Libye : Le maréchal Haftar déclare la « mobilisation générale » contre une intervention militaire turque

En novembre, Ankara et le Gouvernement d’union nationale libyen [GNA], installé à Tripoli sous l’égide des Nations unies, ont signé un accord visant à délimiter les frontières maritimes de la Turquie et de la Libye, sans se préoccuper des autres pays intéressés, à savoir l’Égypte, la République de Chypre et la Grèce.

Or, pour la Turquie, cet accord est capital puisqu’il lui permettrait d’augmenter de 30% la superficie de son plateau continental et, donc, de jouer les trouble-fête dans le projet EastMed qui, porté par la Grèce, Chypre et Israël, vise à construire un gazoduc destiné à exporter, depuis des réserves chypriotes et israéliennes, 9 à 11 milliards de mètres cubes de gaz naturel vers l’Europe.

Seulement, si le GNA est défait par son rival de Tobrouk, lequel est soutenu par le Parlement libyen élu en juin 2014 ainsi que par l’Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar, cet accord sur les frontières maritimes [dont la validité au regard du droit internationale, est remise en cause], sera définitivement enterré. D’où l’importance de l’accord de coopération militaire conclu en même temps par Ankara et Tripoli.

En vertu de ce dernier, la Turquie se prépare à lancer une opération en Libye. Le Parlement turc a donné son feu vert le 2 janvier et Ankara a visiblement déjà envoyé à Tripoli des combattants de groupes armés syriens. Cela étant, la perspective d’une telle intervention militaire, dont l’objectif est de mettre en échec l’offensive des troupes du maréchal Haftar en direction de Tripoli, suscite de l’inquiétude et des oppositions.

L’Égypte, qui soutient le maréchal Haftar, est vent debout contre les intentions de la Turquie, d’autant plus que les relations entre Le Caire et Ankara sont déjà exécrables. L’Algérie, qui partage aussi un frontière avec la Libye, a également fait part de son opposition.

« La langue de l’artillerie ne peut être la solution. Cette dernière réside dans un dialogue sérieux entre les belligérants avec l’aide des pays voisins, notamment l’Algérie », a déclaré, le 3 janvier, Sabri Boukadoum, le ministre algérien des Affaires étrangères, cité par observalgerie.com. « La démarche turque qui vise à déployer des troupes sur le sol libyen internationalise la crise de fait et met l’Algérie devant le fait accompli », a-t-il ajouté.

Après la Ligue arabe, le chef de l’Union africaine, Moussa Faki Mahama, a fait valoir que « les différentes menaces d’interférence politique ou militaire dans les affaires internes du pays [la Libye] augmentent le risque de confrontation, avec des motivations qui n’ont rien à voir avec les intérêts fondamentaux du peuple libyen et ses aspirations à la liberté, la paix, la démocratie et le développement. »

Enfin, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a affirmé, sans citer explicitement la Turquie, que « tout soutien étranger aux parties en guerre » en Libye « ne fera qu’aggraver un conflit et compliquer les efforts pour une solution pacifique. » Et d’ajouter que les « violations continues de l’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité ne font qu’empirer les choses. »

De son côté, le maréchal Haftar, qui bénéficie aussi du soutien des Émirats arabes unis, voire de la Russie [et d’une relative bienveillance des États-Unis et de la France], a décrété la mobilisation générale, évoquant une « invasion » turque encouragée par le gouvernement rival de Tripoli.

« Nous acceptons le défi et déclarons le jihad et la mobilisation générale. […] L’ennemi regroupe ses forces pour envahir la Libye et asservir notre peuple » et a trouvé « parmi les traîtres ceux qui ont signé avec lui un accord de soumission, d’humiliation et de honte », a en effet déclaré le maréchal Haftar lors d’une allocution télévisée, le 3 janvier.

Pour rappel, la Libye fut, par le passé, une province de l’Empire Ottoman, avant de devenir une colonie italienne à la faveur de la guerre italo-turque [septembre 1911 – octobre 1912].

Quoi qu’il en soit, le maréchal Haftar pourra sans doute compter aussi sur un soutien de la… Grèce, dont il a reçu le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, le 22 décembre dernier.

Dans un entretien donné au quotidien canadien Globe and Mail, le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a appelé la Turquie à ne pas franchir de « ligne rouge », notamment dans le cadre de l’accord maritime conclu par Ankara et Tripoli.

« Personne ne peut franchir les lignes rouges » et « nous ne permettrons aucune activité turque violant les droits souverains de la Grèce », a déclaré M. Mitsotakis, avant d’affirmer que son pays était prêt à discuter avec ses voisins, dont la Turquie.

Mais « si [au cours de ces discussions] aucun accord n’est atteint [avec la Turquie], la Grèce est même prête à recourir à une juridiction internationale », a-t-il prévenu.

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