La France repousse l’appel de M. Trump à quitter l’accord sur le programme nucléaire iranien

Pour le président américain, Donald Trump, l’accord sur le programme nucléaire iranien [JCPoA pour Joint Comprehensive Plan of Action], signé à Vienne en juillet 2015 par le groupe dit « 5+1 » [les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne] et l’Iran, aura été intrinséquement mauvais. Et, un peu plus d’un an après son arrivée à la Maison Blanche, il l’a dénoncé, ouvrant la voie au rétablissement de sanctions américaines contre l’économie iranienne.

Lors de son allocution prononcée quelques heures après les tirs de missile iraniens contre deux bases irakiennes [situées en zone sunnite, ndlr] abritant les forces de la coalition anti-jihadiste – et notamment des militaires américains – M. Trump a de nouveau dit tout le mal qu’il pensait de cet accord, en affirmant que l’attitude hostile de l’Iran s’était intensifiée depuis sa signature.

Avec l’accord « insensé » sur son programme nucléaire, l’Iran a « reçu 150 milliards de dollars », a affirmé M. Trump. « Au lieu de dire ‘merci’, ils [les Iraniens] ont scandé ‘mort à l’Amérique’. En fait, ils ont scandé ‘mort à l’Amérique’ dès la signature de l’accord ». Ensuite, l’Iran a déclenché une vague de terreur financée par l’argent du JCPoA et a crée l’enfer au Yémen, en Syrie, au Liban, en Afghanistan et en Irak », a ensuite poursuivi le chef de la Maison Blanche. Et d’ajouter que « les missiles tirés hier soir sur nous et nos alliés ont été payés avec les fonds mis à la disposition par la dernière administration [celle du président Obama] ».

Aussi, considérant que le JCPoA arrivait « à échéance » et que l’Iran avait une voie « claire et rapide vers une percée nucléaire », M. Trump a affirmé que le « temps était venu pour le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, la Russie et la Chine de reconnaître cette réalité ». Et d’appeler ces pays à « rompre avec les vestiges » de cet accord. « Nous devons tous travailler ensemble pour conclure avec l’Iran un accord qui rend le monde plus sûr et plus pacifique », a-t-il fait valoir.

Cela étant, il est vrai que, durant ces derniers mois, l’Iran s’est affranchi de certains engagements qu’il avait pris dans le cadre du JCPoA. Notamment pour faire pression sur les Européens qui lui avaient promis de mettre en place un mécanisme appelé ISTEX [Instrument In Support Of Trade Exchange], c’est à dire une sorte de chambre de compensation devant permettre de s’affranchir des sanctions américaines en se passant du dollar.

Pour rappel, la levée des sanctions économiques était l’une des raisons [si ce n’est la raison] qui avait convaincu Téhéran de signer le JCPoA et de mettre ainsi ses activités nucléaires en sourdine.

Cependant, l’application du JCPoA soulève quelques interrogations, en particulier en Israël, où le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, ne cesse de dénoncer les activités nucléaires « cachées » de l’Iran. Et un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA] a apparemment donné du poids à ces accusations étant donné qu’il y est fait état de la découverte de « particules d’uranium naturel dues à une activité humaine » dans un entrepôt situé à Turquzabad. Or, ce dernier, signalé par le renseignement israélien, n’avait pas été déclarépar Téhéran.

Quoi qu’il en soit, pour la France, il n’est pas question de renoncer au JCPoA, et donc de donner une suite favorable à l’appel lancé par M. Trump. C’est en effet ce qu’a affirmé Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, sur les ondes de RTL, ce 10 janvier.

« Nous avions proposé depuis déjà maintenant deux ans une initiative politique faite par le président de la République pour qu’on maintienne bien les accords de Vienne qui empêchent l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire », a commencé par rappeler M. Le Drian. « Et on peut imaginer ce que serait la situation aujourd’hui si l’Iran était dotée de l’arme nucléaire », a-t-il ajouté.

Pour le chef du Quai d’Orsay, et s’il ne se porte pas très bien, « l’accord de Vienne n’est pas mort ». Et « nous sommes soucieux de le maintenir ».

« L’objectif, a poursuivi M. Le Drian, c’est d’empêcher que l’Iran n’accède à l’arme nucléaire ». D’où l’importance de l’accord de Vienne « à condition qu’il soit en permanence vérifié par l’agence internationale de l’énergie atomique, ce qui est le cas à l’heure où je parle », a-t-il dit.

« Nous nous voulons rester dans cet accord parce que c’est un accord de sécurité. Il n’est pas suffisant mais il est essentiel », a encore insisté M. Le Drian. Aujourd’hui les Iraniens « ne sont pas en position » d’avoir l’arme nucléaire « mais s’ils poursuivent le détricotage de l’accord de Vienne, alors oui dans un délai assez proche, entre un et deux ans, ils pourraient accéder à l’arme nucléaire, ce qui n’est pas envisageable », a-t-il aussi fait valoir.

L’Allemagne est sur la même ligne. « Nous avons des points de vue différents au sujet de l’accord nucléaire entre les États-Unis et les pays européens », a dit un porte-parole de la diplomatie allemande, ce 10 janvier. « Nous voulons utiliser toutes les possibilités offertes par l’accord pour avancer vers une solution diplomatique » et « notre objectif est de [le] sauver car nous restons convaincus que c’est le bon instrument pour empêcher l’Iran de se doter d’une éventuelle arme nucléaire », a-t-il ajouté.

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