissons. La question aujourd’hui est de déterminer la vraie menace dans la troisième dimension », a expliqué le CEMA, en faisant référence aux frappes ayant visé deux installations pétrolières saoudiennes en septembre 2019.

« La question aujourd’hui est de déterminer la vraie menace dans la troisième dimension. Alors que j’étais raisonnablement couvert en très courte portée, moyenne portée et courte portée par une adaptation des procédés de la très courte portée, comment vais-je prendre en compte dans les années qui viennent la menace qui apparaît de plus en plus forte? Je pense aux technologies ‘nivelantes’ qui se retrouveront très prochainement sur les théâtres où nous sommes déployés, en particulier en Afrique. Nous lançons une réflexion sur ce thème », a conclu le général Lecointre.

Actuellement, la lutte anti-drone relève essentiellement de l’armée de l’Air, grâce aux systèmes BOREADES acquis dans le cadre du programme MILAD [Moyens Mobiles de Lutte Anti-Drones].

Cependant, le 2 décembre dernier, la Section technique de l’armée de Terre [STAT] a évalué les systèmes anti-drones SkyWall100 et SkyWall Auto [fournis par OpenWorks Engineering et intégrés au système BOREADES de CS Group].

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