M. Trump évoque des sanctions après une résolution du Parlement irakien exigeant le départ des forces étrangères

Plus de quarante-huit heures après une frappe américaine ayant tué, à Bagdad, le général Qassem Soleimani, le chef des opérations extérieures des Gardiens de la révolution iraniens, et Abou Mehdi al-Mouhandis, le numéro deux du Hachd al-Chaabi, une coalition de milices chiites irakiennes pro-Téhéran, le Parlement irakien a voté une résolution demandant au gouvernement [démissionnaire] de mettre fin à la présence des « troupes étrangères » dans le pays et de « retirer sa demande d’aide » qu’il avait adressée à la communauté internationale pour combattre l’État islamique [EI ou Daesh].

Cette résolution a été adoptée lors d’une séance extraordinaire par les 168 députés chiites pro-Iran présents [sur 329 parlementaires irakiens]. Signe des tensions intercommunautaires dans le pays, les élus sunnites et kurdes avaient préféré ne pas se rendre à l’assemblée. « Nous préférons prendre une position neutre qui sert les intérêts de l’Irak comme de la région du Kurdistan », avait ainsi résumé Vian Sabri, une députée kurde.

Quoi qu’il en soit, cette résolution n’est a priori pas contraignante puisqu’il ne s’agit pas d’une loi. Par ailleurs, l’expression « troupes étrangères » est vague : ll peut tout aussi bien concerner les forces américaines que les « conseillers militaires » iraniens affectés auprès des milices du Hachd al-Chaabi.

« Alors que nous attendons des clarifications supplémentaires sur la nature juridique et l’impact de la résolution adoptée aujourd’hui, nous exhortons fortement les dirigeants irakiens à reconsidérer l’importance de la relation économique et sécuritaire actuelle entre nos deux pays et de la présence continue de la coalition internationale pour vaincre » l’État islamique, a réagi Morgan Ortagus, le porte-parole du département d’Etat, après l’adoption de cette résolution.

Reste que le ministère irakien des Affaires étrangères a indiqué, le 5 janvier, avoir porté plainte auprès du Conseil de sécurité des Nations unies après des « attaques américaines contre des bases irakiennes » et « l’assassinat de commandants militaires irakiens et amis. »

Évidemment, un tel climat ne peut profiter qu’à l’État islamique, qui, selon un rapport d’un groupe d’experts de l’ONU sur la menace jihadiste, s’attache à « renforcer les conditions propices à son éventuelle résurgence. » Certes, si l’organisation a perdu son chef, Abu Bakr al-Baghdadi, tué lors d’une opération des forces spéciales américaines en Syrie, les causes qui favorisèrent son émergence dans les années 2013/2014 sont toujours là.

Comme, soulignait Pierre-Jean Luizard, spécialiste du Moyen-Orient, dans son livre « Le piège Daech« , le « caractère non réformable des institutions irakiennes », qui reposent sur un système confessionnel mis en place en 2003 et validé par une Constitution adoptée deux ans plus tard, serait ainsi un atout majeur pour l’organisation jihadiste.

« Même si le califat autoproclamé perd son assise territoriale [ce qui est le cas depuis mars 2019, ndlr], il essaimera telles des métastases dans des zones où la territorialisation actuelle l’avait contenu », prévenait le chercheur dans une postface rédigée en 2016, à l’occasion d’une nouvelle édition de son livre.

En attendant, la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis [Opération Inherent Resolve – OIR] a suspendu ses missions de formation menées au profit des forces de sécurité irakiennes. Ce qui concerne, évidemment, l’opération française Chammal, et plus particulièrement les TF Monsabert et Narvik.

« Notre première priorité est de protéger le personnel de la Coalition engagé dans la défaite de Daesh. Les tirs de roquettes répétés au cours des deux derniers mois par des éléments du Kataeb Hezbollah ont causé la mort de membres des Forces de sécurité irakiennes et d’un ressortissant américain civi », a expliqué le commandement de l’opération Inherent Resolve. « En conséquence, nous sommes maintenant pleinement occupés à protéger les bases irakiennes qui accueillent des troupes de la coalition. Cela limite notre capacité à mener des formations avec des partenaires et à soutenir leurs opérations contre Daesh et nous avons donc suspendu ces activités », a-t-il ajouté.

De son côté, le président Trump n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour commenter la résolution du Parlement irakien. « S’ils nous demandent effectivement de partir, si nous ne le faisons pas sur une base très amicale, nous leur imposerons des sanctions comme ils n’en ont jamais vu auparavant », a-t-il dit, alors qu’il se trouvait à bord d’Air Force One.

Et d’ajouter : « Nous avons une base aérienne extraordinairement chère là-bas. Elle a coûté des milliards de dollars à construire. Nous ne partirons pas s’ils ne nous remboursent pas. »

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