Un rapport des Nations unies décrit une situation de plus en plus « complexe » et « préoccupante » au Mali

Au cours des trois derniers mois de l’année 2019, le Mali a été le théâtre de 269 attaques, au cours desquelles 200 civils ont été tués, 96 blessés et 90 enlevés. Et la région la plus touchée est celle Mopti [centre] étant donné qu’elle a concentré 85% des violences commises à l’égard des populations civiles.

Durant les même période, les Forces armées maliennes [FAMa] ont perdu 193 soldats, notamment dans lors d’attaques lancées par les groupes jihadistes à Boulikessi et à Mondoro [région de Mopti, le 30 septembre] ainsi qu’à Indelimaine [1er novembre] et à Tabankort [18 novembre], deux localités situées dans la région de Ménaka.

La Mission mulitidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali [MINUSMA] a été visée à 68 reprises, notamment les régions de Mopti [46 fois], de Kidal [9], de Ménaka [5], de Tombouctou [4] et de Gao [4].

Deux Casques bleus y ont laissé la vie, ce qui porte à 128 le nombre de soldats de la MINUSMA tués lors d’attaques jihadistes depuis 2013. « À ce jour, 29 auteurs présumés ont été identifiés et 14 personnes détenues pour ces crimes », précise le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans le dernier rapport sur la situation malienne qu’il a remis au Conseil de sécurité [.pdf].

Deux régions inquiétent plus particulièrement M. Guterres. Ainsi, la situation dans le centre du Mali, et comme le montre bilan des attaques constatées durant le dernier trimestre de 2019, demeure « extrêmement complexe et très proccupante », souligne-t-il.

« Les violences intercommunautaires continuent de faire de nombreuses victimes et sont mises à profit par des groupes extrémistes, les cercles de Bandiagara, Bankass et Koro étant les plus touchés », décrit le secrétaire général de l’ONU.

Ces derniers mois, les Dogons ont été visés par une « recrudescence » des violences, ce qui a alimenté un cycle de représailles contre les populations peules. « Le degré de
violence n’est cependant pas comparable aux massacres à grande échelle qui avaient été commis au début de 2019, en partie grâce à la négociation d’une série d’accords locaux de cessez-le-feu, appuyés par la MINUSMA », relève cependant M. Guterres.

« Les groupes terroristes prolifèrent et affirment leur présence dans plusieurs régions du centre. Paradoxalement, les zones touchées ont signalé que les [….] affrontements intercommunautaires avaient diminué d’intensité, les populations infiltrées étant homogènes pour la plupart », lit-on dans le rapport.

Cependant, « en l’absence d’autorité de l’État et du fait de la prolifération des groupes terroristes, les milices d’autodéfense restent actives et refusent de se dissoudre ou de déposer les armes car elles estiment être les seules à pouvoir assurer la sécurité de leurs populations », explique M. Guterres. Pire : ces milices, qu’elles soient peules ou dogons, renforcent leurs effectifs et « consolident leur action », ce qui « laisse entrevoir de nouveaux affrontements », prévient-il.

Quant à la situation dans le nord du Mali, elle s’est dégradée et a a gagné en complexité », tandis que « s’intensifiaient les activités terroristes dans la région de Ménaka et le cercle d’Ansongo [région de Gao] et que la Coordination des mouvements de l’Azawad [CMA] raffermissait son contrôle et assurait la sécurité dans les zones de Tombouctou et Kidal, sur fond de diminution de la présence de l’État et de fracturation de la Plateforme », affirme le secrétaire général de l’ONU.

Pour rappel, la CMA est un alliance de groupes rebelles touareg, dont le Mouvement national pour la libération de l’Azawad [MNLA] et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad [HCUA], ce dernier entretenant des liens troubles avec la mouvance jihadiste, en particulier avec le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM].

Et pour cause : les combattants du HCUA sont, en grande partie, des transfuges d’Ansar Dine, la formation jihadiste Iyad Ag Ghali, devenu justement le chef du GSIM.

Quant à la Plateforme, elle réunit des groupes armés touareg pro-Bamako, comme le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés [GATIA] et le Mouvement pour le salut de l’Azawad. Or, ces dernières semaines, des signes que cette organisation est traversée par quelques tensions.

Par ailleurs, selon M. Guterres, le nord du Mali n’est pas à l’abri d’une intensification des affrontements intercommunautaires, en particulier entre les populations arabes et touareg. Ce qui, prévient-il, conjugé « à l’expansion des groupes extrémistes, devraient être la principale source de violence dans les mois à venir. »

En outre, poursuit-il la « volonté de contrôler les principaux itinéraires du trafic amène certains à prendre les armes », alors que les « facteurs de conflit économique restent difficiles à traiter, les groupes dissimulant leurs motivations en tenant des discours idéalistes, politiques ou religieux. »

Le plus surprenant, sans doute, est que, selon le rapport, la région de Gao, où sont poutant déployées la MINUSMA et la force Barkhane, fait l’objet d’une « infiltration constante de groupes terroristes armés a été constatée, à tel point que certains interlocuteurs ont comparé la situation à celle de 2012. »

Enfin, s’agissant de la région Tombouctou, le rapport note que « l’état général de la sécurité reste stable, en partie grâce à la coopération entre la Coordination des mouvements de l’Azawad et les forces de défense et de sécurité nationales. » Cependant, il précise que des « groupes terroristes [y] restent actifs et continuent de recruter de force », en particulier dans des secteurs tels que Bambara-Maoudé. Et, note-t-il, « dans la zone située au sud du fleuve Niger, l’État islamique du Grand Sahara a étendu son influence dans tout le cercle du Gourma-Rharous et, dans le sud, jusqu’à la frontière du Burkina Faso. »

« La nouvelle dégradation de l’état de la sécurité au Mali et dans l’ensemble de la région du Sahel est alarmante. Les groupes terroristes gagnent du terrain, tandis que les attaques contre les forces de sécurité nationales et internationales se poursuivent sans relâche », estime M. Guterres.

« Les forces de sécurité nationales et internationales jouent un rôle crucial au Mali et leur participation reste essentielle, même si une
solution militaire ne suffira pas à elle seule à résoudre les problèmes auxquels se heurte le pays », poursuit le secrétaire général de l’ONU.

Or, continue-t-il, « pour faire face à la crise complexe, il faut une réponse multidimensionnelle et une direction forte et unifiée. » Aussi, il exhorte « tous les acteurs à dépasser leurs divergences, à travailler ensemble et à trouver des solutions pour accélérer l’exécution de l’Accord [de paix d’Alger] » car « cela reste le moyen le plus pragmatique de s’attaquer aux causes sous-jacentes de l’instabilité et de l’intensification des activités
terroristes. »

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