Deux frégates turques croisent au large de Tripoli

Lors d’une conférence internationale organisée à Berlin le 19 janvier dernier, les pays impliqués dans le conflit libyen appelèrent le gouvernement d’union nationale [GNA] et son rival de Tobrouk, soutenu par l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, à « redoubler d’efforts » pour arriver à « cessez-le-feu permanent ». Et de prendre l’engagement de « réfréner toute activité exacerbant le conflit, y compris le financement de capacités armées et le recrutement de mercenaires. »

Soutien du GNA, avec lequel elle a signé un protocole d’accord sur les frontières maritimes lui permettant d’appuyer ses revendications concernant l’exploitation du gaz naturel en Méditerranée orientale aux dépens de la République de Chypre, la Turquie faisait partie des pays ayant pris un tel engagement. Et son président, Recep Tayyip Erdogan, assura encore, quelques jours plus tard, qu’il « n’y avait pas de solution militaire » en Libye.

Cependant, le cessez-le-feu entre les deux camps rivaux ne risque pas d’entrer en vigueur de sitôt. Le 26 janvier, l’ANL a en effet lancé une offensive en direction de Misrata, le fief des milices pro-GNA, avec probablement l’idée de contraindre ces dernières à dégarnir leurs positions à Tripoli, qui est l’objectif final du maréchal Haftar.

Quant aux promesses faites à Berlin n’auront été que du vent, les livraisons d’équipements militaires aux belligérants s’étant poursuivies par la suite, selon la Mission des Nations unies en Libye [MANUL]. Et cela, en violation de l’embargo sur les armes voté par le Conseil de sécurité en 2011 [résolution 1970].

Et visiblement, la Turquie n’est pas en reste. D’autant plus que, conformément à un accord passé avec le GNA, son Parlement a autorisé, début janvier, le président Erdogan à envoyer des troupes en Libye, afin d’empêcher la prise de Tripoli par l’ANL. Et des « mercenaires », issus de groupes rebelles syriens soutenus par Ankara, sont déjà sur place.

Le 29 janvier, le président Macron a dénoncé l’attitude de la Turquie dans cette affaire. « Nous voyons ces derniers jours des navires turcs accompagner des mercenaires syriens arrivant sur le sol libyen, c’est en contravention explicite et gravissime avec ce que le président Erdogan s’était engagé à faire lors de la conférence de Berlin, c’est le non-respect de la parole donnée », a-t-il dit, aux côtés de Kyriakos Mitsotakis, le Premier ministre grec.

« Le principal responsable des problèmes en Libye depuis le début de la crise en 2011 c’est la France », a rétorqué, plus tard, Hami Aksoy, le porte-parole de la diplomatie turque.

S’agissant des navires turcs évoqués par M. Macron, il s’agit, a priori, de deux frégates appartenant à la classe Gabya [ou classe G], c’est à dire d’anciens navires de l’US Navy [classe Oliver Hazard Perry] cédés à la Turquie au tournant des années 2000.

Des images, non authentifiées, montrant ces deux frégates croiser au large de Tripoli, ont été publiées pour la première fois sur les réseaux sociaux le 28 janvier. Des médias locaux ont indiqué qu’elles ont accompagné un autre navire transportant des blindés et des « troupes turques » [probablement les « mercenaires » dont a parlé le président français].

Modernisées à partir de 2007, les frégates de la classe Gabya sont dotées du système de combat GENESIS [Gemi Entegre Savaş İdare Sistemi]. Leurs capacités sont avant tout tournées vers la défense aérienne, avec un radar SMART-S Mk2 3D et des missiles de défense aérienne RIM-162 Evolved Sea Sparrow [ESSM] de facture américaine. On peut penser que leur présence vise à dissuader l’aviation du maréchal Haftar de lancer des raids sur Tripoli.

Le nom de ces deux navires turcs n’a pas été encore précisé. Cela étant, on sait que les TCG Göksu et TCG Gökova ont récemment participé à l’opération Sea Guardian [de l’Otan] en Méditerranée, après un exercice mené au large de l’Algérie. Par ailleurs, le TCG Gediz était récemment signalé dans la même région, à l’occasion d’un « passex » avec le porte-avions américain USS Harry S. Truman et d’une patrouille avec la frégate allemande Mecklenburg-Vorpommern. Enfin, le TCG Gökova, selon l’état-major turc, a effectué un entraînement avec le porte-hélicoptères amphibie [PHA] Dixmude, qui était en escale à Casablanca le 18 janvier.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]