La marine américaine envisage de réduire le nombre de ses porte-avions

Si l’on s’en tient au Fleet Response Plan, entré en vigueur en 2003, la marine américaine devrait être en mesure de déployer, à tout moment, au moins 6 groupes aéronavals sur les 12 qu’elle comptait à l’époque. Or, depuis, et avec le retrait de l’USS Enterprise, qui n’a pas encore été compensé par la mise en service de l’USS Gerald Ford, qui inaugure une nouvelle classe de navires, elle ne dispose plus que de 10 porte-avions, soit le seuil minimal imposé par une loi fédérale.

En mars 2017, le président Trump fit part de son intention de porter à nouveau à 12 le nombre de porte-avions en service au sein de l’US Navy.

« Je viens de parler avec des responsables de la marine et de l’industrie, pour discuter de mes plans d’entreprendre une expansion majeure de notre flotte militaire, comprenant le 12e porte-avions dont nous avons besoin », avait en effet affirmé le chef de la Maison Blanche.

Et, selon les plans actuels, il est question que l’US Navy puisse disposer d’une flotte de 355 navires, dont 12 porte-avions, d’ici 2065. Seulement, le Pentagone serait réticent à cette idée…

En mai 2019, ce dernier avait été obligé de reculer devant la bronca qu’avait déclenchée, au Congrès, son intention de retirer du service l’USS Harry S. Truman alors qu’il restait une bonne vingtaine d’années de potentiel. Et cela afin d’économiser une trentaine de milliards de dollars sur les 25/30 ans à venir pour financer une douzaine de destroyers Arleigh Burke et de nouveaux sous-marins nucléaires d’attaques [SNA]. Voire de financer la mise au point de capacités nouvelles, comme les navires autonomes.

Cela étant, le Pentagone n’en était pas à son coup d’essai. En 2014, il avait tenté d’en faire de même avec l’USS George Washington, lequel devait passer au bassin pour sa refonte à mi-vie. Le Congrès s’y était fermement opposé et l’administration Obama fut contrainte de reculer alors que se profilaient les élections de mi-mandat.

Mais visiblement, l’US Navy n’entend pas baisser la garde sur ce point. C’est, du moins, ce que l’on comprend des propos tenus récemment par Thomas Modly, le secrétaire [par intérim] à la Marine.

Ce dernier a en effet indiqué, le 29 janvier, lors d’une intervention devant le Center for Strategic and Budgetary Assessments, qu’il allait prochainement présenter une « évaluation de la structure des forces, qui déterminera le nombre et les types de navire dont la marine [américaine] a besoin ». Et il a expliqué que « les responsables devraient se montrer plus réalistes quant à ce qui sera réalisable au cours de la prochaine décennie, au lieu de planifier une future marine » qui sera opérationnelle « quand nous serons tous morts ».

En outre, a-t-il continué « nous devons être dans de nombreux endroits à la fois, et nous devons compliquer les calculs de nos adversaires dans la région [Pacifique] ». Aussi, a-t-il ajouté, il « y a certaines plateformes dans lesquelles nous devons investir et que nous n’avons pas actuellement. Nous devons aller de l’avant, à la fois du côté de la recherche et du développement, et peut-être aussi augmenter la taille de la base industrielle pour produire ces choses. »

Quant au nombre de porte-avions, M. Modly a dit penser qu’il sera « inférieur à 12 ». En outre, il a mis en avant le coût important de ces navires [13 milliards de dollars pour un bâtiment de la classe Ford, ndlr], lesquels constituent, selon lui, des « cibles attrayantes ».

« Bien sûr, nous développons toutes sortes de choses pour les rendre moins vulnérables, mais ils constituent toujours de grandes cibles », a fait valoir le secréraire à la Navy par intérim.

La question de la vulnérabilité des porte-avions avait été soulevée par le sénateur Angus King, lors d’une audition de l’amiral Michael Gilday, alors nommé à la tête de l’US Navy. Et pour illustrer son propos, il avait évoqué la menace des armes hypersoniques.

« Chaque porte-avions que nous possédons peut disparaître lors d’une attaque coordonnée. Et en quelques minutes. Mourmansk [en Russie] n’est qu’à 12 minutes de la mer de Norvège à 6.000 km/h », avait expliqué le parlementaire.

En France, le chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Christophe Prazuck, a récemment relativisé la menace des missiles hypersoniques contre les porte-avions. « Pour atteindre un groupe aéronaval, le missile est le dernier maillon de ce qu’on appelle une ‘kill chain’ : avant de tirer le missile, il faut d’abord localiser un groupe aéronaval en haute mer. […] Il faut ensuite identifier avec certitude le porte-avions parmi ses escorteurs, voire au milieu d’un trafic commercial dense, car aujourd’hui les réalités de la mondialisation ont gommé toute ségrégation entre trafic commercial et zone de crise », a-t-il dit, lors d’une audition parlementaire.

En outre, comme le souligne l’IFRI dans l’édition édition 2020 de son rapport Ramses, il « reste techniquement difficile de prendre pour cible des navires modernes à des centaines de kilomètres de distance, d’autant qu’un porte-avions n’est jamais déployé sans une escorte compensant ses faiblesses relatives, et pouvant répondre aux capacités adverses susceptibles de l’attaquer. »

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