Berlin écarte ThyssenKrupp Marine Systems et retient le néerlandais Damen pour construire 4 frégates MKS 180

Quand un pays dispose d’une industrie navale militaire de premier plan, il évite de la saborder en commandant des navires à la concurrence. Or, c’est ce que vient de faire l’Allemagne pour ses futures frégates MKS 180, en choisissant un consortium européen emmené par le néerlandais Damen, aux dépens de ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS], le fournisseur historique de la Deutsche Marine.

En effet, le 14 janvier, le ministère allemand de la Défense a annoncé qu’il attribuerait un contrat de plus de 5 milliards d’euros à ce consortium européen dont Damen est la figure de proue, à l’issue d’un appel d’offres européens lancé en 2015 par Ursula von der Leyen, l’actuelle présidente de la Commission européenne.

À l’époque, le lancement d’une telle procédure avait été vu comme un avertissement adressé à TKMS, après les déboires des frégates de type F125, la première de la série ayant été renvoyée à son constructeur en raison d’importants problèmes de conception, et des corvettes K130 [classe Braunschweig], abonnées aux retards et aux soucis techniques.

Mais l’avertissement s’est donc mué en camouflet pour TKMS, qui s’était allié à German Naval Yards et Atlas Elektronik pour cet appel d’offres. Cette défaite « à domicile » risque en effet de le fragiliser dans la mesure où il aura probablement plus de difficultés à vendre ses navires à l’étranger et à faire tourner ses bureaux d’études [et donc à maintenir des savoir-faire clés].

En outre, le choix de Berlin ne manquera pas de faire réagir le monde politique, en particulier les élus du nord de l’Allemagne, région où sont implantés les grands chantiers navals du pays. Et cela risque de poser éventuellement un problème : le Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] aura à se prononcer sur ce contrat.

Membre du conseil d’administration de TKMS, Oliver Buckhard s’est laissé à dire tout le mal qu’il pensait du choix de Damen. Via Twitter, il a fait valoir que la décision du ministère allemand de la Défense pourrait entraîner la suppression de 1.000 emplois.

« ThyssenKrupp a repris les chantiers navals en 2004 à la demande du gouvernement fédéral. C’est maintenant aux politiques de nous dire comment ils envisagent leur avenir », a-t-il ajouté. « Nous sommes toujours convaincus de la qualité de notre offre faite avec German Naval Yards. Une attribution complète du marché à l’Allemagne garantirait des emplois dans ce pays et constituerait une politique industrielle active. Malheureusement ce n’est pas le cas », a-t-il plaidé.

Cela étant, l’attribution du marché des frégates MKS 180 au consortium emmené par Damen concerne un industriel allemand : le chantier Blohm & Voss en fait partie, comme d’ailleurs Thales Nederland.

« Les navires seront construits au chantier naval Blohm + Voss à Hambourg et dans d’autres chantiers navals du groupe Lürssen [implantés à Brême] », précise Damen, dans son communiqué publié pour se féliciter du choix de Berlin. L’industriel néerlandais assure qu’il entend investir environ 80% du montant du contrat en Allemagne. Et il en ira de « même pour les systèmes électroniques fournis par Thales Nederland ». Enfin, précise-t-il, « environ 70% des services seront fournis par la filiale allemande de Thales et par d’autres sous-traitants allemands. »

Les frégates Mehrzweckkampfchiff 180 [MKS 180] seront des navires de combat polyvalents d’environ 10.000 tonnes, dotés de capacités anti-aérienne, anti-surface et anti-sous-marine.

Reste à maintenant à voir ce que feront les Pays-Bas pour leur programme visant à remplacer leurs sous-marins de type Walrus. Appelé WRES [Walrus Replacement Programme], ce marché de 2,5 milliards d’euros est convoité par Damen [allié avec le suédois Kockums], Naval Group, associé avec le chantier naval néerlandais Royal IHC ainsi qu’avec un réseau de PME et de centres de recherche, et TKMS… qui pourrait bénéficier d’un retour d’ascenseur.

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