La France envisage de maintenir sa présence militaire en Irak dans le cadre d’une mission de l’Otan

Suite au vote, par les seuls députés chiites, d’une résolution exigeant le départ des « forces étrangères » d’Irak, le Premier ministre [démissionnaire] irakien, Adel Abdel Mahdi a réclamé auprès de Washington l’envoi d’une délégation afin d’organiser le retrait des troupes américaines actuellement déployées dans son pays.

Cette résolution, non contraignante, a été adoptée à main levée le 5 janvier, soit deux jours après une frappe américaine ayant été fatale au général Qassem Soleimani, le chef des opérations extérieures des Gardiens de la révolution iranien et à Abou Mehdi al-Mouhandis, le numéro deux du Hachd al-Chaabi, une alliance de milices chiites pro-Téhéran.

Lors d’une conversation téléphonique, M. Abdel Mahdi a en effet « demandé que des représentants soient envoyés en Irak pour mettre en place les mécanismes nécessaires à l’application de la décision du Parlement en vue d’un retrait sécurisé des troupes d’Irak », a indiqué le bureau du Premier ministre irakien, le 10 janvier.

Seulement, la diplomatie américain a fait part de son intention de ne pas y donner suite. « À ce stade, toute délégation qui se rendrait en Irak serait chargée de discuter de la meilleure manière de reconfirmer notre partenariat stratégique, pas de discuter un retrait des troupes », a répondu Morgan Otagus, la porte-parole du Département d’État. « Notre présence militaire en Irak vise à poursuivre le combat contre l’EI et, comme l’a dit le secrétaire d’Etat, nous sommes déterminés à protéger les Américains, les Irakiens et nos partenaires de la coalition », a-t-elle ensuite fait valoir.

Et d’ajouter, sans plus de détails, que Washington souhaitait avoir une « discussion » avec le gouvernement irakien « non seulement au sujet de la sécurité, mais aussi au sujet de notre partenariat financier, économique et diplomatique » car « nous voulons être un ami et un partenaire d’un Irak souverain, prospère et stable. »

Évidemment, un retrait d’Irak des forces américaines signifierait la fin de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis [opération Inherent Resolve]. Après les récents événements survenus en Irak, les activités de cette dernière sont à l’arrêt, l’accompagnement des forces irakiennes ayant été suspendu.

Quant au volet aérien, il est réduit à la portion congrue. Du moins si l’on en juge par le dernier compte rendu des opérations de l’État-major des armées [EMA] français. Ainsi, entre les 3 et 9 janvier, les 11 Rafale engagés dans l’opération Chammal depuis la Jordanie et les Émirats arabes unis n’ont effectué que 14 sorties aériennes. Soit une activité encore réduite de 25% par rapport en décembre.

Quoi qu’il en soit, pour la ministre française des Armées, Florence Parly, il est « important que les États-Unis puissent continuer à soutenir les efforts, comme ils le font depuis maitenant plusieurs années, de la lutte contre le terrorisme. »

« La lutte contre Daesh [EI ou État islamique] doit être poursuivie », a plaidé la ministre, sur les ondes de France Inter, ce 11 janvier. « On entend parfois certains commentateurs dire que ‘la lutte contre Daesh, c’est fini’ […]. En réalité, nous savons tous, et la situation au Levant le démontre, que cette organisation terroriste continue […] d’avoir les moyens d’agir de façon souterraine et clandestine. Et c’est pour ça que la situation en Irak est très inquiétante. Et si elle continue de se détériorer par proxies ou puissances étrangères interposées, eh bien cela laissera le champ libre à Daesh », a expliqué Mme Parly.

Quant aux 200 militaires français présents en Irak [dont 160 au sein des Task Force Monsabert et Narvik, qui forment les soldats irakiens, ndlr], la ministre a justifié leur maintien par la « solidarité » entre alliés. « Lorsqu’un un allié est attaqué, eh bien la réponse ne consiste pas à s’en aller », a-t-elle dit, en faisant allusion aux récentes frappes iraniennes contre des bases irakiennes abritant des forces de la coalition, notamment américaines.

Quoi qu’il en soit, le cadre et la finalité de la mission des militaires français sur le sol irakien pourraient évoluer. « Cela fait partie des réflexions que nous avons eues ces derniers jours », a dit Mme Parly. « La France est en effet très présente en Irak, pour accompagner les forces irakiennes dans leur montée en compétence car leur tâche est compliquée », avec un pays « confronté à de lourdes difficultés » et des « évènements récents pouvant créer des divisions qui seraient extrêmement préjudiciables à la paix dans la région », a-t-elle poursuivi.

Parmi les pistes envisagées, Mme Parly a laissé entendre que le maintien des militaires français en Irak pourrait se faire dans le cadre d’une mission de l’Otan. En tout cas, elle a évoqué ce point lors d’une conversation avec Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, le 10 janvier.

« Nous pouvons sans doute faire plus et mieux. Une mission de l’Otan est présente en Irak, avec la même tâche [d’accompagnement des forces irakiennes, ndlr]. Je pense que cela fait partie des pistes sur lesquelles nous devrions être plus actifs encore », a affirmé la ministre.

Pour rappel, l’Otan a mis en place, en octobre 2018, une mission de formation au profit des forces irakiennes. Relevant du Commandement allié de forces interarmées de Naples [JFCNP], cette NMI [Nato Mission in Iraq], demandée par Bagdad, compte 500 formateurs, conseillers et personnels de soutien. Son activité a été provisoirement suspendue après le raid américain contre le général Soleimani.

Lors de son allocution prononcée après les frappes iraniennes contre deux bases irakiennes abritant les forces de la coalition, le 8 janvier, le président Trump a demandé à l’Otan de s’impliquer davantage au Moyen-Orient, région qui n’est plus aussi importante sur le plan stratégique pour les États-Unis depuis que ces derniers ont gagné leur indépendance énergétique.

Par la suite, M. Stoltenberg a indiqué qu’il était d’accord pour dire l’Otan pourrait « contribuer davantage à la stabilité » du Moyen-Orient… Avant de préciser, plus tard, ce qu’il entendait par là.

« Je crois fermement que la meilleure façon de combattre le terrorisme international n’est pas toujours de déployer des troupes de l’Otan pour des opérations de combat d’envergure », a déclaré l’ex-Premier ministre norvégien à la presse, le 9 janvier. « Parfois c’est ce que nous devons faire, mais la meilleure façon est de permettre aux forces locales de combattre le terrorisme elles-mêmes. […] C’est exactement ce que nous faisons en Afghanistan, c’est ce que nous faisons en Irak, et bien sûr nous pouvons examiner si l’on peut en faire davantage dans ce genre d’activités », a-t-il continué.

« Nous pouvons aussi faire d’autres choses », a encore affirmé M. Stoltenberg, sans vouloir « spéculer » davantage. « Nous examinons différentes options. Cela requiert un véritable processus décisionnel au sein de l’Otan » et ses 29 Etats membres, « et nous devons en discuter avec les pays de la région », a-t-il souligné.

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